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Albert SAMAIN par FAGUS

Par Bruno Leclercq


Samain, poète d'un seul vers.... Le symbolisme réduit au pessimisme et aux paysages artificiels.... Fagus a la dent dure. Il participe pourtant à l'hommage que le Mercure de Flandre rend, en 1925, au poète du Jardin de l'Infante, dans son numéro 8 de la quatrième année, en donnant ce portrait du poète en fonctionnaire.

Lorenzaccio bureaucrate.

Il n’est pas vain de relever que l’écrivain du vers fastueux, du vers illustre qui ouvre le Jardin de l’Infante, fonctionnait scribe ; non pas à l’Hôtel de Ville même, mais dans la sordide « Annexe-Est », ex-caserne Lobau, à cet entresol retaillé en tant de bureaux, que s’y égare jusqu’au personnel, et si exigus et bas qu’ils renouvellent la cage dont le cardinal La Balue fut le vilain oiseau. Celle de Samain prenait vue sur la Seine, la Cité, l’Ile Saint-Louis : mais ce n’en était que plus triste. Ne serait-ce pas une des raisons de la pompe nostalgique et morbide de cette poésie qui séduit tant les lycéennes d’aujourd’hui, pour ce qu’elles y resavourent sans doute l’arrière-goût de leur jeunesse inemployée ?
Bureaucrate ponctuel et zélé, ainsi généralement les poètes bureaucrates : ainsi les pinsons en cage. La prison inflige quelque redite à leur chanson. Son vers illustre, Samain le varia infiniment : c’est ce que ce vers était lui-même. « Son âme », selon qu’on s’exprimait vers 1892, représentait en effet la frêle infante selon Vélasquez et Victor Hugo : sa robe de parade cuirasse un corps dévoré d’étisie et d’ennui. Et un autre vers me remonte :
Des soirs fiévreux et forts comme une venaison
Mon âme traîne en soi l’ennui…
Dans le concert symboliste, cette voix s’apparente à celle des intoxiqués du pessimisme parnassien qui élirent : du grand Baudelaire la phosphrescence cadavéreuse, de Laforgue la désespérance ironique (si navrante !), de Watteau et Botticelli, vus à travers le préraphaélisme anglais, la gourmandise des paysages artificiels : Jean Lorrain, Rollinat, Rodenbach, Robert de Montesquiou…
Je me rappelle encore (c’est dans le Chariot d’Or) ce Nocturne provincial (1) :
La petite ville sans bruit
Dort profondément dans la nuit,
…………………………………………………………………..
Au long des grands murs d’un couvent
Des feuilles bruissent au vent,
C’est le jardin des Ursulines,
……………………………………………………………………..
Le rideau frêle au vent frissonne,
La lampe meurt. Une heure sonne.
Personne, personne, personne.
Si je vois cela surtout, c’est que c’est cela surtout que ce déraciné deux fois regrettait à travers les vitres chassieuses de sa cage de scribe. Les infantes-poupées avec leur brocard lacé sur la misère, moins du corps encore, hélas ! que de l’âme, ne venaient que pour essayer d’amuser une inguérissable rancœur.
Je me demande, en pleine sincérité et fraternelle sympathie, je me demande si, tel Félix Arvers est le héros de l’unique sonnet destiné peut-être, - qui sait ? – à survivre à tout le monstrueux œuvre Hugolique ; je me demande si Albert Samain ne restera pas le poète d’un seul vers, oui, mais vers cornélien à sa façon, vers qui superbement poitrine devant la malfaisance de la destinée :

Mon âme est une infante en robe de parade.


FAGUS.

Paris, 30 avril 1925.

(1) Ma bibliothèque est comme qui dirait sous séquestre.


Qu'on se le dise et le répète : Les éditions Cynthia 3000 préparent la publication d'un volume de Fagus, Colloque sentimental entre Emile Zola et Fagus.


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