"Tout ce qui est excessif est
insignifiant" disait Talleyrand de Bonaparte. Notre président, l'ensemble de la "famille du football" et une bonne partie de la presse feraient bien de méditer cette sage
maxime du "Diable boiteux". L'affaire de LA "banderole anti-ch'tis" du Stade de France relève en effet d'une hystérie médiatique qui tient désormais lieu de ligne de conduite, dans les rédactions
comme dans les ministères. L'information n'est plus jugée qu'à l'aune de "l'émotion" ou de la "polémique" qu'elle soulève. Celui qui braille le plus fort son indignation la main sur le cœur est
sûr d'y occuper la bonne place.
Sans le succès de Bienvenue chez les Ch'tis, notre Grande Vadrouille du XXIe siècle, aurait-on fait tout un plat de
cette bannière brandie par un groupe de crétins en mal de publicité ? Est-elle si mal en point que ça notre région du Nord, si peu sûre de son image, qu'elle se sente "violée"
(si, si, on a pu le lire…), "humiliée", "outragée" jusqu'au plus profond de ses terrils par une poignée de provocateurs ? Soudain, on semble découvir que la bêtise humaine est insondable. Le jour
où la connerie sera filtrée à l'entrée des stades de football, il y aura beaucoup moins de monde dans les tribunes. Pas sûr que l'on puisse même réunir onze joueurs par équipe en Ligue 1. Alors,
pourquoi cette banderole, aussi navrante soit-elle, agite t-elle tant nos histrions ?
Parce que, tout ce qui touche Paris fait vendre. Le bras tendu d'un nazillon dans la tribune Boulogne, où le ménage
aurait dû être fait il y a déjà longtemps, vaut plus que celui de quelques Strasbourgeois bas du front à La Meinau. Vous croyez vraiment que ces banderoles, puisant leurs slogans dans la
sociologie de bistrot, sont une exclusivité parisienne ? Je me souviens de derbys du Nord où les Lillois accueillaient leurs voisins lensois de subtils "Sillicose, légionellose, à quand la
peste ?", "Bienvenue aux analphabètes" ou encore "Lens, le tiers-monde à 30 km de l'Europe".
Qu'on ne se méprenne pas, je n'excuse rien, je dis simplement qu'à ce compte-là, les autorités judiciaires vont se ruiner en tests
ADN. Si à chaque pancarte brandie à Bordeaux, pour vomir les Parisiens, à Saint-Etienne, pour agonir les Lyonnais, où à Lyon pour pourrir les Marseillais (cf le délicat
"Marseille = La Planète des Singes" lors d'une des dernières rencontres entre les deux équipes…), il faut faire des relevés d'empreintes génétiques, on n'a pas fini de cracher dans des
tubes à l'entrée des stades. Il y aura toujours des abrutis dans les tribunes, des individus désireux de profiter des rassemblements de foule pour se trouver une raison d'exister en se faisant
remarquer. Dans les cas qui nous occupe, c'est réussi au-delà de toute espérance. Que l'on s'efforce d'empêcher de nuire les plus dangereux d'entre eux est une évidence. Que l'on fasse une
affaire d'Etat d'un bout de tissu pas même bon à se torcher confine au grotesque. Voyons les choses du bon côté : cette "affaire" a eu au moins le mérite d'éviter la "polémique" qui n'aurait pas
manqué de se développer autour du pénalty litigieux accordé au Paris S-G aux dépens des Lensois en toute fin de match. Ce n'est pas le corps arbitral, cet éternel bouc émissaire, qui s'en
plaindra…