JC, gardien de prison, est un homme sans histoire. Sa seule fantaisie consiste à suivre un cours de tango un soir par semaine.
Un jour, il y rencontre une nouvelle venue, Alice. Le lendemain, il la retrouve avec surprise au parloir de la prison, elle rend visite à deux détenus : l’un est son mari, l’autre son amant. Attiré par cette femme, JC finit par transgresser tous ses principes.
Tragicomédie sur un ménage à quatre, le nouveau film du réalisateur belge Frédéric Fonteyne («Une liaison pornographique», «La femme de Gilles») fait une part belle à la danse et offre quelques scènes mémorables comme celle où les détenus dansent sous le regard stupéfait des gardiens. Porté par d’excellents acteurs, le film nous offre une plongée singulière dans l’univers carcéral. A la fois âpre, tendre, fantaisiste et sensuel, « Tango libre » est une curiosité à ne pas manquer.
Alexia Cerutti
Le Film:
Un film de Frédéric Fonteyne
Avec Sergi Lopez, François Damiens, Jan Hammenecker, Anne Paulicevich
Durée : 1h 37
Distributeur : Agora Films
Age légal : 12 ans
Age suggéré : 16 ans
Date de sortie : 5 décembre 2012
Interview du réalisateurInterview du réalisateur Frédéric Fonteyne
Votre dernier film « La femme de Gilles « date de 2004. Pourquoi avez-vous attendu tant de temps pour faire un nouveau film ?
J’ai vécu entretemps. Il y a tellement de films. Je fais un film quand j’ai envie et besoin de le faire. Là j’ai retrouvé l’envie et le besoin. Peu importe le temps que cela prend.
Dans votre film, la danse et la musique occupent une place importante. Pourquoi le tango ? Que représente-t-il pour vous ?
Pour moi le tango, c’est plus qu’une danse. Il y a tout un aspect culturel derrière. Je me suis moi-même essayé au tango. Mais je me suis aperçu que si je voulais vraiment progresser, je devrais y consacrer une trop grande partie de ma vie. J’ai donc préféré continuer à faire des films. Anna Paulevich qui joue le rôle principal et qui est aussi ma compagne, a, elle rencontré Chicho Mariano Frumboli, un des plus grand danseurs de tango actuels et qui joue le rôle du caïd dans la prison. Tout le film s’est fait à travers des personnes que l’on connaissait et que l’on avait envie de mettre dedans. Ce n’est pas une idée abstraite. On a choisi le tango parce que l’on connaissait Chicho. L’idée d’introduire de la danse dans une prison est aussi venue du fait que, historiquement, dans l’immigration il y avait beaucoup d’hommes qui arrivaient en Argentine et très peu de femmes. Et pour qu’un homme ait la chance de pouvoir danser avec une femme, ils étaient obligés de s’entraîner entre hommes. Ils devaient à la fois faire l’homme et la femme et cela leur permettait ensuite de pouvoir danser avec une femme car une femme ne dansait pas avec un homme qui ne savait pas danser. Cette idée-là m’a semblé très belle, très forte. C’est ainsi que j’ai souhaité faire entrer le tango dans la prison où l’élément féminin est absent. Le personnage de Sergi Lopez apprend à danser le tango en prison pour être un jour prêt à danser avec sa femme.
Le point original du film est que c’est un ménage non pas à trois mais à quatre
Il y a beaucoup de choses un peu inhabituelles dans ce film. J’ai essayé de mettre ensemble des choses qui normalement ne devraient pas être ensemble comme faire danser des hommes dans une prison. Une femme qui aime deux hommes incarcérés et qui tombe dans les bras d’un troisième, gardien de prison, peut surprendre. Le personnage de cette femme pose la question de l’amour tel qu’il peut être différent à chaque fois ou autrement dit de ce que cela peut être d’aimer chaque être de manière différente. Car elle aime chacun des trois profondément. Il y a une forme d’ironie aussi. On voit souvent un triangle amoureux. Ici, il y a un quatrième élément.
Peut –on dire que votre film est une tragi-comédie? Il y a en effet des aspects d’humour et de drame
Tout à fait. J’ai voulu mélanger ce que je ressentais sur l’être humain qui pour moi est tragicomique et paradoxal. Il est à la fois la lumière et son contraire, l’amour et son contraire. Je voulais travailler ce ton là de la tragicomédie. Il y a quelque chose qui est toujours en dérapage, qui glisse entre l’émotion, le rire et la lumière. Ce film donne de la lumière par rapport à la situation impossible dans laquelle se trouvent les personnages au début. Le paradoxe de la tragicomédie est très proche de ce que je suis et de ce que je pense que l’on est.
Le personnage de JC va transgresser de plus en plus d’interdits
Le film parle de personnages qui vont en prison parce qu’ils ont transgressé des interdits, mais le film montre comment on peut parfois être amené à transgresser des règles par amour. Cela peut permettre de manière paradoxale de s’en sortir, de se libérer de manière inattendue, miraculeuse. Il y a pour moi deux manières de transgresser la loi et parfois par amour on est obligé de le faire.
JC est un homme sans histoire qui va tomber amoureux d’une femme qui en a trop.
Est- ce compliqué de diriger sa compagne ?
C’est un risque énorme car on tient beaucoup à cette personne. C’était aussi un grand risque de diriger des acteurs avec lesquels j’avais déjà travaillé. C’était comme travailler en famille et c’était donc compliqué. Parmi les éléments qui m’ont donné envie de refaire du cinéma, il y avait l’envie de prendre un risque dans la manière de raconter une histoire et de prendre un risque avec des gens très proches de moi.
Vous êtes retourné pour la quatrième fois à la Mostra de Venise où «Tango libre» présenté à la section orrizonte a été primé. Qu’avez-vous ressenti ?
J’ai d’excellents souvenirs de ce festival qui, pour moi, est magique. C’est là que mes trois derniers films ont été montrés pour la première fois. Pour un réalisateur, c’est quelque chose de très important.
Propos recueillis par Alexia Cerutti
Images & Vidéo [Show as slideshow]