I love Saint-Omer. Je l'ai déjà écrit plusieurs fois sur ce blog. Et c'est vrai ! Tel le héros de Minuit à Paris de Woody Allen, j'aimerais m'asseoir sur les marches de l'entrée de la cathédrale pour pouvoir attendre les 12 coups de minuit et voir défiler, dans un instant d'éternité, toute la vie audomaroise.
Mais quand je lève la tête pour regarder le tympan, quelque chose me titille. J'ai mis longtemps à cerner ce que ce pouvait être, mais maintenant je sais. J'ai l'impression d'être au boulot ! Quel rapport, me direz-vous, peut-il donc bien y avoir entre une scène de Jugement dernier sculptée au Moyen Âge et la réalité du travail de l'archiviste contemporain ?
Le Jugement dernier, justement ! L'analogie est très forte entre ce Dieu trônant en majesté, examinant les requêtes des uns et des autres, décidant finalement qui disparaîtrait dans les flammes de l'enfer et qui jouirait de la béatitude éternelle au Paradis, et mon travail au quotidien.
Depuis que l'homme s'administre et a besoin de conserver la preuve et la mémoire de ses actions, les archives existent. Peu nombreuses jusqu'en 1940, elles ont eut tendance ensuite à proliférer : reconstruction d'après la Deuxième Guerre mondiale, méthodes de planification et donc de contrôle, augmentation de la population, innovations technologiques (photocopieur et imprimante). Résultat : l'archiviste, chargé de conserver la mémoire de son temps pour les générations futures, est débordé par des masses de papier incontrôlables.
Il doit donc faire des choix pour ne garder que l'information significative, évaluer les dossiers pour ne conserver que ceux présentant un intérêt historique et ordonner la destruction des autres. Le parallèle n'est donc que trop évident : l'archiviste, seul en haut de la pyramide, examinant les documents soumis par les services administrateurs producteurs, devant décider en son âme et conscience lesquels jouiront d'une félicité éternelle sur les étagères d'un service d'archives et lesquels finiront leurs jours déchiquetés à la déchetterie, pour renaître un jour sous la forme de nouveaux documents.
Sic transit gloria mundi.
Bon dimanche