Aujourd’hui 1er Décembre, journée officielle de lutte contre le SIDA.
A cette occasion, je souhaiterai vous parler de mon Papa.
Il y a des choses qu’on ne peut pas oublier quand il s’agit de nos parents, et en ce qui concerne mon Papa et la lutte contre le SIDA, je n’oublierai jamais le jour où il a officiellement dit qu’il serait temps que je cache des préservatifs dans mon soutien-gorge… quand je vais en boîte.
Qui est mon Papa, hein ?
Mon Papa est un antillais. Il aime la danse, les armes, les femmes, les grosses voitures, faire du bateau, pêcher, chasser, lire, beaucoup lire… et écrire des histoires pour les enfants, où les enfants finissent, bizarrement, toujours mangés par le cruel monstre parce qu’ils n’ont pas écouté leurs parents. Il a arrêté de chasser le jour où il a senti que chasser c’était tuer plus par plaisir que par véritable besoin de se nourrir.
Mon Papa est un cas. Un cas que j’aime, que j’admire et qui me connaît, tant dans mes coups de gueule, que dans mes coups de poings, que dans mes coups de cœur.
Mon Papa est un bagarreur. Un bagarreur qui n’aura pas peur de tuer qui ferait du mal à ses enfants. Un bagarreur qui a une véritable langue de pute quand il s’exprime. Un bagarreur qui a un cœur gros comme ça. Un bagarreur dont la colère peut mener loin. Très loin.
Mon papa est un homme drôle. Un homme drôle qui m’a appris à faire des grimaces, à faire des blagues aux autres, à faire le diable. A faire la conne, à me moquer de moi, des autres, des conneries que la vie nous amène.
Mon papa est un homme féministe.
Oui, un homme féministe : le sexe, le fric, les bagnoles, les hommes… ce qu’il m’en appris : fais-en ce que tu veux. Mais fais –le bien. Et Fais-le surtout pour ta gueule.
Petite, mon père me mettait sur ses genoux pour que je conduise sa jeep. Ce qui avait le don d’agacer ma mère. Ce qui avait le don de m’amuser beaucoup.
Un peu plus grande, il m’achetait des jeux de combats. Toujours le même scénario : des monstres horribles à défoncer, le tout dans un joyeux bain de sang et d’armes.
A 12 ans, il est revenu à la maison avec 3 livres dans la main. Le tout expliquait comment faire des enfants. Ce qui m’a beaucoup fait rire vu que faire des enfants, j’avais plus ou moins compris comment ça se faisait depuis longtemps.
Mon Papa a toujours voulu que sa fille ait des préservatifs à portée de main.
A 16 ans, à table avec moi, son verre de vin à la main, il a apostropha ma mère en lui disant « Mais dis-moi, as-tu acheté des préservatifs pour La Tchipie ? »
Ma mère a disparu de la pièce. AVC time ? Moi, j’étais morte de rire.
Visiblement quelque chose de « grave » se passait, mais je ne savais pas quoi.
Il a insisté : « où sont les préservatifs de ma fille ? Il faut que tu aies des préservatifs. »
J’ai ri.
Mon Papa a continué : « Pu-ce-ron (oui, mon Papa surnomme Pu-ce-ron), il est important que tu aies des préservatifs sur toi partout où tu vas. SURTOUT QUAND TU VAS EN BOITE. Tu vois ton soutien-gorge ? Tu mets deux préservatifs dans le bonnet là, à gauche ! Deux préservatifs à droite ! Et voilà, tu peux aller danser, tranquillement, mais ne pars pas sans ! Le SIDA ça n’épargne personne ».
Des années plus tard, je me rappelle de cette conversation qui a marqué un tournant dans les relations que j’ai eu avec mes parents et ma sexualité.
Alors comme dirait mon Papa : Le SIDA, ça n’épargne personne.
Protégeons-nous.
Une pensée à cette dame qui m’a confié un jour : « j’ai le VIH, mais je ne sais pas comment je l’ai eu. Je pense que c’est par mon mari, de toute façon, je n’ai connu aucun autre homme que lui. Il dit qu’il n’est pas responsable. Et si je le dis à mes enfants que je suis malade, je vais passer pour quoi ?»
Madame, si j’étais votre fille, vous ne seriez ni plus, ni moins, que toujours ma maman. Sans rentrer dans des considérations scabreuses et/ou dévalorisantes.
Une maman, c’est tout.
PS: Je t’aime Papa.