La Vallée-aux-Loups, refuge de Chateaubriand à Chatenay-Malabry

Publié le 04 décembre 2012 par Mpbernet

Visiter la maison d'un écrivain donne terriblement envie de découvrir son oeuvre.

Et ici, il ya de quoi faire. Si, si, essayez de vous rappeler vos années de lycée : Atala, Le génie du Christianisme, Les martyrs, la Vie de Rancé, Les mémoires d'outre-tombe ...

Je le concède, je n'ai pas lu grand-chose de ce génie de la langue française, père du Romantisme, à part Le dernier des Abencérages. Pourtant, malgré ses prises de positions terriblement extrèmistes, sa succession de succès et de mises au placard, l'influence que Chataubriand exerça sur des générations entières d'écrivains français - de Victor Hugo qui déclarait : "Je veux être Chateaubriand ou rien !" au Général de Gaulle "Chateaubriand portait jusqu'à la cime la gloire émouvante de nos lettres " - est considérable. François-René m'apparait tout à coup bien plus proche, accessible ...

Car il est tout à la fois excessif et changeant, tout en demeurant fondamentalement légitimiste et chrétien. Pas du tout de notre temps, donc ... Toujours impécunieux, il achète cette jolie demeure en 1807 après que Napoléon l'ait exilé à plus de deux lieues de Paris pour avoir écrit un article très critique sur le despotisme impérial. Il y travaille, s'y installe avec son épouse et y reçoit son grand amour, Juliette Recamier.

Voici comment il relate, dans les "Mémoires d'outre-tembe", sa rencontre avec celle qui sera son amie de toute une vie :

"Environ un mois après, j'étais un matin chez Madame de Staël ; elle m'avait reçu à sa toilette ; elle se laissait habiller par Mlle Olive, tandis qu'elle causait en roulant dans ses doigts une petite branche verte : entre tout à coup Madame Récamier vêtue d'une robe blanche ; elle s'assit au milieu d'un sofa de soie bleue ; Madame de Staël restée debout continua sa conversation fort animée et parlait avec éloquence ; je répondais à peine les yeux attachés sur Madame Récamier. Je me demandais si je voyais un portrait de la candeur ou de la volupté. Je n'avais jamais inventé rien de pareil et plus que jamais je fus découragé ; mon amoureuse admiration se changea en humeur contre ma personne. Je crois que je priai le ciel de vieillir cet ange, de lui retirer un peu de sa divinité, pour mettre entre nous moins de distance. Quand je rêvais ma Sylphide, je me donnais toutes les perfections pour lui plaire ; quand je pensais à Madame Récamier je lui ôtais des charmes pour la rapprocher de moi : il était clair que j'aimais la réalité plus que le songe."

Las, il devra vendre la Vallée-aux-Loups après y avoir créé un splendide parc dès 1818, à Mathieu de Montmorency, un ami et créancier. Celui-ci y ajoutera une tourelle qui n'est pas du meileur goût ...

Aujourd'hui, le domaine est un havre de paix dans un secteur totalement calme. La maison, superbement meublée, regorge de souvenirs. On y voit la méridienne sur laquelle posa Madame Récamier pour David, le costume de Pair de France de celui qui fut aussi un émigré en Allemagne et à Londres, un diplomate à Rome, un grand voyageur entre Paris et Jérusalem, un ministre de l'Intérieur de Louis XVIII pendant les Cent Jours (puis à nouveau en 1822) mais qui fut privé de son poste en 1816 et fut contraint de vendre cette si jolie maison de campagne.

Le mobilier en citronnier de style Charles X avec incrustations d'amarante, les tapisseries à grands motifs d'indiennes sont merveilleusement conservés, l'escalier de bâteau, les grands lits ...et la chambre de Juliette, quel délicieux décor !

Cette promenade si proche de Paris vous fait faire un saut dans le passé et vous rend tout à coup plus cultivé ...

Maison de Chateaubriand : La Vallée-aux-Loups - 87, rue Chateaubriand 92290 Châtenay-Malabry; Téléphone : 01 55 52 13 00