L'ARTICLE
Il y a 4,5 milliards d'années, le jeune Soleil était plusieurs dizaines de fois plus lumineux qu'aujourd'hui et enfoui dans une nébuleuse de gaz et de grains, qui s'est aplatie ensuite sous la forme d'un disque sous l'action de la force centrifuge et de la viscosité. C'est ce dernier qui donnera naissance aux planètes. Las astronomes l'appellent " disque protoplanétaire ". Ce disque passe par cinq phases : un disque de gaz, un disque de grains, un disque de planétésimaux, un disque d'embryons, et un disque de planètes. Tout cela est résumé sur l'image ci-dessous.
Résumé des 5 étapes :
Ce schéma résume notre conception actuelle de la formation des planètes, à savoir la formation d'un disque de gaz (a), suivie de celle d'un disque de grains qui migrent dans le plan équatorial (b), puis d'un disque de planétésimaux (c). Ces petits corps, d'une taille de quelques centaines de mètres à quelques kilomètres, forment un disque d'embryons de planètes (d) et finalement les planètes qui nous sont familières (e).
(D'aprés A. Brahic "Les enfants du Soleil", Ed. Odile Jacob.)
Le disque protoplanétaire contient en plus du gaz, environ 1% (en masse) de grains interstellaires micrométriques composés de matériaux réfractaires (un cœur de silicate et une couche de métaux) dont la dimension est de l'ordre du micron. Le problème de la formation des planètes peut donc se résumer simplement ainsi :
Par quel(s) processus physique(s) des grains initialement micrométriques vont-ils pouvoir grandir et atteindre des tailles planétaires (de quelques 1000 à 10 000 kilomètres) ?
1) Aux premiers temps de la nébuleuse protoplanétaire, la densité du gaz est suffisante pour freiner fortement les mouvements des grains, ce qui a pour conséquence de diminuer l'inclinaison (et l'excentricité) de ces derniers et de les regrouper ainsi dans le plan du disque. Le gaz étant supporté par sa propre pression (équilibre entre la pression et la force de gravitation) sa vitesse de rotation est inférieure à la vitesse de rotation keplerienne. Ainsi, les grains de tailles différentes (plus ou moins couplés avec le gaz) se placent sur des orbites différentes. En effet, les plus petits grains, qui sont fortement freinés par le gaz, acquièrent une vitesse orbitale proche de celle du gaz. A l'opposé, les plus gros, peu couplés avec le gaz, ont une orbite keplerienne. Ceci se traduit par une forte vitesse relative entre les grains de différentes tailles, et donc un fort taux de rencontres. Des grains micrométriques pourraient ainsi grandir jusqu'au centimètre en quelques milliers d'années.
2) Au cours de ce processus de sédimentation dans le plan équatorial, le disque de poussière devient de plus en plus fin. Trois mécanismes différents sont proposés pour expliquer la croissance des grains du centimètre au kilomètre.
a) S'il n'y a pas de turbulence, la densité du disque peut être suffisante pour que le disque de grains devienne instable (instabilité de Jeans). Il se fragmente alors en " grumeaux " (Safronov 1969, Goldreich et Ward 1973) qui s'effondrent ensuite sur eux-mêmes et donnent naissance à des corps kilométriques, appelés " planétésimaux ". Néanmoins les conditions nécessaires pour atteindre un régime d'instabilité sont très " contraignantes " : l'épaisseur du disque doit être de l'ordre de quelques tailles de grains, et la moindre perturbation pourrait détruire ce délicat équilibre. Weidenschilling et Cuzzi (1993), ont montré que de la turbulence aurait pu être présente, rendant le mécanisme précédent inopérant. Il est proposé que la turbulence favorise les rencontres proches entre les grains, leur permettant ainsi de se " coller " efficacement les uns aux autres, via des processus chimiques de surface. Cette physique est cependant très mal connue. Des modèles simples montrent que le disque de poussière aurait pu effectivement être turbulent (Weidenschilling & Cuzzi 1993), mais s'accordent sur le fait que des corps kilométriques peuvent apparaître en quelques centaines de milliers d'années. Ces corps sont les briques à partir desquelles les planètes vont se former. On les appelle : planétésimaux .
b) Un autre mécanisme prometteur, héritier en quelque sorte des idées de Descartes, propose que de la matière puisse être accumulée au sein de tourbillons. Des simulations numériques récentes (Chavanis 2000) montrent que des tourbillons initialement présents dans la nébuleuse solaire peuvent, dans certaines conditions, se maintenir contre le cisaillement (le cisaillement provient de la rotation différentielle : une particule fluide est déformée, " étalée " par la rotation différentielle). Le jeu couplé des forces de Coriolis et de la rotation différentielle accumule alors les grains au cœur des tourbillons, créant localement des surdensités. Ces dernières deviennent suffisamment denses pour devenir gravitationnellement instables et s'effondrer en planétésimaux ou en planètes. Ces divers processus aboutissent à un même résultat final (sauf pour le mécanisme de croissance au sein de tourbillons) : le disque protoplanétaire est désormais composé d'un disque de gaz auquel se superpose un disque fin d'objets condensés appelés " planétésimaux " dont la taille typique est de quelques kilomètres dans le Système Solaire interne.
3) La phase qui mène des planétésimaux aux planètes est la plus activement étudiée aujourd'hui.. Le disque de planétésimaux est initialement très " froid ", ce qui signifie que la vitesse d'agitation des planétésimaux est très faible comparée à leur vitesse orbitale. La vitesse moyenne de rencontre est de l'ordre de la vitesse d'évasion des corps (~ 10 m/s, Safronov 1969). Lors d'une collision physique inélastique, la vitesse de rebond devient inférieure à la vitesse de libération. Les deux planétésimaux sont alors " liés " gravitationnellement et finissent par s'accréter. Ce modèle d'accrétion par " collage gravitationnel " est le point de départ des théories de formation des protoplanètes. A l'aide d'un mécanisme d'emballement de l'accrétion, appelé " effet Boule de Neige " (ou " runaway growth "), les auteurs semblent s'accorder sur le fait que les corps les plus gros peuvent atteindre quelques centièmes de masse terrestre en environ 100 000 ans à une unité astronomique (Wetherill et Stewart 1989, Weidenschilling et al. 1997, Kokubo et Ida 2000).
L'effet boule-de-neige est une conséquence de l'équipartition de l'énergie. A la fin de l'époque de l'accrétion Boule de Neige, le système se compose d'un grand nombre protoplanètes (quelques dizaines à quelques centaines) qui n'accrètent quasiment plus de matériaux, ayant " consommé" tout ce qui était à leur portée. Pour que les embryons des planètes terrestres continuent à grandir jusqu'à leur masse actuelle, le système doit entrer alors dans un processus d'échauffement. Les protoplanètes se perturbent gravitationnellement les unes les autres, augmentant de plus en plus leurs excursions radiales, jusqu'à ce que les orbites se croisent (Wetherill 1992). Les rencontres se traduisent alors par de gigantesques collisions physiques. Etant donné leur grande taille, les jeunes protoplanètes sont capables de résister à des chocs aussi violents et de réaccréter les fragments issus des collisions. Wetherill a mené de nombreuses simulations de cette époque finale. Il montre qu'en un temps de l'ordre de 10^8 ans, quelques centaines de corps de 0.01 masse terrestre peuvent former 2 à 5 planètes de masses terrestres. La Lune par exemple pourrait avoir été formée à cette époque à la suite d'un impact géant. Bien que les masses obtenues par les simulations numériques soient comparables à celles des planètes telluriques, il est en général difficile d'obtenir un Système Solaire " final " qui ressemble au nôtre.
Ce tableau rapidement brossé ne doit pas occulter le fait que les étapes décrites précédemment comportent encore de nombreuses lacunes théoriques et que nombre de détails sont encore mal connus.
http://www.aim.univ-paris7.fr/CHARNOZ/homepage/SYSTEME_SOLAIRE/Chap1.htm
COMMENTAIRES
En effet, on peut se demander : « Par quel(s) processus physique(s) des grains initialement micrométriques vont-ils pouvoir grandir et atteindre des tailles planétaires (de quelques 1000 à 10 000 kilomètres) ? «
Il faut faire preuve de beaucoup d’imagination pour forcer ces grains à devenir des planètes par collage mutuel de sorte que le cœur se trouve naturellement composé de fer et la surface de silicates après une phase d’échauffement provoquée par de « gigantesques collisions » qui n’ont aucunement pour effet de disloquer ces protoplanètes mais au contraire de les unir !
Il faut beaucoup d’imagination et aussi une foi de fer pour « croire » en ce modèle unique et dominant de formation des planètes. Nous avons ici un parfait exemple du « forcing » nécessaire pour faire entrer les faits physiques dans un modèle préétabli qui ne peut les contenir. Les explications complexes et tarabiscotées ne parviennent pas à nous convaincre que des poussières et autres matériaux satellisés à grande vitesse autour d’une étoile vont se coaguler en masse de plus en plus grosses pour former des planètes. Cette phase du collage gravitationnel n’a jamais été observée, les planétésimaux, à supposer qu’ils existent, auraient plutôt tendance à chuter vers l’étoile du fait de l’augmentation de leur masse ou à se fragmenter par chocs successifs. Par ailleurs les modèles se contredisent et montrent tous leurs insuffisances mais partent tous d’un postulat : IL FAUT démontrer que agglutination, collage et fonte des matériaux se produisent.
La cause de ces errements est à rechercher dans les contraintes du modèle de genèse des étoiles par effondrement gravitationnel qui interdit aux planètes de se former puisque ne disposant pas de la masse critique pour que s’opère la condensation du nuage interstellaire.
L’astrophysique académique se trouve donc corsetée par les contraintes de son modèle et n’a pas d’autre choix que d’imaginer une genèse des planètes différente de celle des étoiles classiques. D’où les efforts désespérés des théoriciens pour faire naître notre Terre à partir des poussières du Soleil.