Après un intermède intellectuel et militant fort riche ma foi, revenons à notre activité de bloguage plus traditionnelle en explorant l’un des plus importants sujets du jour, abordés en mon absence par de nombreux blogueurs incroyablement passionnés aujourd’hui qui ne s’intéressaient pourtant pas le moins du monde à la sidérurgie lorraine hier … Passons. (On ne peut pas demander à tout le monde d’avoir ou d’être un cœur d’acier). Inutile de vous le souligner au marqueur fluorescent, l’affaire Arcelor Mittal Florange est en train de prendre une tournure polémique et politique singulièrement forte. On peut toujours essayer d’en ranger les méfaits par paresse intellectuelle dans une case d’analyse secondaire, en termes par exemple de conflits de personnes et d’erreurs d’interprétation ou de stratégies individuelles plus ou moins machiavéliques. Mais je préfère quant à moi, même si certaines explications peuvent sembler à priori intéressantes, me limiter volontairement au champ le plus objectif qu’il me soit possible d’atteindre et de respecter. Et c’est, singulièrement, celui des orientations idéologiques. J’occulterai donc dans mon analyse du sujet Mittal le fait que nous avons eu une petite discussion entre blogueurs au cours du déjeuner qui a servi de pause entre les deux demi-journées des assises pour l’écosocialisme samedi. J’oublierai également que l’un d’entre eux (je ne vous dirai pas lequel) nous a cité une anecdote très personnelle qui révélait clairement sur un dossier bien précis la difficulté quasi consubstantielle de celui qui allait devenir quelques années plus tard notre président à trancher dans le vif, en termes de décision finale. Une indécision maladive, dira-t-on, confirmée par bien d’autres. Pourtant, je me souviens avoir entendu ou lu Mélenchon dire qu’il fallait se méfier de l’apparence bon enfant et (gros) nounours de Monsieur Hollande, qui était à ses yeux beaucoup plus idéologue qu’on ne le pense généralement. Mais un idéologue résolument libéral. Que penser de cet antagonisme ? Je n’en sais rien…
Non, ce que je veux aborder là, c’est le fait que la décision prise par le gouvernement – ou du moins par un petit cénacle présidentiel, puisque sont clairement apparues des voix dissonantes la semaine dernière – a été prise de manière à mon sens purement idéologique, et non pragmatique, contrairement à ce que d’aucuns, plus éloignés, moins informés ou plus naïfs, tentent de nous faire accroire. Non, la décision prise par le gouvernement n’est pas l’illustration d’une volonté concrète dictée par une adaptation à la réalité et la volonté de sauver des emplois. Non, le combat qui s’est mené la semaine dernière n’est pas une stratégie voulue et concertée entre l’équipe de Hollande et son Ministre du redressement productif, l’un ayant joué l’outrance et le poing de fer sur la table et l’autre le gant de velours dans un incessant ballet pour faire plier Mittal. Je n’y crois pas une seule seconde, n’y voyant qu’une simple cacophonie. Il y aurait fallu une complicité qu’il n’y a pas entre ces deux équipes idéologiquement si éloignées.
C’est une décision dogmatique, prise par un cercle politique précis autour de Hollande (dont on sait à quel point certains membres sont influencés et même engagés dans des cercles de réflexion économiques proches des mouvements patronaux), qui a eu dans l’affaire un positionnement d’essence libéral orthodoxe. Et qui a donc été sensible en partie à la voix patronale qui s’élevait haut et fort pour dire que l’idée même d’une nationalisation lui était insupportable.
Car sur place, on est loin du cocorico triomphant exhibé par certains blogueurs bien parisiens. Ainsi, les ouvriers et leurs syndicats, localement, se sentent trahis et emplis d’une telle colère qu’ils menacent de boycotter Ayrault. Beaucoup parlent de renoncement. Édouard Martin, délégué CFDT, parle même de traîtres, alors qu’il avait fait savoir à quel point il estimait que Montebourg avait « mouillé sa chemise » sur ce dossier. Aujourd’hui, le Ministre est clairement désavoué, sûrement dégoûté par l’attitude de ses condisciples, au point qu’il serait même allé jusqu’à proposer sa démission. Je ne suis pas tendre avec le Monsieur, que je ne porte pas dans mon cœur, ceux qui me lisent régulièrement le savent. Mais je tiens à saluer la grandeur d’âme de Mélenchon envers celui qu’une blogueuse qualifie de « dernier des socialistes »… Il y en a d’autres. Car c’est dans ces moments là qu’on reconnaît la valeur d’un homme : sa main tendue à son camarade lutte, auquel il est toujours fidèle, malgré leurs divergences politiques, m’a touché. Sans parler plus largement de sa brillante intervention dans laquelle ce soutien se situe, hier soir sur BFTMTV, notamment à propos de l’affaire Mittal. Tout cela laissera des traces, de part et d’autre. Et l’épisode Mittal est loin d ‘être terminé, malgré cette apparence de décision gouvernementale, qui risque fort de se transformer en sujet de raillerie et de preuve tangible de l’amateurisme gouvernemental dans les mois qui viennent. Déjà, on évoque des informations très concrètes qui viennent démentir la thèse de la réussite d’une négociation réussie en haut lieu, comme par exemple le fait que le montant d’un projet d’opération de ré-industrialisation du site était de 358 millions d’euros, et que le montant proposé pour convaincre Mittal de rester n’est que de la moitié. Et qu’il permettrait habilement à Monsieur Mittal de voir ses activités de recherche et développement financées au détriment du contribuable pour, in fine, quitter tout de même le site, comme d’autres l’ont fait avant lui dans une lorraine marquée au fer rouge par ce genre de reniements publics sans sanctions. Se dit aussi que l’on fait peu de cas des ouvriers qui seront sacrifiés sur l’autel de la rentabilité puisque ne subsistera de toute façon d’après l’accord que l’une des deux filières, la froide et la chaude étant techniquement dissociées. On dit aussi que le contrat d’approvisionnement en gaz serait déjà dénoncé à court terme, ce qui en dit long sur la stratégie cynique de Mittal… Et surtout qui sonne comme un désaveu cinglant de notre brillant 1er Ministre qui avait affirmé vendredi que le site serait « maintenu en l’État »… Et ce serait Montebourg le seul dindon de la farce ? Qui est pour nous, ici, une véritable tragédie. Un collègue de travail attirait ainsi mon attention sur la perte de savoir faire, de technologie et de connaissances scientifiques qu’impliquait la disparition d’une activité industrielle aussi stratégique. Comment accepter de s ‘en voir dépouiller par un simple spéculateur financier sans vergogne comme l’est apparu à maintes reprises Mittal auquel ce gouvernement a choisi de faire confiance, plutôt qu’à la demande de ceux de Mittal Florange ?