J’ai habité chez Rosita pendant deux semaines quand je prenais des cours d’espagnol à Granada. J’ai été très bien accueilli, nourri, chouchoutée. Dans les mails qu’elle m’envoie régulièrement elle se définit comme ma Maman du Nicaragua. Et c’est effectivement ainsi que je vois cette femme forte, généreuse, décidée et gaie qui vit en famille à Granada. Elle partage la cour avec sa sœur qui loge en face avec son fils, sa belle-fille et sa petite fille et a elle-même un fils de 23 ans, Isaac, avec qui elle habite.
Depuis qu’elle n’est plus salariée elle est revenue à Granada, une ville qu’elle aime beaucoup. Mais on ne peut pas dire qu’elle soit à la retraite, bien au contraire. Elle a encore plein de projets que sa petite pension ne lui permet pas de financer ! Depuis mai 2011 elle accueille régulièrement des étudiants étrangers qui viennent apprendre l’espagnol à l’école contiguë, l’école Nicaragua Mia. Une activité qui lui plaît beaucoup car elle peut transmettre sa culture et sa langue tout en faisant connaissance avec des personnes qui viennent des quatre coins de la terre. Rosita a développé des relations amicales avec la majorité des élèves. Elle a remarqué que les Européens avaient plus de facilité à assimiler la culture locale et n’avaient pas peur d’essayer ses plats, à parler espagnol… Elle a rapidement été choisie par l’école pour devenir hôte car elle est amie avec Carla, la directrice qui connaît ses talents de cuisinière et sa gentillesse. Rosita me confie que même quand l’étudiant est un peu difficile à gérer, ce n’est pas un problème pour elle grâce à l’expérience qu’elle a acquise en tant que secrétaire : elle sait ménager les susceptibilités. En plus elle parle un peu anglais ce qui peut aider dans certaines situations. Pour Rosita, ce travail avec l’école est très important dans sa vie pour son aspect relationnel. Financièrement cela l’aide à avancer dans les projets de réaménagement de sa maison. Elle veut moderniser sa cuisine et la décorer pour que la pièce devienne un lieu où l’on se sente bien. Elle souhaite aussi aménager une nouvelle chambre à l’étage afin de pouvoir accueillir un étudiant supplémentaire. Bref Rosita est une véritable entrepreneuse qui pense sur le long terme. Quand elle a le temps dans son emploi du temps de ministre, elle vend aussi des produits de beauté.
La journée de Rosita est donc bien occupée. Elle se lève tous les jours à 4h. C’est l’un de ses moments favoris dans la journée, quand elle peut profiter du calme de la maison pour faire le ménage et préparer les repas. Elle s’occupe ensuite de son étudiant mais aussi de son fils. Elle va au marché pour faire ses provisions et revient chez elle pour concocter le menu du midi et le (délicieux) jus de fruit qu’elle servira à son invité. L’après-midi elle repart dans ses multiples activités. Ce n’est qu’après le dîner qu’elle s’offre un peu de répit.
Ses passe-temps favoris sont la danse, le point de croix, écouter de la musique dans son hamac, lire des ouvrages documentaires ou la bible. Rosita aime aussi voyager.Au Nicaragua elle est allée à la Isla de Ometepe, à Matagalpa, à Jinotepe mais aussi aux Caraïbes, dans les Corn Islands. Rosita a aussi voyagé au Mexique, au Guatemala, au Costa Rica, au Panama, en Colombie. Elle avait pu acheter un billet d’avion à crédit avec une amie et avait séjourné dans de beaux hôtels. Elle me montre son album photo plein de souvenirs de vacances. L’un de ses rêves serait de voyager en Europe ou en Amérique du Sud. Ses autres espoirs concernent son fils. Elle escompte qu’avec ses études il trouvera un emploi intéressant. Mais surtout elle espère qu’il rencontrera une femme avec qui il puisse construire sa vie.
Rosita apprécie de vivre au Nicaragua. Elle considère que dans son pays il y a beaucoup de respect pour la nature, par ailleurs magnifique. Elle estime qu’ici les relations ne sont pas superficielles et qu’il y a peu de rapport d’exploitation. Elle est plus critique envers la politique. Pour elle le président, Daniel Ortega, vit dans le passé et sur son aura acquise pendant la révolution. Si certaines sommes ont été allouées au développement du pays, il serait possible de faire plus si une partie de l’argent n’était pas détournée. Quant au statut des femmes elle observe qu’au Nicaragua elles ont plus difficilement accès à l’emploi, sont moins bien payées et que leur travail est souvent sous-estimé… un peu comme en France finalement !