Magazine Beaux Arts

Gardiens de Musée

Publié le 02 avril 2008 par Marc Lenot

L’exposition d’Allan Sekula à la Galerie Michel Rein (jusqu’au 5 Avril) s’ouvre sur cette photo de deux gardiens d’un musée de Seattle, présentée seule dans une alcôve aux murs rouges. Deux hommes au travail, un Blanc et un Noir, devant leurs écrans de contrôle, quelque part dans les bas-fonds du bâtiment, nous observent, visiteurs insouciants dans les salles du musée; et nous, visiteurs attentifs de la galerie, nous les regardons. La vidéo-surveillance dans les musées est un thème déjà exploité, par exemple par Francis Alÿs et par Renaud Auguste-Dormeuil, sur des modes assez différents. Mais ici, cet espace panoptique, ce lieu d’où tout se contrôle, est devenu dérisoire, banal, ouvrier. Les deux écrans bleutés ne deviennent visibles à nos yeux que quand nous nous interrogeons sur la finalité de ces deux hommes, sur leur utilité.

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Les deux acolytes se sont approprié la pièce en couvrant chaque espace disponible d’une multitude d’affiches, de photos, de bonshommes rouges ou verts et de petits machins pendus au plafond, enfantins, drôles et dérisoires. Cette peur du vide, de l’espace blanc est presque monstrueuse. Ce décor pseudo artistique (l’un est poète, l’autre fait des BD, nous dit-on; évidemment, leur art ne les nourrit pas, ils doivent avoir un petit job, on s’acquiert ainsi à bon compte la sympathie de tout le monde artistique jeune et galérant) rend l’espace familier, proche, gentil. Le propos de Sekula est souvent de montrer des hommes au travail, au service d’un discours politique (ailleurs dans l’expo un photomontage “Travailler plus pour gagner plus” fait de l’effet, un peu trop facile), mais ici c’est la composition qui fait l’intérêt principal de cette photo :
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éclairage, plafond bas, hommes obscurs, tout un chacun retrouvera plus ou moins consciemment la même sensation de gêne et d’étouffement que devant l’Homme invisible, alors que tant la technique que le propos de Sekula sont aux antipodes de Jeff Wall.

Sinon, le grandiose triptyque du cargo échoué, ruine tragique, tombeau du commerce capitaliste, flottait à Kassel cet été aux pieds d’Hercule. Il y a aussi un beau film sur le Laos, ses villages, ses artisans et deux photos prises pendant son voyage là bas, un cratère de bombe et le chuchotement de deux paysannes : souvenir d’un assourdissement passé et inaudibilité d’un échange présent.


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