L’indigénat, l’islam, la République… Sacrées questions !

Publié le 04 décembre 2012 par Lecridupeuple @cridupeuple

Il faut savoir remettre en question son point de vue, par moments, c’est salutaire. Je ne parle pas du fond, lequel – pour moi – doit rester stable. Mais je m’astreins à requestionner, régulièrement, les voies et moyens que j’emploie pour atteindre mon objectif politique. Lequel reste, vous commencez à le savoir, la transformation radicale de la société. Que ce soit par la révolution citoyenne ou le réformisme radical, peu m’importe dans le fond. Ces débats passionnants me paraissent aujourd’hui de moindre importance par rapport à la réalité de la crise sociale, économique, morale et donc politique que traverse notre société. Et cette crise impose une souffrance sans précédent à des millions d’habitantes et d’habitants de ce pays.

 

Comme vous le savez peut être, je m’intéresse particulièrement à quelques sujets concernant l’action publique locale mais aussi aux quartiers populaires. C’est ce dernier sujet qui m’a amené à revisiter mes positions. A la base, je suis un républicain d’assez stricte obédience quoiqu’il faille préciser immédiatement une chose. Pour moi, la République n’est pas une fin en soi mais à la fois un outil et une étape. Le but reste le renversement du capitalisme. La République constitue un outil parce qu’elle impose, par la loi, l’intérêt de la majorité contre celui des minorités. Ce, dans un système précis : le capitalisme et la démocratie bourgeoise qui n’est pas la démocratie réelle. D’où le caractère d’étape de la République telle que moi je l’imagine.

En même temps, la République, dans le sens commun, reste une étape à atteindre. Elle n’a jamais existé telle que je la définis et que bon nombre de mes camarades la dépeignent. L’égalité de l’ensemble des citoyens sur la totalité du territoire français n’a aucune historicité, n’en déplaise aux grincheux. La classe ouvrière n’a jamais bénéficié, en réalité, des mêmes droits que les autres. C’est encore plus vrai pour ce qui concerne les immigrés, je pense notamment à celles et ceux originaires des anciennes colonies. C’est sur ce point que j’ai bien été obligé de remettre en cause ma manière de voir.

Je ne nie rien de ce que les marxistes m’ont appris sur l’utilisation de la main d’œuvre immigrée pour faire pression sur le salariat en général, profitant d’une main d’œuvre faiblement organisée, privée de repères dans ce pays d’arrivée, donc plus aisément malléable. Bien entendu, l’organisation par le patronat de flux migratoires a eu pour but de tendre le marché du travail en augmentant la demande d’emploi pour un nombre de postes de travail au mieux en nombre égal, rapidement en nombre décroissant. Ce déséquilibre entre une offre de main d’œuvre croissante et une demande décroissante a pesé sur le rapport des forces en la défaveur du prolétariat. Prolétariat dont font partie les travailleurs immigrés, avec ou sans papiers.

Bien entendu, la mise en avant du « travailleur immigré qui vient prendre le pain des bons petits blancs » par le patronat et son allié de toujours l’extrême-droite a contribué à la division mortifère de la classe ouvrière. Notons que, sur ce terrain, Fillon et Copé se montrent bons et loyaux élèves de Sarkozy.

Cela étant, l’affaire est un peu plus complexe. M’étant documenté sur l’histoire de l’Algérie, je dois bien me rendre compte que la manœuvre remonte à loin. Et que, sous la IIIe République, les habitants du Maghreb et de l’Afrique Noire, pour ne parler que de ceux-là, n’avaient pas tous les mêmes droits. Le fameux décret Crémieux, présenté alors comme une avancée, organise la division du prolétariat colonial. L’exemple algérien est le plus flagrant : les habitants de l’Algérie pré-coloniale de confession juive seront citoyens français à part entière ; les populations musulmanes, essentiellement de souche arabe et berbère, seront des « indigènes », régis par le statut de l’indigène, qui ne leur accorde pas la pleine citoyenneté française. C’est le moins que l’on puisse dire.

Evoquant cette question de l’indigénat particulièrement en Algérie, le célèbre maréchal Lyautey, peu connu pour son progressisme, a eu ce mot :

Je crois la situation incurable. Les colons agricoles français ont une mentalité de pur Boche, avec les mêmes théories sur les races inférieures destinées à être exploitées sans merci. Il n’y a chez eux ni humanité, ni intelligence.

Il est à relever que c’est la religion, l’Islam en l’occurrence, qui crée la différenciation dans l’accès à la citoyenneté. Ce n’est pas rien. Ce fait contribue à alimenter l’idée de plus en plus répandue dans nos quartiers populaires que la République aurait un problème avec cette religion précisément. Il m’a fallu quelques discussions, quelques réflexions longues dans le secret de mon cerveau, pour parvenir à ce simple constat alors que – j’ose le croire – nul d’entre vous ne saura me traiter de raciste ou d’islamophobe.

Mais à partir de cette prise de conscience, je suis bien amené à reprendre ma réflexion sur la République et sa place dans les quartiers populaires. Non, ma République n’a jamais existé. Elle demeure un objectif à atteindre. Mais le mal est profond et il va falloir bien des explications pour faire partager aux habitantes et habitants des quartiers populaires – ou la mixité d’origines géographiques est presqu’aussi illusoire que la mixité sociale, en termes de constat – que ma République est une réalité à conquérir et pas l’instrument d’oppression qu’ils ressentent. Et de longue date.

 

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Bonus vidéo : Ekoué, Casey & Less Du Neuf « La Valse des enragés »