Birmanie: en avant la musique! Une enquête exclusive sur la nouvelle scène musicale qui veut “enchanter” la démocratie!

Publié le 12 novembre 2012 par Pierremartial
Ils n’étaient qu’une poignée il y a quelques années, ils sont aujourd’hui plusieurs centaines en Birmanie! Musiciens, chanteurs, groupes de rock, de pop ou de hip hop fleurissent à Rangoun avec une rapidité déconcertante.
Grâce à l’ouverture dont a fait preuve le gouvernement du Myanmar depuis l’an dernier, la musique longtemps étouffée, censurée et clandestine, gagne aujourd’hui en liberté et conquiert un public de plus en plus étendu, notamment auprès de la jeunesse. Elle tente même, sans aucun complexe et avec beaucoup de courage, de s’exporter à l’étranger.
Elle est l’un des signes parmi les plus symboliques de la démocratisation croissante du pays, au point qu’un des rappeurs les plus populaires de Birmanie, Zayar Thaw, membre du groupe Acid et du collectif militant Generation Wave, a fait son entrée au Parlement en avril dernier auprès d’Aung San Suu Kyi, peu après avoir été libéré de prison!
Quels sont ces groupes et ces chanteurs qui donnent un nouveau visage à la Birmanie? Quelle est cette musique nouvelle? Où puise-t-elle son inspiration alors que le pays sort tout juste d’un isolement culturel de plusieurs décennies?
France Aung San Suu Kyi a enquêté auprès de cette nouvelle génération d'artistes et est partie à leur rencontre.

Les “Spice Girls” birmanes s'attaquent aux tabous Si le hard rock est né en Birmanie il y a plus de 30 ans, avec quelques groupes légendaires comme Iron Cross, Emperor ou Big Bag, dont les concerts étaient le plus souvent réservés à une élite, on compte aujourd’hui une multitude de groupes et de chanteurs pour chaque style musical.
Pour n’en citer que quelques-uns : Side Effect et Blood Sugar Politik pour le rock indépendant ; pour la musique pop Khin Phone, Shwe Htike ou le groupe Me N Ma Girls, les « Spice Girls » birmanes, dont le dernier titre “Come Back Home” appelle les Birmans exilés à rentrer au pays (voir notre vidéo) ; pour le hip hop, le groupe Acid, pionnier du genre, et des rappeurs comme Sai Sai Kham Leng ou Myow Aung du groupe Green Plant ; pour le reggae le groupe One Love ; pour la musique électronique les chanteurs Damma Phunk et Thxa Soe, dont les titres sont un mélange inédit de rythmes pop et électro sur fond de musique birmane traditionnelle. Souligné par la présence sur scène de danseurs en costume birman, ce genre musical totalement nouveau s’appuie ainsi sur la tradition culturelle du pays pour faire passer ses messages dans ses chansons comme dans le titre ”Eau, Electricité, S’il vous plaît, Revenez!”.
Contrairement aux traditionnels “copy songs”, ces reprises en langue birmane de grands tubes internationaux, ces groupes font preuve d’une vraie création originale. “Nous jouons ce que nous avons envie de jouer!” nous explique Darko C., le chanteur du groupe Side Effect. Leurs influences sont Nirvana, The Cure, The Pixies, mais leur source d’inspiration, c'est surtout leur quotidien et leurs impressions sur la vie de tous les jours en Birmanie.
Bars à musique Ce fut longtemps un véritable défi pour ces groupes que de créer leur propre musique. La censure et la persécution qui menaçaient les artistes jusqu’alors, mais également un cruel manque de moyens – manque d’argent, manque d’instruments, coupures d’électricité récurrentes – et la rareté des lieux de concerts asphyxiaient la créativité musicale.
Aujourd’hui, de plus en plus de bars à musique – à l’image du célèbre Drum Drum Thanaka à Rangoun, créé dans les années 90 – mais aussi de festivals – le Hip Hop Festival et la Fête de la Musique dont on a célébré la 5e édition cette année – permettent désormais aux artistes de se produire. Certes, ils ne sont pas toujours payés pour cela et il leur est encore bien difficile de vivre de leur art. La plupart des musiciens exercent une autre activité pour subvenir à leurs besoins. En outre, le piratage généralisé en Birmanie et l’absence de loi sur la propriété intellectuelle obligent les compositeurs à se débrouiller sans le soutien de maison de disques, qui ne prennent pas le risque de les promouvoir.
Les jeunes musiciens investissent la Toile Mais l'horizon s'éclaircit et les jeunes artistes ne manquent ni d'idées, ni de volonté! Sans producteur, la plupart des groupes ont décidé d'investir la Toile où ils publient leur musique. On peut trouver aujourd’hui la plupart de leurs titres sur iTunes, YouTube, Soundcloud ou en téléchargement libre sur Amazon ou Spotify. Les groupes utilisent également les réseaux sociaux Facebook ou Twitter pour communiquer et se faire connaître. Leur visée est internationale. En ce sens, Internet constitue pour eux un véritable espoir, leur ouvrant des portes inespérées. Leur musique est maintenant accessible et disponible à l’échelle planétaire. C’est ainsi que Side Effect a été l’an dernier le premier groupe birman invité dans un festival étranger, le Festival Hello ASEAN à Bali, et qu’il part en tournée en Allemagne à la fin de l’année 2012. Les cinq chanteuses du groupe Me N Ma Girls se sont vu, quant à elles, offrir un contrat de 18 mois chez Power Music, un producteur de Los Angeles. Certains artistes exilés à l’étranger projettent même de retourner en Birmanie, tel le chanteur et danseur Za Yan Da, qui de San Francisco rentre à Rangoun pour la sortie en DVD de son nouvel album, “Nat Ta Mee”, un mélange de musique pop et de danse traditionnelle birmane.
Ils veulent convaincre le monde que la Birmanie a de vrais artistes! Aujourd’hui, les jeunes artistes birmans ne veulent plus de frontières! La nouvelle scène musicale tente de trouver son propre style et d’être reconnue à l’étranger. Sa véritable force est d’être née à partir de rien, ou de si peu, et de viser une reconnaissance et une légitimité internationales.
"Nous voulons maintenant convaincre le monde que la Birmanie a de vrais artistes et de vrais musiciens”, nous a déclaré Darko C. en conclusion de notre enquête.
A nous de les y aider et de faire connaitre le plus largement possible leur formidable envie de nous enchanter!

Jeanne Perrin



Aung San Suu Kyi, site français d'information et de soutien à Aung San Suu Kyi et à la Birmanie / Myanmar