Conseiller opinion – Co-fondateur gauche populaire
Alors que le 13 novembre dernier s’est tenu à l’Assemblée nationale le premier séminaire de la Gauche populaire, Délits d’Opinion a rencontré François Kalfon, l’un de ses fondateurs, pour décrypter le rapport des classes populaires à la politique menée par le gouvernement.
Délits d’opinion : Qu’est-ce que la Gauche populaire, mouvement dont vous êtes l’un des principaux animateurs et fondateurs ?
François Kalfon : « La gauche populaire c’est un mouvement qui souhaite tout simplement que la gauche revienne à ses fondamentaux c’est-à-dire la lutte contre les inégalités et l’injustice sociale. Bien sûr, le combat de la gauche est toujours de lutter contre les injustices mais on s’aperçoit qu’un certain nombre d’injustices ne sont plus traitées ou plus suffisamment traitées. »
Délits d’opinion : Qui sont les « classes populaires laborieuses », que votre mouvement s’attache à défendre et à replacer au cœur des préoccupations de la gauche gouvernementale ?
François Kalfon : « L’un des oublis de la gauche depuis une vingtaine d’années, est l’oubli du monde du travail, et notamment les classes moyennes en décrochage, c’est-à-dire ces classes moyennes qui autrefois allaient bien, avaient un rêve d’ascension sociale qui sont aujourd’hui rattrapées par la crise et bien évidement la classe ouvrière qui est de plus en plus minoritaire en nombre, 11%, et qui est frappée de plein fouet par le déclin industriel mais qui existe encore bel et bien. »
Délits d’opinion : Quelles sont leurs grandes problématiques ?
François Kalfon : « Il y a une problématique d’ordre matérielle à laquelle on apporte peu de réponse : le pouvoir d’achat. J’ai dit lors du séminaire de manière un peu provocatrice que nous devions avoir une présidence du pouvoir d’achat, ce qui était la promesse du précèdent président Nicolas Sarkozy, mais il n’est pas inutile de le rappeler car bien souvent on se consacre plus à la problématique de l’emploi qu’à celle du pouvoir d’achat or une majorité de ces classes populaires finit le mois à l’euro près ; et la deuxième insécurité, plus subjective, est liée à la dégradation des valeurs qui sous-tendent ces classes populaires. Par exemple, il est n’est pas inutile de rappeler que les valeurs de travail, mérite ne sont pas des valeurs de droite mais sont des valeurs qui font partie du cœur identitaire de la gauche, qui doit valoriser ce travail. Aujourd’hui quand on parle « d’efforts » ou de « mérite » certains tordent la bouche à gauche alors qu’au contraire ils devraient en être fiers.
Délits d’opinion : Vous parlez d’une rupture entre la gauche, le PS et les classes populaires. Comment s’incarne-t-elle ?
François Kalfon : « S’il y a un décrochage dans l’opinion de François Hollande du à une crise plus grave que prévue et à certains cafouillage de l’exécutif au démarrage, on le doit aussi a des raisons d’ordre structurel : c’est avant tout dans le salariat et particulièrement dans le salariat du privé que le désamour, que la perte de confiance est la plus importante avec 77% des salariés du privé qui ont une vision négative de la politique menée par François Hollande. Ce n’est pas qu’elles ont un a priori négatif, bien au contraire puisque notamment les employés mais aussi les classes moyennes ont permis massivement l’élection de François Hollande. Mais ce sont par nature les électorats les plus distanciés, les plus sceptiques, auxquels les politiques ont tendance à répondre insuffisamment. »
Délits d’opinion : Quel regard portent-elles sur la politique menée par François Hollande ?
François Kalfon : « Il faudrait faire un travail très spécifique d’entretiens pour en avoir une vision plus précise, mais ce qu’on peut dire c’est qu’il y a un vrai décalage entre l’allant sociétal de l’équipe gouvernementale qui a avancé rapidement sur les salles d’injections de drogue, le mariage et l’adoption pour tous, etc. Et plus difficilement sur des aspects qui sont pourtant des engagements pris, essentiels pour ces catégories populaires et pas forcément traités à ce stade, je pense notamment à la grande réforme fiscale distributive.
Délits d’opinion : Est-ce à dire que selon vous le gouvernement ne se concentre pas sur les bonnes priorités ?
François Kalfon : « Le problème n’est pas les questions qui sont traitées, c’est la hiérarchisation de ces priorités et le récit de la politique qui en découle.
La radicalisation d’une certaine droite, dans ce contexte pour le moins de « rattrapage » Jean-François Copé, est une donnée assez profonde de la société française. Est-ce que face à un raidissement identitaire qui existe dans une part importante de la population française, il faut que la gauche réponde par des outrances sociétales ? Moi je pense qu’au contraire elle doit prendre au sérieux ces classes moyennes qui se sentent déconsidérées et qui sont en demande de repères. Est-ce que demander des règles de vie commune, des droits et des devoirs pour chacun est une demande de droite ? Moi je ne le pense pas dans une société qui s’atomise, je vois cela plutôt comme une demande d’un cadre collectif. Le fait qu’on soit demandeur de repères me semble plutôt quelque chose qui devrait interpeller la gauche car de là émane une demande de règles de vie communes face à l’individualisation croissante de la société, conséquence d’une société sous pression libérale. Or nous les socialistes sommes attachés à ces valeurs collectives et à la façon dont on « fait société ensemble. »
Délits d’opinion : Pour finir, comment donc reconquérir cet électorat des classes populaires tenté par l’extrême droite ?
François Kalfon : « L’affaire est extrêmement simple. Elle consiste à joindre la gauche des partis politiques, qui a une certaine vision de la gauche et qui ne correspond pas à une demande de gauche de la part de la population. Celle-ci existe bien puisque toutes les collectivités locales, le parlement, le président de la République sont de gauche. Et cette demande de gauche est avant tout une demande de justice, de correction des inégalités et au premier chef d’entre elles des inégalités sociales. »