Selon ses promoteurs, une production importante peut permettre de sauver près de 10% de la récolte annuelle. Une première usine est construite en 1969 au centre du pays. En 1977, le gouvernement indien exige la construction d'une seconde usine, sous peine de ne pas renouveler la licence d'exploitation de leur propriétaire: Union Carbride Corporation (India).
La seconde usine est construite en 1978 à Bhopal, ville comptant alors pas moins de 300 000 habitants, à 600 kilomètres au sud de New Delhi. L'usine conçue pour produire 5 000 tonnes par an de pesticides (alors que la demande en Inde n'aurait jamais dépassé les 2 000 tonnes/an), se trouve à 5 kilomètres à l'extérieur de la ville, et à un kilomètre de la gare. On y produit des pesticides extrêmement toxiques et allergènes. Mais l'usine est placée à l'écart de la population.
Union Carbride, envisage sa fermeture mais le gouvernement indien refuse car cela constituerait un très mauvais exemple pour d'autres investisseurs étrangers potentiels. Pour rééquilibrer ses comptes, la filiale indienne d'Union Carbride décide alors de réduire les frais d'exploitation et, pour ce faire, licencie progressivement une partie de son personnel qualifié, dont une partie sera remplacée par des employés moins bien formés.
Le 21 octobre 1984, les opérateurs échouent dans leur tentative d'accroître la pression dans le réservoir 610 pour en extraire l'isocyanate de méthyle qui y est stocké, un composé organique très dangereux pour tous les êtres vivants et confiné à une température inférieure à 0 °C, température au-delà de laquelle il se transforme en un gaz plus lourd que l'air, aussi toxique que le chlore.
Dans la nuit du 2 au 3 décembre...la catastrophe.
21h15: Un opérateur et son contremaître procèdent au lavage d'un tuyau à grande eau. Ce tuyau communique avec le silo 610 ; il semble que la vanne soit restée ouverte, contrairement aux consignes de sécurité. L'eau va donc couler pendant plus de 3 heures et environ mille litres d'eau vont se déverser dans le réservoir.
22h20: Le réservoir 610 est rempli d'isocyanate de méthyle à 70 % de sa capacité.
22h45: Relève de la garde, une nouvelle équipe de nuit prend la relève.
23h30: La fuite est localisée, le contrôleur décide qu'il s'en occupera après sa pause à 0h15.
0h15: La pression intérieure du réservoir 610 dépasse la limite admissible et semble continuer à augmenter.
0h30: La pression menace, le contrôleur, bravant les instructions reçues de ne pas déranger inutilement son chef de service, se décide enfin à lui téléphoner pour le prévenir. Il sort ensuite pour aller observer l'état du réservoir, qui tremble et dégage de la chaleur. Le couvercle en béton du réservoir se fend, puis la valve de sécurité explose, laissant échapper un nuage mortel.
1h00: Le chef de service arrive, constate rapidement les fuites de gaz toxiques du réservoir 610 et fait sonner l'alarme.
3h00 : Le directeur de l'usine arrive et donne l'ordre de prévenir la police, ce qui n'avait pas été fait jusqu'alors, car la politique officieuse de l'usine était de ne jamais impliquer les autorités locales dans les petits problèmes de fonctionnement. Carbide observe la même politique aux États-Unis.
Un nuage toxique se répand sur une étendue de 25 kilomètres carrés. La majeure partie de la population dort ou ne réagit pas au signal d'alarme. Les ouvriers de l'usine, conscients du danger, s'enfuient. Il est difficile de prévenir les autorités car les lignes téléphoniques de l'usine fonctionnent mal.
La panique s'étend à toute la ville et, dans la plus totale incompréhension, des centaines de milliers de personnes sont prises au piège, errant dans les ruelles étroites du bidonville, cherchant des secours qui tarderont à se mettre en place. Le gaz attaque d'abord les yeux, entraînant une cécité, provisoire dans les cas favorables, avant de s'engouffrer dans les poumons pour provoquer de graves insuffisances respiratoires. Les 350 médecins de la ville qui peu à peu se mobilisent perdent du temps à comprendre ce qui se passe car aucun d'entre eux n'a été informé sur la nature exacte du gaz isocyanate de méthyle et des dangers qu'il présente.
3828 personnes décèdent le soir même.
Dès le 6 décembre, l'usine a été fermée et on a entrepris son démantèlement.
30 problèmes de sécurité majeurs avaient été négligés par le PDG Warren Anderson, il fait maquiller la plupart d'entre eux et n'accepte que des inspecteurs ne viennent sur les lieux que le 20 décembre.
Du temps de l'activité de l'usine, des déchets avaient été enfouis dans le sol, sans protection. Aujourd'hui encore, ces déchets se répandent dans les nappes phréatiques, empoisonnant l'eau puisée par les habitants aux alentours. Environ 30 personnes meurent chaque mois de cette toxicité, mais rien n'est fait pour nettoyer l'usine, où les déchets traînent à ciel ouvert, et que les enfants des bidonvilles utilisent comme terrain de jeu.
Chaque victime a reçu environ 500 $.
Warren Anderson a été accusé d'homicide par les autorités indiennes mais s'est sauvé.
Il se la coule douce à Long Island ayant vendu l'usine à Dow Chemical qui a laissé le site à l'abandon.