Il y a avait quelque chose de surréaliste à lire l’interview de Pierre Mangin dans le Figaro, serré dans un wagon de RER le soir en rentrant après une journée de travail. Surréaliste et irritant, tant est abyssal le décalage entre l’autosatisfaction dont fait preuve le président de la RATP, particulièrement bien mise en valeur par la complaisance des journalistes du Figaro, et la qualité de service de la RATP. Je précise que je lisais la version en ligne de cet interview tirée en format A4, format limite pour pouvoir lire quelque chose dans le métro aux heures de pointe ;-)
Dès la première question, Malgré les grèves de 2007, la RATP affiche donc de bons résultats, Pierre Mongin donne le ton , corrigeant la tiédeur des journalistes du Figaro : « Ils sont mêmes excellents. Ils démontrent la solidité financière et la performance de l’entreprise. Le bénéfice net a progressé de 105% et la rentabilité opérationnelle dépasse pour la première fois 15% du chiffre d’affaires. C’est la preuve de l’efficacité des personnels. » Et c’est vrai que le personnel de la RATP est particulièrement efficace. Hier soir par exemple, dans mon train du RER A, qui stationne à Auber un peu trop longuement, les grésillements d’un haut-parleur qui a sûrement dû être amorti depuis belle lurette, laissent passer un message efficace nous informant que « le train va aller tout doucement jusqu’à Vincennes. », message réactualisé en « le train va rouler tout doucement jusqu’à Fontenay-sous-bois » une fois arrivé à Gare-de-Lyon. Au final, seulement 10 de plus que le temps théorique,, quelle efficacité !
Dans son euphorie, Pierre Mongin reconnaît tout de même que tout n’est pas rose. Ainsi à la question sur ses projets prioritaires, il répond « nous travaillons à « désaturer » le métro. Nous disposons d’une très belle infrastructure, il faut y faire circuler plus de trains, comme aujourd’hui sur la ligne 13. L’automatisation de la ligne 1 lui redonnera des capacités. » Je précise que « désaturé » est entre guillemets dans l’interview, et il y a quelque chose du « va, je ne te hais point » de Chimène dans cette façon de présenter la situation que subissent quotidiennement les parisiens - intra et extra-muros - aux heures de pointe.Pour autant, il faut saluer cette franchise, et ces mentions de « désaturer » et redonner des capacités, dans la bouche du président de la RATP, car les communiqués de presse sont d’un tout autre style. RATP, une efficacité économique accrue, favorable à l’investissement» est communiqué financier classique et sans surprise, normal. Mais celui sur L’activité 2007 de la RATP et de ses filiales vaut le coup d’œil, allègre mélange d’information, de communication et de publicité, allant jusqu’à utiliser le nouveau slogan de campagne à propos d’initiatives « pour faire aimer la ville », là où les pauvres usagers voudraient simplement être transportés d’un point A à un point B… Ainsi apprend-on que 2007 a marqué « un niveau exceptionnel de renforts d’offres pour le voyageur », mettant en avant notamment le prolongement des horaires le vendredi soir, notant que ces renforcements ont « remporté un très vif succès auprès des voyageurs ». Et de citer 69.000 voyageurs en moyenne en plus après 20h00 le samedi soir et déjà 50.000 le vendredi. C’est bien, pour les loisirs, et pour ceux qui bossent tard. Mais pour une entreprise qui annonce un chiffre de 2.873 millions (2,8 milliards) de voyages en 2007, c’est un peu de l’ordre du détail. On trouve aussi un savoureux « ligne 14 : une moyenne de 400.000 voyageurs par jour ouvrable en fin d’année, avec un record de 450.000 voyageurs atteint le 6 décembre. » Et pour cause, la ligne 14 était la seule à fonctionner quasi normalement pendant les grèves, d’où son succès en fin d’année…
Mais le plus amusant (si on peut dire), c’est le chapitre « plus d’innovations pour la qualité de services. » où l’on apprend que pour la RATP, qualité de service veut dire « télébilletique », (les victimes patientes des queues devant les automates distributeurs de tickets apprécieront ;-) et « nouveaux espaces services » . On peut ainsi lire que « les agents des stations ont continué de s’approprier leur nouvelle mission de maîtrise des lieux et d’assistance aux voyageurs et les nouveaux outils qui sont mis à leur disposition, en particulier pour mieux assurer l’accueil et l’information » Et tout cela se mesure, on passe du qualitatif au quantitatif avec « une tendance haussière de l’indicateur de qualité de service « accueil » pour le métro (95,6 pour 93,8 en 2006) tandis que celui du RER demeure très élevé (97,2 pour les RER A et B contre respectivement 95,6 et 96,1 en 2006). » Et attention, tout cela dans la plus grande objectivité, puisque ces chiffres représentent le « pourcentage de voyageurs ayant reçu aux « recette » un accueil conforme aux critères d’évaluation du STIF. Les mesures sont effectuées par visite de clients mystères et portent sur l’ensemble des guichets qui sont visités 2 fois par mois. »Dommage que pendant que les usagers continuent à essayer de « s’approprier » les techniques pour monter dans des wagons bondés, il n’y ait pas de « voyageurs mystères » pour mesurer la qualité de service en terme de transport, et non pas d’accueil, en terme de régularité, et non pas en terme d’information, car le premier service que l’on attend de la RATP, qu’on le veuille ou non, c’est d’être transporté, de façon fiable et régulière. En clair lorsque l’on arrive devant la gare du RER, le train est à l’horaire prévu, et il mettra le temps prévu pour arriver à destination. Pas compliqué, même sans l’aide de l’agence Euro-RSCG on peut comprendre le message. Et si le texte parle d’un « niveau d’investissement sans précédent pour le transport et les espaces », citant les nouveaux matériels, nouvelles rames, mais aussi plan d’automatisation des lignes ou encore des nouveaux systèmes d’exploitation comme Ouragan pour la ligne 13, 3 et 5, une petite recherche en terme de vocabulaire en dit beaucoup sur le mode de communication de la RATP. Le terme « situation perturbée » apparaît une seule fois, pour dire que l’on met avec le déploiement de SIEL « de nouveaux écrans d’information multimodale, domaine désormais prioritaire avec l’amélioration de l’information en situation perturbée. » Le mot « désaturation » apparaît lui aussi une seule fois à propos de la ligne 13 pour annoncer le lancement d’une étude « capitale pour une mobilité durable en région Ile-de-France » confiée par le STIF à la RATP. Quant aux mots incident, retard, régularité ou irrégularité, ponctualité, ils sont malheureusement absents du vocabulaire des communicants de la RATP.
Pourtant, il arrive parfois que la RATP sache bien trouver ces/ses mots. Ainsi dans un communiqué du 12 mars consacré à la rencontre entre le PDG de la RATP et « 17 associations de consommateurs nationales agréées », le vocabulaire était plus riche, et plus proche de la réalité vécue par les usagers des transports en communs parisiens. On trouvait parmi les thèmes spécifiques abordés : « l’information sur les projets de ligne 1 et 13 du métro ; le RER avec la régularité de la ligne A, l’interopérabilité de la ligne B… » et le communiqué de préciser que le but de la rencontre était de « réaffirmer le travail en commun entre la RATP et ces associations de consommateurs et de confirmer leur rôle en permettant à la RATP d’être plus à l’écoute du client, de répondre à ses besoins et attentes, de satisfaire ses réclamations… »Plus sérieusement, Pierre Mongin annonce que la RATP investira 5 milliards d’euros sur la période 2008-2011 et ça c’est une bonne nouvelle, surtout lorsqu’il rappelle que l’on a «gravement sous-investi en Ile-de-France en matière d’infrastructure de transports » d’où les «inégalités territoriales dans l’accès aux transports publics», ainsi «un déplacement Paris-Paris se fait à 75% par transports en commun, que ce soit en tramway, bus ou métro, les trajets dans la petite couronne se font à hauteur de 20% en transports collectifs» et ce taux tombe à environ 11% pour la grande couronne.
Enfin un dernier bon point tout de même dans les plans de la RATP, en dehors du projet Métrophérique, qui lui n’a heureusement pas disparu du vocabulaire de la RATP, la régie annonce la « fin du déploiement souterrain de la couverture GSM ». Comme ça, faute d’amélioration de la régularité du trafic, on pourra toujours prévenir qu’on arrivera en retard ;-)
Jean-Paul Chapon
ps: au moment où je poste cette note, je viens de découvrir que je n’aurais que 10 à 20 minutes de retard pour rentrer chez moi ;-)