Deux groupes italiens, deux familles, ont puissamment initié l'internationalisation des vins italiens : les Antinori et les Gaja.
Certes, d'autres noms avaient déjà commencé eux aussi à faire connaître leurs crus au-delà des Alpes, mais ces toscans et ces piémontais en avaient fait une cause majeure.
L'Italie partait à cette conquête du monde avec une faiblesse et deux atouts.
La faiblesse : les vins français étaient déjà bien plus implantés hors de l'hexagone, et bénéficiaient d'une réputation incontestable de leader à tous points de vue, qualité en tête.
Les deux atouts : le vignoble transalpin pouvait compter sur la diaspora importante de ses émigrés et sur l'ingéniosité marketing et l'audace commerciale de ses producteurs.
Donc, la famille florentine des Antinori (ICI), dans le vin depuis plus de 5 siècles - première trace écrite en 1385 - , a été un des moteurs de cette expansion universelle avec ses crus de l'appellation (denominazione en italien) Chianti. Le marquis Piero Antinori, et maintenant ses trois filles dont les prénoms commencent tous par la lettre "A" (Albiera, Allegra, Alessia), ont toujours eu comme préoccupation commerciale majeure, d'être présents partout dans le monde. On peut aussi citer, dans cet état d'esprit une autre grande famille historique, les Frescobaldi.
Assis sur de superbes propriétés toscanes majoritairement, les Antinori sont restés relativement modestes en termes d'expansion géographique. Fondamentalement toscans, quand bien même ils sont également présents au Piémont et dans le Sud de la péninsule.
Mais nous parlons aujourd'hui d'une de leurs propriétés qui n'a pas la flatteuse réputation du Solaïa ou du Guado al Tasso (Bolgheri), mais qui abrite un des noms majeurs de leur vaste gamme : le Castello della Sala (ICI) qui produit, entre autres, le CERVARO DELLA SALA, un assemblage de chardonnay (90%) - grechetto (10%) de niveau mondial. On me permettra de citer également leur Badia a Passignano (une autre de leurs propriétés) dont le 1997 reste gravé dans ma mémoire comme une des plus belles expressions de ce cépage pas si facile que cela : le sangiovese.
Tout amateur sérieux a au moins une fois dans sa vie trempé ses lèvres dans ce chardonnay de référence.
Nous étions donc une bonne trentaine d'invités à la propriété en cette dernière quinzaine de novembre pour un événement assez singulier. Conjointement avec la famille française des Drouhin (Beaune), l'initiative était de présenter,via une belle verticale, les expressions, les évolutions de ce cépage international s'il en est : le chardonnay. Oui ou non, pouvait-on ressentir des terroirs particuliers qui donnaient à ce raisin blanc des expressions particulières, les Drouhin étant comme chacun sait ou devrait le savoir, les propriétaires majeurs du Clos des Mouches, leur "benchmark" en la matière.
Un château impressionnant : voilà ci-dessus la ruine qu'il était il n'y a pas si longtemps et son état actuel !
Nous sommes en Umbria : GPS impératif pour trouver ce borgo discret en haut d'une colline
Le dîner d'accueil nous permit de faire connaissance avec les autres vins produits ici :
Le Bramito del Cervo (100% Chardonnay)
Un Pinot Nero stupéfiant de finesse bourguignonne, bien loin de ces styles internationaux beaucoup plus musclés pour ne pas dire un peu vulgaires. Une réelle découverte pour bibi. Il faut probablement aller chez Franz Haas pour découvrir une autre expression transalpine de ce raisin si difficile à vinifier. Bravissimo à Monsieur Renzo Cotarella, l'oenologue qui suit toutes les propriétés de la famille. C'est son bébé de coeur, son graal, sa propre école de modestie.
Le Muffato della Sala (60% Sauvignon Blanc, 40% Grechetto, Traminer and Riesling) : un vin "dolce" où les deux cépages nordiques apportent une fraîcheur enthousiasmante !
La verticale proposée :
Les Clos des Mouches de Drouhin (Frédéric Drouhin représentait la famille à cette journée)
Les millésimes de notre Hôte
N'étant pas un dégustateur professionnel mais un simple amateur, je ne vais pas m'étendre sur les différentes caractéristiques particulières de ces fleurons du chardonnay. Ce qui m'a frappé par dessus tout, c'est la capacité plus qu'étonnante de vieillissement du Cervaro della Sala et l'évolution manifeste du Clos des Mouches, partant d'une jeunesse impétueuse, jouissive, riche et immédiate, vers une subtilité, un affinement, une délicatesse, un beurré discret, un fondu de grande classe.
On venait là du monde entier
Il y avait même des italiens :-) (Messieurs Vizzari et Moreschi)
Trois membres éminents du GJE
Un quatrième bien connu des lecteurs du Figaro, revenant de Santiago avant un départ pour Dubaï ou je ne sais où…
Une organisation plus que parfaite. Température nickel-chrome : du grand art !
Un debriefing très écouté
… à gauche comme à droite
Et comme dans tout château qui se respecte, la Capella ornée de peintures historiques
Un commentaire sous forme de conclusion
D'abord un grand merci à la Famille Antinori d'avoir invité ainsi, dans cette vaste propriété de l'Ombrie, des journalistes et amateurs en provanance d'un peu partout.
Il ne s'agissait pas, naturellement, de hiérarchiser qui que ce soit. Le propos était de montrer, au travers de ces deux verticales, les expressions de "terroir" que peut prendre le chardonnay dont les références - c'est incontestable et cela n'a pas été contesté - sont bourguignonnnes.
Opération plus que largement réussie, tant ce Cervaro della Sala a pu montrer avec éclat, à quel point il évoluait en toute beauté à travers le temps. Et comme chacun sait qu'un "grand vin", c'est un vin capable d'offrir dans le temps - qui se compte ici en décennies - des évolutions un peu magiques, oui,on peut le dire : Cervaro della Sala est un "grand vin".
Bon, Laurentg va chipoter en nous dénichant des archives du temps où il était gamin boutonneux : pas grave : on lui pardonne :-)
Dans l'échelle que je défends mordicus (plaisir-émotion), cette double verticale a tout montré : un ou deux millésimes qui ne laissent pas de traces indélébiles, d'autres qui sont des purs bonheurs, et quelques grands moments de pure beauté.
Merci Marquis, merci à tes filles qui vont transmettre ce beau virus du "grand vin" aux nouvelles générations !
Merci enfin à Frédéric Drouhin d'avoir accepté ce challenge en terres étrangères. Ce n'était pas du tout évident.