Mariano Siskind, Comme on part, comme on reste
Si rien ne bouge Éric Bonnargent « Le temps est une pute. » C’est dans l’Abasto, un quartier populaire de Buenos Aires, que débute Comme on part, comme on reste. Écrasé par son inertie naturelle, Meyer, le narrateur, est incapable d’entreprendre et se contente de rêver sa vie. Dans la première partie, il n’est encore qu’un jeune homme travaillant à la rédaction des sous-titres des films des Marx Brother lorsqu’il tombe amoureux d’une comédienne débutante qui n’éprouvera jamais rien pour lui : « Notre relation, en fin de compte, obéissait aux lois de son implacable indifférence et de ma douleur obsédante. » Après son départ pour les États-Unis, Meyer sombre dans l’obsession : il passe tous les jours devant la maison où elle habitait et lui écrit sans arrêt alors qu’elle a cessé depuis bien longtemps de lui répondre. « J’ai donc décidé que la meilleure façon de lutter contre l’incertitude, où me plongeaient ses lettres qui n’arrivaient pas, était d’alterner la destination des miennes : un jour à Beverly Hills, le lendemain à Brooklyn. Autrement dit, du lundi au vendredi : Beverly Hills, Brooklyn, Beverly Hills, Brooklyn, Beverly Hills. Samedi et dimanche, à l’adresse de Brooklyn seulement parce que c’était de là qu’elle m’avait écrit sa dernière lettre. » La confusion de Meyer structure la deuxième partie où alternent des chroniques de l’Abasto et de ses figures truculentes, comme Maradona, le mendiant cul-de-jatte ou Juan, le chasseur de rats, des dialogues rêvés (ceux entre Marilyn Monroe et son Rabbin/psychothérapeute sont comico-métaphysiques) et des confessions à mi-chemin entre le réel et l’imaginaire. Lorsque le délire cesse, les années ont passé, Meyer est à Brooklyn avec l’espoir de se réconcilier avec son ex-femme, partie depuis trois ans. De nouvelles obsessions rythment sa vie : sa promenade quotidienne le fait passer devant la galerie d’art où elle travaille et, de retour chez lui, il imagine en travelling ou au ralenti leurs retrouvailles et rédige des articles qui ne lui sont jamais payés. Incapable d’agir, accablé par les dettes, il attend. Son Loubavitch de propriétaire et son homme de main russe prendront son destin en main. Bien plus qu’un simple hommage à l’histoire du cinéma, Comme on part, comme on reste qui utilise dans son écriture et dans sa construction différentes techniques cinématographiques est un premier roman à découvrir. Mariano Siskind, Comme on part, comme on reste. Traduit de l’espagnol (Argentine) par Frédéric Gross-Quelen. Éditions de la Dernière goutte. 18 € source: http://anagnoste.blogspot.fr/2012/11/mariano-siskind-comme-on-part-comme-on.html