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« IT’S ALL ABOUT LOVE, BROTHER » : Récits de deux jours avec Lee Fields. (Part. II)

Publié le 04 décembre 2012 par Vargasama

« IT’S ALL ABOUT LOVE, BROTHER » : Récits de deux jours avec Lee Fields. (Part. II)

Nous arrivons enfin à l’hôtel. A peine le temps d’emmener l’homme chercher un kebab que nous sommes déjà attendus pour une session photo. Peu farouche, il se laisse photographier sous tous les angles et dans toutes les positions : Superman, Rambo tout y passe. Encore une preuve que l’homme ne se prend pas vraiment au sérieux. On enchaîne avec une interview du Nouvel Obs qui se fera dans sa chambre, à moitié sur son lit, faute de place ailleurs. Je sers alors de traducteur de fortune pour être sûr que les propos retranscris seront fidèles à ceux tenus par l’artiste. Encore cette foutue question sur « Little JB ». Mais à part ça, l’interview « Obsessions de Lee Fields » se déroule très bien et arrive enfin la dernière interview de la journée.

Je vis chaque chanson et essaye de transmettre ces émotions au public. C’est pour cela que je chanterais toujours de la soul. Soul is Life!

Ma collègue prend le large et je reste seul avec Lee et le journaliste. N’ayant plus d’horaires à respecter, l’homme n’a plus de limites. Cette dernière interview durera plus d’une heure. De nombreux sujets seront abordés. Lee Fields déteste tenir des propos incorrects et durant toute l’interview, il vérifiera ses dires sur internet. Il nous parla du r&b, qui a fortement dévié de ce qu’il était à l’époque. Le rythm & blues d’alors n’a plus rien en commun avec celui d’aujourd’hui. Il déviera ensuite sur les rappeurs qui se font passés pour des gangsters. « Pensez-vous vraiment qu’un vrai gangster l’annoncerait comme ça ? (il regarde la définition de gangster sur son téléphone) Tu crois qu’un vrai mafieux dirait qu’il est un criminel ou associé dans un gang ? Non, si tu es un vrai gangster tu te fais discret et tu essayes de pas te faire chopper. » C’est ce qu’il dît ensuite qui me marqua. « Je ne veux pas critiquer leur musique, loin de là, mais je pense que ces artistes qui ne chantent qu’à propos de filles, de sexe, de drogue ou d’argent devraient réfléchir à l’impact qu’ils ont sur les jeunes. Les chanteurs sont les nouveaux héros de la jeunesse et sans le vouloir ces chanteurs ont une influence sur eux. Aujourd’hui, tous les enfants en Amérique veulent devenir des gangsters, c’est ridicule ! Quand je chante et fait des disques, je pense à ces choses-là. Je veux que mes enfants et même les enfants de mes enfants puissent écouter mes disques plus tard, sans que j’en aie honte. » Où sont les John Lennon et les Bob Marley qui chantaient l’amour, la paix, l’espoir… ? Le concept ne devait plus vendre suffisamment, j’imagine. Mais je digresse.

« IT’S ALL ABOUT LOVE, BROTHER » : Récits de deux jours avec Lee Fields. (Part. II)« IT’S ALL ABOUT LOVE, BROTHER » : Récits de deux jours avec Lee Fields. (Part. II)« IT’S ALL ABOUT LOVE, BROTHER » : Récits de deux jours avec Lee Fields. (Part. II)Lee nous parla également de sa vie, qui fut plus que mouvementée. Pendant un moment, il pensait même quitter la musique pour ouvrir un restaurant de poissons. Mais sa femme lui demanda justement « Qu’y connais-tu en poisson ? » et il réalisa qu’à part comment les manger, il ne connaissait pas grand-chose. Son histoire est touchante. C’est celle d’un homme qui n’abandonnera jamais son rêve. La seule fois où il l’a mis entre parenthèse, c’était pour subvenir à sa famille, le succès se faisant désiré à l’époque. Mais ne vous méprenez pas, ce n’est pas pour l’argent ou la gloire qu’il chante. La seule fois où il a mentionné l’argent qu’il gagnait, c’était pour dire qu’il était heureux de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille, même si son « job » l’emmenait loin d’eux trop souvent. Je rentre enfin chez moi sans même écouter de musique dans les transports (habituellement indispensable), ressassant les paroles du grand homme.

« IT’S ALL ABOUT LOVE, BROTHER » : Récits de deux jours avec Lee Fields. (Part. II) 

Je rejoins Vincent (guitariste) et Lee le lendemain. Une session acoustique et une interview sont au programme. Le journaliste a repéré un petit magasin vintage non-loin de l’hôtel et les propriétaires acceptent avec plaisir, trop heureux d’accueillir une célébrité dans leur échoppe. On installe un micro sur sa chemise pendant l’interview qui évidemment ne se déroulera pas sans la fameuse question. Nous enchaînons avec la session acoustique et la voix de Lee Fields prend toute son ampleur dans un espace aussi réduit. Trop d’ampleur pour le pauvre micro de l’Express qui sature complètement. Second essai, micro par terre sous une table. Le résultat est meilleur semble-t-il, j’ai hâte de voir ce que la vidéo va rendre. Vincent et Lee était un peu impressionnés car la cameraman prenait des plans d’un peu trop près à leur goût. Nous remercions chaleureusement les propriétaires du magasin et Lee en profite pour leur signer un CD promo en signe de gratitude.

« IT’S ALL ABOUT LOVE, BROTHER » : Récits de deux jours avec Lee Fields. (Part. II) 

Ultime étape du voyage promo, une session live pour Radio France Culture. Nous arrivons dans les studios et après quelques échauffements vocaux, Lee, Vince et les Ladie enregistrent une version acoustique de “Faithful Man” qui sera diffusée pendant l’émission (http://www.franceculture.fr/emission-le-rendez-vous-le-rdv-301012-avec-marie-agnes-gillot-laurence-equilbey-olivier-mosset-walte). Ils enregistreront quelques versions mais la 3e sera la bonne, à l’unanimité. On nous annonce qu’une deuxième chanson sera jouée, mais cette fois-ci live, à la fin de l’émission. Coup d’œil à l’horloge, nous avons 1h30 à attendre… Nous sortons dans le couloir et tout le monde discute pour passer le temps.

« IT’S ALL ABOUT LOVE, BROTHER » : Récits de deux jours avec Lee Fields. (Part. II)

Je pense que les musiciens de Lee Fields sont habitués à ce qu’il parle beaucoup et quand il se lance dans un de ses longs discours, ils écoutent au début mais laissent rapidement tombé. Je reste donc seul à l’écouter et nous engageons une discussion. Je lui demande alors pourquoi il a choisi la soul, et pas un autre style. Je sais qu’il a déjà fait de la house music avec Martin Solveig, mais son projet personnel reste définitivement soul. Je n’ai pas d’enregistrements de sa réponse, mais je vais essayer d’être le plus fidèle possible : « J’ai commencé en tant que chanteur de gospel. Mais le gospel chante à propos de la religion, de l’au-delà. La soul parle de la vie de tous les jours, des sentiments ressentis par l’être humain, bons comme mauvais : l’amour, la passion, la colère, l’envie, la jalousie… toutes ces émotions qui composent la vie de chacun d’entre nous. Je ne me considère pas comme un grand chanteur, mais là où je fais la différence, c’est comment je chante. Je vis chaque chanson et essaye de transmettre ces émotions au public. C’est pour cela que je chanterais toujours de la soul. Soul is Life. J’ai fait des tournées pendant 6 ans avec Martin Solveig. C’était génial, mais je suis un homme de soul. Le gospel parle du paradis alors que dans la soul, on chante ce que l’on a vécu. Je suis très croyant et je pense qu’il y a un paradis mais je n’y suis jamais allé et je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui y soit allé. J’ai vécu chacune des chansons du nouvel album. Je peux m’identifier à chacune de ces chansons et c’est pour ça que je peux transmettre ce que j’ai senti à ce moment-là sur scène. Je n’essaye pas de sauver le monde avec ma musique. J’essaye seulement de survivre et de dire/chanter ce que je pense sincèrement du monde. C’est aux politiques de changer le monde. » Le live approche, je pose donc une dernière question : « Avez-vous des regrets ? Tu sais, tout n’a pas toujours été facile pour moi mais si ma vie était à refaire, je ne changerais rien. »

Après ces deux jours passés avec lui, je comprends pourquoi.

« IT’S ALL ABOUT LOVE, BROTHER » : Récits de deux jours avec Lee Fields. (Part. II)

Crédits Photos : Yannick Vogel.

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