Avant tout, il me semble nécessaire de clarifier certains points. Laibach est l’aile musicale du Neue Slowenische Kunst (NSK), collectif politico-artistique controversé, regroupant théâtre, arts graphiques et vidéos. L’art « NSK » s’inspire largement des symboles totalitaires des mouvements nationalistes. Il juxtapose ces différents symboles (souvent incompatibles) et les transforme en une mosaïque kitsch. Mais leurs ambitions ne s’arrêtent pas en si bon chemin. L’idéologie « NSK » revendique l’existence de son propre Etat, le « NSK State ». Un territoire qui n’existe pas physiquement, mais seulement à travers « les dimensions du Temps ». Toutefois, Ils délivrent des passeports, émettent des timbres postes, ou présentent encore leurs réalisations sous couvert de leurs ambassades.
Revenons dans la salle. Des vieux métalleux forment l’essentiel du public : la moyenne d’âge tourne facilement autour de 35 ans (peut-être plus). L’uniforme blouson-jean-rangers renforcées semble de rigueur. Sur leurs oripeaux, certains arborent des badges tissés à l’effigie de Metallica ou Turbonegro. Ambiance. Ce soir, la vieille garde ne se rend pas ; elle se galvanise au côté des jeunes adultes présents dans la salle. La réflexion pragmatique d’un des « benjamins » nous éclaire sur les raisons de leur venue : « je ne suis pas fan, mais on n’aura plus l’occasion de les voir avant longtemps… »
La prestation scénique de Laibach s’inscrit pleinement dans le décorum « NSK ». Le concert, construit en deux actes, s’ouvre par l’hymne national français. Milan Fras, le chanteur, va enchaîner des titres à la gloire de nationalisme européens. Ils s’apporprient les hymnes de nombreux pays de la Grèce à l’Allemagne en passant par la Russie. Sur deux écrans sont projetés des effets visuels mêlant drapeaux des pays concernés aux symboles « NSK ». Musicalement, le premier acte est plutôt calme, presque ennuyeux. Sur un style néo-classique, Milan se fait accompagner sur certains titres par une chanteuse lyrico-indus, dont les modulations vocales sont tellement sirupeuses qu’elles découragent une partie du public, plus enclin à se désaltérer au bar d’une bière fraîche.
Le deuxième acte renoue avec la tradition plus martiale du groupe. Le temps n’est plus à l’exaltation des nationalismes. Vient celui de la guerre et des défilés au pas de l’oie. La masse impressionnante de son galvanise enfin la vieille garde et nous plonge dans une atmosphère dense, assez grisante. On se rend compte de l’influence de Laibach sur des groupes comme Rammstein ou Nine Inch Nails, où se retrouvent les mêmes sonorités, et les mêmes rythmes lourds.
Entre temps, la chanteuse lyrique a été remplacée par deux belles gretchen à couette accompagnant Milan au chant. Avec énergie, les bras tendus, elles frappent simultanément leur tambour. Troublant.
Le final, très théâtral, est marqué par les révérences du groupe faites à son public. Pendant ce temps, pour signifier l'importance du collectif derrière Laibach, les crédits du spectacle sont projeté à l’écran. On aperçoit même les noms des busdrivers...
Somme toute, je suis ressortis du concert en ayant eu l’impression d’avoir assisté à un événement hybride, où le concert aurait rejoint le théâtre, où les acteurs auraient pris la place des musiciens. Comme si Queen avait toujours joué de l’Indus.
Life is Life repris par Laibach
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NSK State