Syrie - Réponse à Bahar Kimyongür et aux paléo-marxistes (Alter Info, 2 décembre 2012)
Prise d'écran du site Investig'Action (16 novembre 2012)
Le 16 novembre 2012, Bahar Kimyongür publiait à mon encontre un pamphlet au titre incroyable : Pierre Piccinin, négociant en sang syrien ?
Le site Investig'Action qui héberge ce texte m'ayant refusé un droit de réponse, j'ai donc publié cette réflexion sur le site AlterInfo, qui a eu l’amabilité de le diffuser.
Il semble qu’il soit devenu commun, désormais, dans le cadre de la crise syrienne, de la part de l’extrême gauche paléo-marxiste héritière du stalinisme (et de certains milieux tiers-mondistes ou anti-américanistes des plus primaires) de commettre à mon encontre pamphlets outranciers et billets assassins.
Preuve en est, s’il en faut encore, la dernière saillie de Bahar Kimyongür, sur le site de Michel Collon (Investig’Action), et ce à mon grand regret car, si le second, depuis mon appel à venir en aide aux révolutionnaires syriens, m’a fermé sa porte, le premier m’avait habitué à plus de modération, à une parfaite honnêteté intellectuelle et à un sens du débat équilibré et respectueux qui l’honorait admirablement. Il rejoint donc, à présent, le troupeau de son camp (pour rappel, la dernière attaque en date ; le méchant petit libelle de Diana Johnstone, dans Le Grand Soir : Fabrice à Waterloo : l’Occident humanitaire et la Syrie –et ma réponse, sur AlterInfo : Réponse à Diana Johnstone et aux néo-négationnistes).
Et il est commun, également, dans le chef des sites qui abritent la prose de mes détracteurs, de me refuser un droit de réponse, pratique qui m’apparaît pourtant comme des plus saines dans le débat intellectuel et dont la presse mainstream, dont nos amis des médias alternatifs n’ont de cesse de dénoncer la « censure », ne m’a jamais frustré, quant à elle (à l’exception, pour être juste, du quotidien La Libre Belgique qui, confronté à mon conseil juridique, s’est cependant finalement exécuté).
Ainsi, de même que Le Grand Soir m’avait refusé un doit de réponse aux attaques ad hominem que me portait Diana Johnstone, de même, l’équipe du site Investig’Action, suite à ma requête, m’a fait cette réponse révélatrice d’une certaine schizophrénie latente : « Monsieur Piccinin, comme vous le savez, vos nouveaux amis du Soir nous ont comparés à Goebbels. Nous sommes certains que vous aurez beaucoup insisté auprès d’eux pour qu’ils publient le droit de réponse que nous leur avons envoyé. Mais nous restons toujours dans l’attente de leur réponse. On constate donc que les médias dominants relaient complaisamment les thèses de votre camp et censurent les nôtres en refusant le débat. Pourquoi devrions-nous ajouter encore notre site pour héberger des contre-vérités que tout le monde peut lire partout ? »
Comme je le leur ai rétorqué, je ne suis pas membre de la rédaction du journal Le Soir, et je n’y ai aucune influence. Surtout, je ne vois pas ce que cette histoire qui les oppose au Soir aurait en rapport avec ma demande d’un droit de réponse après que j’ai fait l’objet, sur leur site, d’attaques personnelles, d’une stupéfiante véhémence.
Il fut un temps, cependant, où Investig'Action n'hésitait pas à publier mes scoops de terrain, quand toutefois les faits que j'y révélais abondaient dans le sens de sa ligne éditoriale (cf., par exemple, Syrie : un million de manifestants. Vraiment ? ou Syrie : autant en emporte le vent...).
Un désaccord sur le dossier syrien, et me voilà donc diabolisé, « excommunié », confronté à l’intransigeance doctrinaire du grand manitou de la boîte, et interdit de tribune…
Sera-t-il donc dit que les champions autoproclamés de la vérité et de la transparence médiatique, dès que le vernis est un peu gratté, se révèleraient n’être en somme que de vulgaires « fachos de gauche », comme les qualifieraient certains ? C’est là, quoi qu’il en soit, une grande déconvenue pour moi, qui créditais de ma parfaite considération ces publications en ligne… Fort heureusement, Internet permet aujourd’hui de contourner cette forme patente de censure et d’en dénoncer largement toute la malhonnêteté.
Auparavant, toutefois, je voudrais m’interroger sur les raisons de cet acharnement mis, depuis quelques mois, à me vilipender.
Peut-être cette attitude doit-elle s’entendre par le fait que, sur bien des dossiers, sur la Lybie notamment, mes détracteurs paléo-marxistes et moi partageons un même discours et un certain nombre de valeurs identiques. Nous avions également une analyse proche concernant les débuts de la révolution syrienne et nous avions alors été, ensemble, très durement critiqués, à l’époque.
De ce fait –et c’est là le nœud de leur problème-, je n’en suis que plus crédible, aujourd’hui, lorsque je témoigne de l’évolution qu’ont connue les événements en Syrie et lorsque je décris cette révolution devenue populaire et la nécessité de lui porter secours.
En cela, tel un miroir, mes analyses leur renvoient l’image de leurs postulats surannés et révèlent le caractère sclérosé de leur démarche, l’obsolescence de leurs prismes d’approche.
Et, surtout, je suis susceptible de toucher leur propre public, auquel je ne suis pas étranger.
Or, de cela, ils ne peuvent en convenir.
Je suis donc, pour eux, l’homme à abattre désormais : je suis celui qu’il faut faire taire, qu’il faut discréditer. C’est un impératif « économique », mais aussi une conviction : si mes analyses et mon témoignage ne correspondent plus à leurs schémas, c’est « forcément » que je suis tombé dans l’erreur et que je mens, puisque leurs postulats, eux, sont « évidemment » vrais. Je suis le traitre, le « déviant », le « vendu ».
Car c’est bien là le propre des intellectuels paléo-marxistes, agrippés à leurs certitudes, qu’ils ne sauraient remettre en question sans voir renversés tout leur univers mental, toute leur structure d’entendement et, ce qui serait plus grave encore pour eux, tout le sens même de leur combat et de leur action.
Leur lecture de l’histoire et, en l’occurrence, leur interprétation de la crise syrienne procèdent de ces postulats que j’évoquais, fermement enracinés dans leur pensée, des dogmes qu’ils tentent de préserver envers et contre toute raison, le plus souvent inconscients des biais que génère le cheminement qu’il leur faut parcourir pour préserver leurs croyances.
Le phénomène le plus caractéristique de ce cheminement est ainsi la manière dont ils sélectionnent, inconsciemment disais-je, mais pas toujours, les informations et faits qu’ils produisent dans leurs « démonstrations » : ne sont retenus que les éléments susceptibles de conforter leur thèse ; bien sûr, le reste, tout le reste qui contredit leur représentation des choses, c’est évidemment de la « propagande impérialiste ».
De la sorte, dès qu’un média « mainstream » propose une information qui leur convient, ils s’empressent de la répercuter sur la toile, sur une myriade de sites qui la reprennent, la ressassent, la relaient, la montent en épingle, faisant d’un fait, parfois très mineur, voire anodin, « l’info » du moment qui prouve bien que… Et (vous voyez bien !) même la presse impérialiste le dit ! Donc… Etc.
Ils produisent ainsi une image tronquée, voire tout à fait virtuelle de l’objet de leur étude.
Et la révolution du peuple syrien, revue et corrigée à l’aune de leur idéologie, redistillée par maints alambics savamment entortillés, devient, sous leur plume, le complot de l’Occident contre le dernier pays arabe qui résiste à l’Empire (entendez « les États-Unis d’Amérique ») et à son allié sioniste (« Israël »).
Le soulèvement légitime d’une population opprimée par une des pires dictatures encore en exercice se change en « invasion fasciste » de la Syrie par des « bandes d’égorgeurs », par des milliers de « mercenaires étrangers » à la solde des « puissances atlantiques » (l’OTAN).
Et ces magiciens du verbe n’ont aucune hésitation à qualifier les révolutionnaires de « terroristes sanguinaires », reprenant à leur compte, sans s’en émouvoir outre mesure, la dialectique d’un régime ignoble. C’est à peine, d’ailleurs, s’ils prennent la précaution oratoire de rappeler, de temps en temps, que le gouvernement syrien et son président, Bashar al-Assad, n’ont rien de très sympathique ; mais on les sent si peu convaincus, surtout lorsque suit une litanie de bonnes raisons de préférer le dictateur et son allié soviétique (je veux dire « russe » ; pardonnez le lapsus) au Grand-méchant-loup impérialiste.
Celui qui contrevient à la règle ou qui en montre toute l’absurdité apparaît dès lors comme l’inventeur d’un ineffable danger, et il doit être combattu par tous les moyens et coûte que coûte.
Ainsi, dans sa diatribe du 16 novembre, intitulée de la plus incroyable des façons Pierre Piccinin, négociant en sang syrien ? (!!! -et qui a été republiée le 18 novembre par Le grand Soir ; tiens donc ?), Bahar Kimyongür, abandonnant toute déontologie intellectuelle et toute éthique scientifique, s’en prend personnellement à moi, sans la moindre vergogne, tandis que le propos est illustré d’une photographie judicieusement choisie (voire la prise d’écran), qui me représente brandissant une kalachnikov, une photographie qui avait été prise lors d’un moment de relâche, en compagnie de miliciens, au Liban (et non pas en Syrie), où je couvrais les combats, à Tripoli, en mai 2012, pour le magazine Afrique-Asie.
Concernant ce genre de méthodes déloyales et manipulatrices, je conseillerais bien à l’équipe d’Investig’Action de relire l'excellent ouvrage de Michel Collon, Attention, médias ! Les Médiamensonges du Golfe. Manuel anti-manipulation. Elle y découvrirait certainement quelques exemples explicites, pour sa plus grande honte…
Et Bahar Kimyongür de se lâcher sans frein : me reprochant d’avoir réagi sur ma page Facebook à l’un de ses nombreux articles de plus en plus surréalistes sur le conflit syrien, il m’accuse tout d’abord implicitement de l’avoir empêché de me répondre puisque, lui, n’est « pas membre de la communauté Facebook » (sic).
Je confesse volontiers avoir commis quelques lignes, postées à la hâte, dans lesquelles je déplorais que mon adversaire développât de la crise syrienne « une vue de l’esprit, aménagée et tronquée, à la faveur d’un prisme paléo-marxiste qui plie la réalité des faits aux impératifs propagandistes d’une idéologie surannée »…
De là à écrire en réponse un article de dix pages…
Par contre, je nie avoir jamais empêché Bahar Kimyongür d’utiliser le fort bel outil de communication que constitue Facebook, et de s’y inscrire. Cela dit, peut-être ce symbole de l’impérialisme d’outre-Atlantique lui est-il odieux. En suis-je fautif pour autant ?
Mais c’est son argumentaire qui, ensuite, surprend le plus… Il parle de lui-même :
« (Pierre Piccinin) fait mine de réfuter mes affirmations par une démonstration absurde visiblement motivée par ses seules pulsions narcissiques » (sic).
« Mon argumentation repose pourtant sur les canaux d’information de l’adversaire comme l’AFP ou la CNN ou encore sur des sources mieux informées car plus objectives que Piccinin » (sic).
« Mais reprocher aux anti-impérialistes leur idéologie surannée, poursuit Bahar Kimyongür, c’est aussi en quelque sorte mettre la charrue avant les bœufs. »
À ce stade, on se demande où veut en venir mon distingué collègue. Mais l’explication, presque « téléphonée », ne se fait pas attendre :
« Jusqu’à preuve du contraire, nous explique-t-il (remarquez au passage la pirouette rhétorique), nous sommes tous nés sur une planète où domine un Empire doté d’une puissance jamais égalée, un Empire qui a le droit de vie et de mort sur n’importe quel être humain, n’importe quel leader politique, n’importe quel peuple, un Empire qui nous impose son mode de vie et de pensée. »
Qui parlait de postulats viscéralement prégnants dans le chef de notre ami ? Voilà donc les bœufs que notre paléo-marxiste-type veut que nous mettions avant chaque charrue… CQFD. Et, merci, Monsieur Kimyongür.
Qui n’interprète pas l’histoire et n’en produit pas une lecture en fonction de ce théorème ne profère qu’absurdités, motivées par ses pulsions narcissiques. Dont acte…
Et Bahar Kimyongür de poursuivre en se présentant comme la victime des grands médias et en se comparant à Martin Luther King (alors que, moi, je « hurle avec les loups »), avant de m’attaquer sur quelques points précis, qu’il aura cru pouvoir trouver à se mettre sous la dent.
Comme, par exemple, la communication que j’avais faite lors d’une conférence, à propos de Liwa al-Towheed, la principale organisation de révolutionnaires à Alep et dans sa région, que Bahar Kimyongür qualifie d’islamiste radicale, ce que j’avais réfuté.
« Sa méconnaissance de l’Islam et de la langue arabe lui joue des tours. Piccinin ignore qu’al-Towheed signifie ‘Unicité’ ou ‘Monothéisme’, une référence religieuse de facto discriminante car elle exclut toute possibilité d’adhésion de certaines communautés non musulmanes ou musulmanes hétérodoxes comme les alaouites. Pour rappel, poursuit notre docte redresseur de torts, désireux de montrer qu’il connaît l’Islam, lui, l’alaouisme est une religion trinitaire qui s’articule autour de trois personnages : Ali serait Dieu, Mohamed, le hijab, c’est-à-dire le voile dissimulant le secret de l’essence divine d’Ali et Salman Al Farsi, la ‘porte’ qui ouvre sur le secret. »
Le fait est, malheureusement pour Bahar Kimyongür, que j’ai passé trois semaines à Alep et dans sa région, principalement en compagnie des katibas (brigades) de Liwa al-Towheed. J’en connais de nombreux commandants et combattants. En octobre et novembre, j’ai vécu nuit et jour dans une de ces katibas. Et j’ai assisté à toutes ses opérations militaires.
Les combattants de Liwa al-Towheed sont des paysans, des artisans, des ouvriers, des pères de familles, qui n’aspirent qu’à une chose : retrouver la paix de leur foyer et vivre avec leurs enfants. Tous sont issus des quartiers d’Alep ou des villages du gouvernorat. Et on est bien loin des djihadistes fanatiques qu’il plairait d’y trouver à notre grand connaisseur de l’Islam.
Quant à l’appellation « al-Towheed », elle n’a rien de religieux (sauf si on cherche absolument à y trouver quelque chose de tel, bien sûr). S’il est vrai que le terme désigne l’unité de Dieu, il peut aussi tout simplement signifier l’unité, l’union ; c’est d’ailleurs son acception première.
Or, c’est bien là la raison d’être de ce mouvement révolutionnaire, qui est constitué de groupes à l’origine indépendants, qui s’étaient formés de voisins et d’amis, dans les quartiers et les villages, soucieux de se défendre de la répression exercée par les autorités syriennes, et qui se sont unis, précisément, pour coordonner leurs forces, lorsqu’Alep s’est insurgée. L’emblème de l’organisation représente deux mains qui se serrent, symbole d’union et d’entente.
Mais, cela, Monsieur Kimyongür de l’ignorer, semble-t-il, préférant fermer les yeux sur cette simple réalité pour entraîner ses lecteurs sur le sentier tortueux de son raisonnement et, par un tour de magie dissimulé derrière un flot de détails inopportuns mais sensés asseoir son autorité, changer des braves gens, de pauvres bougres en révolte contre une sale dictature, en de sanguinaires terroristes islamistes.
Et de confirmer la théorie ainsi échafaudée en montant en épingle une unique vidéo montrant la décapitation d’un homme par des combattants supposés appartenir à Liwa al-Towheed, et ce dans des circonstances indéfinies. Et la boucle est bouclée (de mon point de vue, j’entends).
Le reste de son pamphlet est du même acabit.
L’auteur renvoie ainsi dos à dos, pour la énième fois, les rebelles et l’armée régulière, tous étant également coupables, selon lui, de crimes odieux. Comme si les insurgés, qui se battent pour leur liberté, avec les seules armes dont ils ont pu s’emparer dans quelques casernes du régime, pouvaient commettre les mêmes « crimes » que le gouvernement, dont les tanks, les avions de guerre et les hélicoptères de combat bombardent quotidiennement les villes et villages en révolte ! Comme si les quelques exactions commises par les révolutionnaires, lorsqu’ils mettent la main sur un agent de la police secrète du régime, par exemple, pouvaient être mises sur le même pied que les arrestations, tortures, exécutions sommaires, toutes ces pratiques érigées depuis des décennies en système de gouvernement par la dictature baathiste, qui n’hésite pas, aujourd’hui, à détruire des zones d’habitations civiles et des hôpitaux !
Ah, mais, nous répond Bahar Kimyongür, les rebelles aussi ont attaqué un hôpital ! Oui, bien sûr, ce n’était qu’une fois seulement et puis, ben, disons-le, c’était un hôpital militaire…
Ainsi, on saura tout…
Oui, mais, quand même, on peut donc dire que « les rebelles bombardent aussi les (un) hôpitaux »…
Et nous revoilà dans l’information sélective, montée en épingle, pour soutenir des thèses absurdes et par le fait indéfendables…
Même procédé (tout à fait symptomatique) pour contredire mon propos, lorsque j’affirmais que les Palestiniens ne soutiennent pas al-Assad, bien conscients que ce dernier les instrumentalise dans le discours et, dans les faits, s’est révélé un allié objectif d’Israël : alors que les plus hautes instances du Hamas et du Fatah, d’accord, pour une fois, ont proclamé soutenir la révolution en Syrie, Bahar Kimyongür nous propose les exemples de quelques dizaines d’individus, palestiniens certes, qui se sont déclarés en faveur du dictateur…
Mais, le plus extraordinaire, peut-être, dans la rhétorique employée par les tenants de ce courant de pensée qui m’attaque, c’est l’absence totale de discernement concernant les composantes des forces révolutionnaires, absence de discernement que l’on retrouve, de manière récurrente, dans les thèses de Bahar Kimyongür sur la Syrie.
Ils ne font pour ainsi dire jamais de distinction entre le corps de la révolution, incarné par l’Armée syrienne libre, et les autres mouvements, certains très importants, comme Liwa al-Towheed ou Jabhet al-Nosra, d’autres moins, comme certains groupuscules salafistes. Non, pour eux, tous sont « les rebelles », comme s’ils ne formaient qu’un seul mouvement homogène. Et les exactions, qui sont surtout le fait de quelques groupes fanatiques très minoritaires (et même combattus, parfois, par l’Armée syrienne libre), sont ainsi attribuées « aux rebelles ». Tous coupables !
Évidemment, ce procédé (lui aussi inconscient) sert abondamment la thèse qu’ils soutiennent…
Bref, ayant pris la peine de décortiquer l’exemple « Liwa al-Towheed » et d’en déconstruire quelques autres, je m’en tiendrai là : le lecteur qui ne s’en serait pas déjà rendu compte au premier passage pourra sans peine, en seconde lecture, éviter les pièges que Bahar Kimyongür tend bien involontairement à son publique. Bien involontairement, puisqu’il croit lui-même à ses thèses biscornues et à son argumentaire alambiqué (je ne remets pas son honnêteté en question sur ces points), seuls moyens par lesquels il peut encore essayer de sauvegarder la représentation qu’il s’est faite de la révolution syrienne, en accord avec ses croyances politiques et sa vision imaginaire du Moyen-Orient.
Ainsi donc, de Bahar Kimyongür et ses amis paléo-marxistes à l’affabulateur Thierry Meyssan, il n’y aurait qu’un tout petit pas. Les premiers, tels de vieux shamans, rabâchent leurs « vérités », leurs certitudes, sans plus faire cas des faits, des réalités observables ; le second (se jouant de ceux-là) assène sans y croire lui-même la propagande distillée par le régime qui le paie et à l’élaboration de laquelle il participe objectivement.
Mais le résultat, sur les opinions publiques qui leur prêtent l’oreille, est le même, hélas : ils parviennent à jeter le doute et contribuent au malheur de ceux qui souffrent.
C’est bien dommage. C’est surtout très horrible.
Mais peut-être resterait-il un espoir d’éclairer leur lanterne… Peut-être, en les sortant de leur puits, en leur faisant voir le monde et l’objet qu’ils avilissent… En les mettant face à face avec ceux qu’ils dénigrent…
Je m’interroge donc. Ne serait-il pas tant d’inviter Bahar Kimyongür et ses mentors à m’accompagner à Alep, lors de mon prochain séjour d’observation dans l’Enfer que le régime baathiste a créé pour punir son peuple révolté ?
Mais, probablement, s’ils n’ont pas jugé utile de prendre eux-mêmes l’initiative de s’y confronter, c’est donc qu’ils savent très bien, déjà, par un éclat de lucidité refoulé tout au fond d’un recoin de leur raison, ce qu’ils vont y trouver.
Aussi, assurément, à l’avenir, serait-il plus profitable d’ignorer cette littérature viciée et ces attaques personnelles et, sans mépris toutefois, de ne cependant plus répondre à ces détracteurs doctrinaires qui, de toute façon, refusent le débat et censurent leurs adversaires.
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À lire également : la dernière production de Bahar Kimyongür (Syrie : Reuters commet une erreur de traduction qui cache une horreur de tradition, Investig'Action, 3 décembre 2012) ; ainsi donc, selon lui, le fait qu'un Shabiha (homme de main du régime) fait prisonnier se présente à un rebelle comme sunnite pour demander sa grâce serait la preuve que le conflit a pris une tournure communautariste et islamiste; le fait que le Shabiha soit néanmoins exécuté, malgré son appartenance à la communauté sunnite, ne prouve rien aux yeux de B. Kimyongür, en revanche, et certainement pas que les révolutionnaires ne voyaient pas en ces hommes des Sunnites, mais bien des tortionnaires au service de la dictature. Encore une fois, on trouve les travers caractéristiques de la méthode du courant paléo-marxiste : l'information sélective et un raisonnement spécieux qui plie la réalité des faits aux impératifs de ses postulats.
Lire aussi :
- SYRIE - La Révolution syrienne s’organise, mais se débat, seule, face à la machine de guerre du régime baathiste
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