Populaire

Par Tedsifflera3fois

Après L’Arnacoeur, Romain Duris fait une nouvelle incursion dans la comédie romantique populaire, en binôme cette fois avec la charmante Déborah François. Et c’est encore une réussite. Régis Roinsard, dont c’est la première réalisation, signe un film moins lisse qu’il n’y parait, et qui s’auto-annonce malicieusement comme le succès populaire de cette fin d’année.

Synopsis : Rose rêve de devenir secrétaire. Louis est plutôt séduit par la vitesse vertigineuse à laquelle elle tape à la machine. Si elle veut être sa secrétaire, elle devra participer à des concours de vitesse dactylographique…

Populaire. Le titre du film est moins simple qu’il n’y paraît. La Populaire, c’est le nom d’une machine à écrire très sophistiquée qui n’a finalement qu’un rôle très secondaire dans l’histoire. C’est aussi une qualité que va développer Rose Pamphyle au fur et à mesure de l’aventure, s’accommodant parfaitement de son nouveau rôle de star de la dactylographie. Pourtant c’est ce succès inattendu, associé à la machine à écrire éponyme, qui représente la plus grande force antagoniste du film.

Populaire serait donc un titre au moins en partie péjoratif, si on l’associe à son contenu. Il n’en reste pas moins que ce simple mot semble aussi afficher ostensiblement l’ambition du film lui-même : être la comédie populaire de l’année. Un choix audacieux et surprenant, puisque ce titre ambigu est à la fois un programme pour le film et un danger pour l’héroïne, cette dernière interprétation assombrissant forcément la première. Dans Populaire, Régis Roinsard parle donc d’une secrétaire, mais aussi métaphoriquement de son propre film, conscient de tout ce que la comédie populaire peut avoir de commercial, de crâneur, d’hypocrite, de niais et de superficiel, comme la machine à écrire du même nom (et l’opportuniste famille Japy qui lui est liée).

Et puis il y a l’autre face de la médaille : la comédie se veut populaire comme l’est Rose, simple, séduisante, espiègle et… efficace. Pari inattendu, pari réussi. Le film bénéficie de la virtuosité des bonnes comédies américaines, mélangeant romance, humour et aventure dans un tourbillon de charme et de rythme. L’identité visuelle est puissante (bien que parfois un peu maniaque); Romain Duris confirme qu’il est un grand acteur capable de donner chaire à des personnages aussi différents que Louis, obsessionnel et emprunté, et le décomplexé Alex de L’Arnacoeur; Quant à Déborah François, ravissante ingénue, elle se taille la part du lion en Audrey Hepburn à la française.

L’histoire d’amour est classique mais la magie fonctionne grâce au couple vedette, et à des idées de mise en scène étonnantes comme dans cette scène d’amour troublante en rouge et bleu (le trouble de Romain Duris est étrange, presqu’effrayant, à mi-chemin entre le malaise et le désir). Quant à l’intrigue « sportive », elle est parfaitement mise en scène, le souffle épique emporte le morceau et scotche le spectateur dans son siège comme s’il assistait à une finale de coupe du monde. L’esprit sportif, la performance, le dépassement de soi, l’abnégation en amont et la formidable pression lors de la compétition, tout ceci est admirablement décrit. Le film réussit son défi de rendre la machine à écrire aussi excitante que peut l’être un ballon de football et de concentrer en quelques instants les plus profonds espoirs, les plus amères déceptions, les plus vives passions individuelles et collectives, comme seul le sport sait le faire.

Certes les seconds rôles sont sacrifiés (notamment Bérénice Bejo ou Eddy Mitchell), certes la construction du scénario est banale, mais les personnages sont plus complexes qu’il n’y parait. Question essentielle : Louis se sert-il de Rose ou fait-il cela pour elle? Un peu des deux. Et l’amour dans tout ça? une alchimie secrète entre pur altruisme et besoin de l’autre. Rien n’est fait simplement pour soi, rien n’est fait simplement pour l’autre. Tout prend un double sens. Les amoureux tendent vers des objectifs qu’ils veulent atteindre ensemble, autant pour soi que pour satisfaire l’être aimé.

Autre question : n’est-ce pas désuet de parler de dactylographie quand la machine n’existe presque plus, et quand le rôle de secrétaire au féminin ne semble plus être qu’un résidu d’une société misogyne? Oui un peu. Mais Populaire est aussi l’histoire d’une femme qui s’émancipe, qui aime et qui veut être l’égale de l’homme qu’elle aime. C’est aussi l’histoire d’un homme qui aime et qui ne sera jamais l’égal de la femme qu’il aime, un champion.

Ce n’est pas l’histoire du couple d’amis dont l’épouse joue du piano à la maison tandis que le mari fait du business aux USA. C’est l’histoire d’un couple qui grandit ensemble, certes avec les références de son époque, mais pour mieux s’en affranchir. Rose ne sera jamais secrétaire, Louis ne sera jamais un grand sportif. Populaire, depuis son titre jusqu’à sa fin, est un film faussement simple qui cultive l’ambigüité.

Note : 7/10

Populaire
Un film de Régis Roinsard avec Romain Duris, Déborah François, Bérénice Bejo et Shaun Benson
Comédie, Romance – France – 1h51 – Sorti le 28 novembre 2012