Les dirigeants français et italien, François Hollande et Mario Monti, se retrouvent lundi à Lyon pour un sommet destiné entre autres à affirmer leur volonté de faire avancer le très contesté projet de liaison ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin.
Alors que les relations entre les deux pays sont jugées « étroites et amicales » sur tous les sujets, cette 30e rencontre se tient sur fond de vive opposition à la ligne ferroviaire Lyon – Turin qui, via un tunnel transalpin, mettra Paris à un peu plus de 4 heures de Milan contre 7 actuellement. « On peut dire qu’aujourd’hui le mouvement NO-TAV (« no al treno alta velocità » – en français : « non à la LGV ») n’est plus seulement italien mais franco-italien », a assuré ce week-end à Lyon Paolo Prieri, déjà organisateur en 2011 d’un forum « sur les grands projets inutiles et imposés ».
Les opposants, qui manifestent depuis ce week-end et parmi lesquels figurent des élus régionaux et européens écologistes, ont prévu un rassemblement à 14h dans le centre de Lyon. Il se tiendra toutefois à bonne distance de la préfecture, lieu du sommet entièrement bouclé sur plusieurs rues par les forces de l’ordre. Le Raid et le GIPN seront mobilisés au côté des gendarmes et des policiers pendant que des hélicoptères survoleront la zone de la préfecture où se retrouveront les deux chefs d’Etat. Malgré tout, la contestation du projet est moins forte et moins audible en France que de l’autre côté des Alpes, où la voix des opposants a une portée nationale.
Les transports en commun sont d’ailleurs perturbés : la ligne de tramway T1 est très perturbée, des stations du métro B sont fermées et des lignes de bus détournées (plus d’infos sur le site des TCL). Ils proposent une solution alternative au tunnel, qui n’autoriserait les camions sur les routes que quand ils sont chargés et de les faire circuler par bateau une fois vides.
700 000 poids lourds en 2035
Infographie représentant les différents temps de trajet actuels en TGV.
Lors de leur rencontre, François Hollande et Mario Monti doivent valider le montage financier de la partie transfrontalière du projet, autrement dit le tunnel de 57 km de long (soit six de plus que le tunnel sous la Manche) sans les accès. Le coût total du chantier, critiqué par la Cour des comptes française, est évalué à quelque 25 milliards d’euros, dont 8,5 milliards pour le seul tunnel, qui doit être financé pour 2,9 milliards par l’Italie, 2,2 milliards par la France, et les 40% restants par l’Union européenne.
Ce tunnel veut limiter le transport routier de marchandises, et donc la pollution, au profit du train. Près de 700 000 poids lourds en plus devraient être ainsi reportés de la route vers le rail en 2035 permettant ainsi de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’environ un million de tonnes par an. L’investissement est jugé inutile en période de crise par ses opposants, encouragés par un référé défavorable au projet rendu par la Cour des comptes le 5 novembre dernier. La haute institution financière encourageait à «améliorer les infrastructures déjà existantes. » Mais les partisans du projet plaide que la voie ferrée actuelle, même optimisée, ne suffirait pas. La ligne actuelle permet le transport de quatre millions de tonnes par an de marchandises entre la France et l’Italie et a connu jusqu’à neuf millions de tonnes. Elle était alors complètement saturée.
Question financière difficile
François Hollande a rencontré Gérard Collomb à 10h avant la réunion avec Mario Monti à laquelle se sont joints Jean-Marc Ayrault et huit ministres dont Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense.
La question du financement est « complexe dans une période de contraintes budgétaires », reconnaît-on côté français, admettant que si le budget européen pluriannuel 2014-2020 n’était pas adopté, il faudra se montrer « créatif » pour trouver les ressources du côté de l’UE. Mais le projet de liaison ferroviaire, discuté depuis plus de 20 ans et dont la réalisation a été repoussée de 2025 à 2028-2029, n’est pas « un éléphant blanc ». « Tous les travaux préparatoires ont été réalisés (…) ce n’est pas du virtuel, ça va se faire », assure un conseiller diplomatique de l’Elysée. Membre écologiste de la coalition gouvernementale française, la ministre du Logement Cécile Duflot a déclaré dimanche que l’opposition de sa famille politique au projet de TGV Lyon-Turin était motivée par le contexte économique et non par des objections de principe. « Travailler sur la question du fret ferroviaire est une nécessité », a-t-elle dit.
Sur les autres sujets, Paris et Rome sont d’accord pour défendre au sein de l’UE le maintien des budgets de la Politique agricole commune et des politiques de cohésion. François Hollande et Mario Monti devaient aussi faire cause commune pour la supervision bancaire, sujet du conseil européen des 13-14 décembre, en vue d’un mise en oeuvre progressive en 2013. Ce mécanisme, piloté par la Banque centrale européenne, doit permettre à terme de recapitaliser directement les banques européennes en difficulté.
En matière de défense et d’armement, la France et l’Italie adopteront une feuille de route de coopération. Sur le plan commercial, le sommet doit mettre en place deux « enceintes » pour améliorer les échanges et investissements réciproques, l’une au niveau ministériel, l’autre regroupant industriels et sociétés privées. Recherche spatiale et enseignement supérieur seront également au programme.
(avec AFP)
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