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A la recherche du temps perdu de Marcel Proust en manga
Publié le 02 décembre 2012 par Fromtheavenue
Surpris quand j'ai vu cette couverture et tandis que j'adore l'écriture subtile de Proust, je ne pouvais pas résister à l'envie de cette lecture aussi rapide que délicieuse. Les dessins, bien qu'ils suivent les codes habituels du manga, ne sont pas d'une qualité irréprochable. Ils ne sont pas signés de la plume d'un mangaka, mais plutôt du studio qui les a réalisés. Alors, autant le dire d'emblée, on ne verra pas la mer et encore moins "les mers" à Balbec, juste un ou deux traits qui la suggèrent. Le côté de chez Swann et celui de Guermantes sont coupés à la serpe et leur réunion catapultée sous les traits pailletés d'une Mademoiselle de Saint Loup d'opérette. La description puis l'évolution du Baron de Charlus est tellement résumée qu'on évite de hurler de rire parfois. Les scènes d'amour sont bien loin des Catleyas. Mais il réussit tout de même à boucler la boucle du temps proustien ce qui n'est pas une mince affaire en si peu de pages et avec si peu de mots.
Proust, à travers cette œuvre multiple, a redéfini le temps et l'identité, mais ici on se propose plutôt de raconter les événements. C'est un peu comme si vous avez déjà eu la chance d'approcher dans la vie réelle un tableau de Francis Bacon et qu'on vous donne à voir un Polaroid de l’œuvre, photographie instantanée, partielle, partiale et forcément tronquée, vidée de sa substance. Un cliché de l'éternité.
C'est justement là où les choses deviennent intéressantes, Soleil Manga le précise dès le début, ce livre ne se substitue pas au roman de Marcel Proust mais il a pour seul but de donner envie de le lire ou de le relire. Et je dois bien avouer que cela a fonctionné. Après l'avoir refermé, j'ai eu une envie folle de reprendre, de nouveau, comme on peut le faire à tous les âges de la vie, l'original.
Pour vous convaincre de faire de même, laissons nous bercer encore un instant par l'inoubliable fin du Côté de Chez Swann :
Les lieux que nous avons connus n'appartiennent pas qu'au monde de l'espace où nous les situons pour plus de facilité. Ils n'étaient qu'une mince tranche au milieu d'impressions contiguës qui formaient notre vie d'alors; le souvenir d'une certaine image n'est que le regret d'un certain instant; et les maisons, les routes, les avenues, sont fugitives, hélas, comme les années.