Trois idées reçues concernant le libéralisme qui tiennent davantage de la mauvaise foi.
Par Charles Gave.
Publié en collaboration avec l'Institut des libertés.
Ce qui m’amène à mon sujet, c’est-à-dire au moment où je n’ai plus envie de discuter avec celui qui est en face de moi non pas parce qu’il serait incompétent, ce qui peut se corriger, mais parce qu’il est de mauvaise foi, ce qui est insupportable. Je me surprends à dire : « Monsieur brisons en là, vous êtes un âne » quand on m’oppose les arguments suivants :
« Le libéralisme est d’origine anglo-saxonne et en y adhérant vous trahissez le génie français, exprimé par exemple dans les Lumières »
Voila deux grosses bêtises en une seule phrase. D’abord une bonne moitié des grands théoriciens du libéralisme dans l’histoire ont été français (citons au passage Montesquieu, Benjamin Constant, Say, Tocqueville, Bastiat, Rueff, Raymond Aron, Jean-François Revel, qui tous se sont attachés à expliquer la relation qui unissait le marché à la démocratie) tandis qu’une bonne partie du reste a été autrichienne (Von Mises, Hayek, Schumpeter), les anglo-saxons constituant une illustre cohorte, mais sans doute moins fournie en nombre (mon préféré étant Milton Friedman tant il avait comme Bastiat le génie de la vulgarisation).
Ces esprits faibles confondent la réflexion théorique avec l’application dans la réalité. Le fait que les élites gouvernantes françaises n’aient jamais voulu appliquer le libéralisme dans la pratique si l’on excepte de courtes périodes au XIXème et un peu au début de la Ve République alors que les États-Unis et l’Angleterre s’en inspiraient massivement porte simplement condamnation de la nullité de nos élites qui ont amené notre pays, en deux siècles et demi, de la première puissance mondiale à l'un des « Lander » allemands, et du plus grand créateur culturel à un pays rempli de musées et mort à la Culture.
Quant aux Lumières, le libéralisme représente, et représente seul, la pensée des lumières appliquée à la création de richesse et à la seule justice sociale qui compte, c’est-à-dire comment arriver au plein emploi. Le fait que les mots « Lumières » et « Libertés » aient été capturés au XIXe par des gens qui soutenaient et soutiennent encore le socialisme et son cortège d’assassinats , de génocides, de ruines financières et économiques relève de la captation d’héritage. Le libéralisme a comme clé de voute la liberté, comme son nom l’indique, tandis que pour le socialisme, c’est le goulag.
« Le Libéralisme est d’extrême-droite »
Quelle imbécillité foudroyante ! Au XIXe siècle, trois personnes débattaient dans la sphère politique. 1/ Le conservateur, qui pense que pour régler les problèmes, il faut en chercher les solutions dans le passé et empêcher tout mouvement (Metternich). 2/ Le socialiste, qui a un plan dans sa tête sur la façon dont les choses devraient marcher et qui veut conquérir l’État pour l’imposer par la force (Lénine en version dure ou Mitterrand en version molle). 3/ Le libéral enfin qui pense que les progrès se font par petits sauts minuscules, améliorant le sort de tout un chacun et que pour cela la liberté est nécessaire et que l’État dans le monde moderne est le principal ennemi des libertés comme l’avait fort bien compris Jouvenel par exemple.
Les socialistes qui dominent le discours actuel nous servent le sophisme suivant sans cesse : vous êtes contre l’augmentation du poids de l’État dans l’économie, donc vous êtes en faveur des riches, donc vous êtes contre les pauvres. À cela une seule réponse : pendant les années Mitterrand, les dépenses sociales ont augmenté plus vite en GB avec madame Thatcher qu’en France, parce que là-bas, on avait favorisé les entrepreneurs au lieu de les faire fuir. Du coup, les Anglais bénéficiaient du plein emploi et les pauvres étaient plus riches chez eux que chez nous et surtout ils retrouvaient leur dignité en trouvant un travail…
Le libéralisme, c’est le règne de la loi et non pas des hommes ou du social-clientélisme. Prenons un exemple. Le secteur financier (dans lequel je travaille) a capturé le système politique, ce que l’on a fort bien vu dans la dernière grave crise économique (voir pour plus de détails Libéral mais non coupable) et tout cela a été légalement autorisé par des hommes politiques qui avaient été achetés. Les banquiers et financiers n’ont pas gagné d’argent en mettant leur capital en risque (la base du libéralisme) mais en achetant la complicité des gens au pouvoir, ce qui n’a rien à voir avec le libéralisme et tout avec le social-clientélisme, cette horrible maladie de la démocratie. Par exemple, permettre la fusion des banques d’affaires et des banques de dépôts comme l’a fait l’administration Clinton aux USA a été un véritable crime dont nous payons encore le coût. Dans un pays libéral, de plus, l’État ne serait pas intervenu pour manipuler le coût des prêts hypothécaires à la baisse afin d'acheter les voix des électeurs avec l’argent d’autres électeurs, et nous n’aurions jamais eu de crise immobilière.
Je ne doute pas que les lecteurs vont réagir à cette petite philippique ; ce serait bien normal et bien sûr, je serai ravi de leur répondre. Cependant, s’ils veulent m’entreprendre sur l’un de ces trois points, ils doivent savoir que je risque de m’énerver…
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