En cadence pour « Nos chers voisins »

Publié le 26 novembre 2012 par Oz

Deux plateaux, un bataillon de scénaristes, quatre réalisateurs… Reportage dans les coulisses de la série comique de TF1

Olivier Zilbertin

Martin Lamotte a fini de réparer l’ascenseur. Une histoire de court-circuit dans les boutons, ou quelque chose dans ce genre-là. A peine le temps de souffler, à peine le temps de laisser le « Coupez ! » sonore rebondir et se faufiler entre les parois du décor, qu’il faut déjà passer à autre chose. Le plateau s’agite, les panneaux coulissent, les rails sont dévissés et revissés au sol, les caméras roulent et les câbles se déroulent, les techniciens s’activent, les comédiens se mettent en place… Spectaculaire chorégraphie qui entraîne dans une même ronde les hommes et les machines.

Bienvenue sur le tournage de « Nos chers voisins », la série humoristique que TF1 diffuse tous les soirs depuis le mois de juin à 20 h 40. Un vrai succès d’audience avec une moyenne de 5 millions de téléspectateurs, et un record à 5,7 millions le 14 novembre. Sous les imposantes poutrelles métalliques style Eiffel d’une ancienne usine de Saint-Ouen en banlieue parisienne, la troupe a pris ses marques. A la puissance deux. Double plateau, avec chacun deux caméras, et deux équipes au grand complet. Pour un tournage en parallèle et en continu, ou presque.

Tandis que, sur les800 m²du plateau 1, les voisins de la série se croisent au rez-de-chaussée, dans le hall d’entrée, dans l’escalier ou dans la cour, à quelques mètres de là, sur le deuxième plateau (300 m2), l’espace est un peu plus étroit et l’atmosphère plus tamisée. Nous sommes sur le palier du premier étage de l’immeuble. Les portes s’ouvrent, on ne distingue que les entrées des appartements, les portes se referment, les personnages ne s’attardent guère et n’échangent que quelques mots. Karine (Isabelle Vitari) propose à la famille d’en face de venir dîner. Sans succès. On répète une fois ou deux. Grâce aux deux caméras notamment, on ne multiplie pas les prises inutilement. Dans le même temps, plateau numéro un, place à la scène du rat mort, dans l’ascenseur.

UNE TRENTAINE D’AUTEURS

Les séquences s’enchaînent. La cadence est soutenue. C’est que chaque jour, en moyenne, chacune des deux équipes se doit de livrer une huitaine de saynètes, écrites par une trentaine d’auteurs. « Un rythme à prendre, explique Emmanuel Rigaut, l’un des quatre réalisateurs (avec Stephan Kopecky, Gérard Pautonnier et Denis Thybaud) qui se relaient aux manettes de la série. C’est un exercice un peu particulier, mais une fois lancé, on est pris par le truc. »

A chacun de trouver son souffle. Ce jour-là, au rez-de-chaussée, Emmanuel Rigaut est sur un tempo élevé, qu’il maintient coûte que coûte d’un verbe ferme. Sur le plateau voisin, Gérard Pautonnier, l’autre réalisateur, est dans l’écoute et la négociation, il lâche un peu la bride.

En apparence du moins. Car l’exercice laisse peu de place à l’improvisation. Tout est millimétré. Logiquement, le choix des réalisateurs s’est porté en priorité sur des professionnels ayant déjà exercé dans des programmes courts. « Rien ne les empêche de se lâcher, d’exprimer leur personnalité et de s’éclater s’ils le souhaitent », assure Alban Etienne, l’un des producteurs de la série (Ango Productions et Aubes Productions). Rompu au rythme très soutenu de « Plus belle la vie » (France 3), Emmanuel Rigaut connaît la technique pour desserrer un peu l’étau. « Dès le matin, je cherche où je vais pouvoir gagner du temps afin de m’en dégager pour me faire plaisir. Parfois, j’organise même cela sur la semaine entière. »

Retour sur le grand plateau. Tournage d’une autre scène dans l’ascenseur de l’immeuble. Martin Lamotte n’est pas du tableau. Le M. Lambert des « chers voisins » se retire, à quelques pas, dans les décors de la petite cour fleurie, où l’on jurerait que le soleil a projeté un rayon furtif. Pas de répit. Le comédien compulse les fiches cartonnées glissées au fond de ses poches. Et répète à voix basse le texte du sketch suivant.

(article paru dans Le Monde daté du 26 novembre 2012)