Florange ou l'évidente panique gouvernementale

Publié le 03 décembre 2012 par Copeau @Contrepoints

La semaine passée, assez agitée sur le plan économique, a été l'occasion de mesurer exactement la compétence et la détermination du gouvernement. La conclusion qu'on peut tirer est sans appel : les curseurs sont diamétralement opposés puisque tout indique que ses membres déploient une détermination sans faille à prouver leur totale incompétence.

Au premier rang de ces intrépides fanfarons qui se lancent ainsi à l'assaut de problèmes qu'ils ne maîtrisent pas, d'autant plus facilement que ce ne sont ni leurs vies, ni leur argent qui sont en jeu, on trouve évidemment le bouillant Arnaud Montebourg d'Arceylör qui a, encore une fois, montré l'étendue de sa suffisante frétillance avec sa gestion des déboires du site industriel de Florange.

Grâce à une série de piques sorties de façon répétée contre le patron indien, Lakshmi Mittal, Montebourg a ainsi durablement réussi à agacer les Indiens vis-à-vis de la France, ce qui était une manœuvre aussi habile qu'indispensable au moment où le pays s'apprête à leur vendre -- enfin ! -- ses Rafales. On appréciera l'ironie mordante de certains journaux étrangers qui notent que pendant que l'Europe en crise fait tout pour attirer les investisseurs étrangers, la France et son ministre au maroquin à rallonge fait tout pour les repousser aux frontières. Peut-être le preux chevalier de l'acier franchouille n'avait-il plus en mémoire que la France a, avec l'Inde, un partenaire et des débouchés commerciaux très importants ; si se mettre à dos un cinquième de la population mondiale n'est pas une mince affaire, c'est en tout cas un défi que le ministre du dressement reproductif semble s'être imposé.

Les consternantes vitupérations du ministre contre le patron indien n'ont d'ailleurs pas constitué le seul affichage des capacités d'Arnaud pour fusiller un dossier puisqu'il a, dans la foulée, proposé une nationalisation du site. Là encore, je le rappelle, ce n'est pas avec son argent qu'il joue et peut donc se permettre une libéralité d'autant plus grande, même si celle-ci est plus que probablement anticonstitutionnelle et/ou en contradiction avec les traités internationaux et européens signés par la France.

Et comme prévu, sa proposition ridicule n'a pas manqué de lui exploser au museau. Son discours ne pouvait être que dynamité par l'animosité évidente qu'il peut déclencher à Bercy (où Moscovici ne peut pas le voir en peinture), couplée avec l'indifférence (au mieux) ou l'agacement de plus en plus visible d'un Ayrault qui n'arrive toujours pas, après plus de six mois aux commandes, à tenir ses ministres. Au début, le premier pouvait faire croire à une discrétion feutrée et un travail de fond. À présent, il passe pour un petit instituteur de campagne dépassé par une classe de cancres qui se jettent boulettes sur boulettes, Montebourg loin d'être le dernier.

On notera la constance assez troublante avec laquelle ce dernier persiste à raconter des bêtises et faire du vent en pure perte puisqu'il aligne, depuis son accession au ministère créé pour lui, une assez belle série de ratés minables et de soufflés voyants mais rapidement dégonflés. Sans les lister tous, on se souviendra des réactions ulcérées déjà déclenchées autour de lui, ici en France et dans le reste du monde, lorsqu'il a décidé de nous gratifier de ses pensées profondes sur les voitures coréennes, la direction de PSA, les performances de Free et j'en passe. Le bon côté de l'affaire, c'est que chacune de ses interventions est l'occasion pour notre diplomatie de développer de nouvelles compétences et de s'agiter en coulisse pour calmer l'un ou l'autre dignitaire étranger qu'il aura insulté sans même s'en rendre compte...

"Sans même s'en rendre compte", parce que tout montre qu'en plus, le personnage est complètement persuadé de faire un travail utile. Il semble qu'aucun feedback ne lui soit jamais fourni, par personne, alors qu'une tripotée de paires de claques s'imposent pourtant. Dès lors, il peut déclarer sans sourciller :

«Si j'avais dû me sentir désavoué, je n'aurais pas été seul car plus de 63% des Français soutenaient cette proposition, qui est une sorte d'arme pour la puissance publique afin de se faire respecter.»

Car oui, en effet, les Français, un peu bernés par les flonflons patriotiques du ministre et n'ayant aucune idée de ce que "nationalisation" veut vraiment dire pour les finances de l’État, approuvent à 59% l'éventualité d'endetter encore un peu plus leur progéniture pour sauver ce qui ne peut manifestement pas l'être. Au passage, ce comportement, qu'on peut largement qualifier d'irresponsable, est aussi partagé par une partie des députés qui ont le bon goût, pour une fois, de bien représenter cette partie naïve du peuple, pas avare des sous des autres :

«Il y a eu des parlementaires de tous les bancs, des anciens ministres sarkozystes, de Jacques Chirac, qui ont soutenu cette proposition. Il y a eu une mobilisation patriotique en faveur du sauvetage de l'acier français.»

Mais oui, Arnaud, il y a eu mobilisation patriotique dans ta tête : le petit chimpanzé qui y faisait du vélo et des cymbales a arrêté de les frapper l'une contre l'autre pour rejoindre le piquet de grève du panda en collants mauves, c'est assez clair.

La réalité, malheureusement, est moins tranchée : d'une part, la majorité des Français sont mécontents de la politique actuelle du gouvernement. Le fait qu'elle soit illisible joue beaucoup dans ce score, et l'agitation cosmétique des uns et des autres, suivis d'une absence pathétique de résultats, ajoute à l'agacement du peuple, à l'évidence. D'autre part, tout le monde sent confusément l'incompétence des zigotos qui s'agitent dans le poste de télévision.

Comment ne pas comprendre que les dirigeants actuels sont dépassés lorsqu'il y a besoin, pour occuper le terrain médiatique pourtant fort encombré des déhanchements épileptiques de Montebourg, de faire monter au créneau une ministre de l’Écologie incolore, inodore et sans saveur, l'excipient q.s.p. parité du gouvernement ? Pourquoi Delphine Batho s'est-elle exprimée sur un dossier comme celui de Mittal, et surtout pour ajouter un tâcle supplémentaire dans les gencives du patron indien ? Quel était le but recherché ? Comment interpréter autrement qu'en MégaBordel©™® le communiqué de presse de Matignon et l'allocution du Premier qui oublie carrément son ministre ? Qui peut encore porter cette cacophonie au crédit de cette brochette de clowns ?

Peut-être s'agissait-il pour ce gouvernement de camoufler le fait que les petites affaires africaines de l'ancien colonisateur continuent de plus belle, la Françafrique s'étant muée en Pompafrique depuis un petit moment, quand bien même l’État français est maintenant aussi lessivé que ses partenaires de magouilles. On apprend en effet que, pendant que Montebourg enfilait les perles sur Mittal, Moscovici signait assez discrètement à Abidjan avec le gouvernement ivoirien un contrat de "désendettement-développement" de 630 millions d'euros sur la période 2013-2015, pour un total, sur une durée de 15 à 20 ans, de 2,85 milliards d'euros, une somme qui provient, par on ne sait trop quelle tubulure ou quelle imprimante survitaminée, de la récente annulation quasi-totale de la dette ivoirienne à l'égard de Paris.

Là encore, comment ne pas voir que Moscovici va déclencher autant de dégâts que Montebourg (avec certes moins de panache) ? Cela fait maintenant plusieurs décennies qu'on peut mesurer les effets réels de l' "aide" de la France en Afrique ; d'ailleurs, c'est assez bien résumé dans l'excellent ouvrage de Dambisa Moyo, l'Aide Fatale. Bien sûr, on comprend que, derrière ces programmes et le petit crobard officiel de Moscovici au nom d'un état exsangue, se cachent des intérêts économiques et financiers colossaux, dont la partie émergée est cette petite saillie du ministre de l'Economie, concernant la (méchante) concurrence chinoise en Afrique ... Eh oui : malgré les rivières de pognon du contribuable français, les Africains préfèrent le commerce avec les Chinois.

Ici, Moscovici reproduit le même schéma mental que Montebourg, et leurs prédécesseurs, avec les mêmes résultats à la clef, dans quelques années : d'un côté, on subventionne à mort, et de l'autre, on pleurniche bruyamment lorsque les entreprises s'en vont une fois les subventions asséchées, en faisant fi de tout nettoyage des environnements fiscaux et juridiques, pourris par des décennies d'instabilité, d'arbitraire et d'incompétence des décideurs. Pourtant, ils sont la base de la création et du développement sains de l'industrie et du commerce. Mais nos clowns n'en ont cure : ils s'inscrivent dans l'immédiat, réagissent par la panique ou l'obstination idiote là où une prise de recul s'imposerait.

Montebourg, comme Moscovici, comme tous les autres, mènent le pays à sa ruine.
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