Se préparer à peindre en buvant du thé

Publié le 02 avril 2008 par Vanessav
Et si c’était de ça qu’il s’agissait. Il y a de nombreuses manières de boire le thé : à l’européenne, nature, agrémenté de lait et/ou de sucre, parfumé, avec une pâtisserie, lors d’un tea-time, ou pendant une lecture ou encore pendant l’écriture. Je vais d’ailleurs prendre beaucoup de plaisir à lire « Le thé dans l’encrier » de Gilles BROCHARD avec les illustrations (encre de thé) de Ruben ALTERIO que Flo a eu l’immense gentillesse de me prêter, voir son billet là.

Mais là, je laisse de côté les salons de thé, j’imagine les maisons de thé asiatiques et en attendant fait mien une partie de notre chez-nous. Je suis les pas de Fabienne VERDIER, calligraphe/peintre. Et loin de pouvoir vivre une initiation aussi fabuleuse qu’elle, en calligraphie, peinture et philosophie de vie chinoises (je reparlerais souvent de son livre « Passagère du silence » ), je me rêve un peu dans une maison de thé à Shengdu, capital du Sichuan, où elle a passé 6 ans dans les années 80.


*source maison de thé de Shengdu
« La concentration, la préparation à l’être avant l’acte de peindre ? Primordiale. Tout se joue là.
Je n’ai pas d’ordonnance idéale ni magique à vous transmettre. Aucune technique particulière. Ce sont mille et un faits et gestes au quotidien qui me plongent dans cet état. En fonction de sa nature, chacun doit trouver des exercices qui lui sont nécessaires pour retrouver une unité intérieure, une réceptivité capable de s’approcher de l’infiniment rien. Il faut parfois plusieurs vies pour y parvenir.
Pour ma part, j’ai besoin de faire le vide par la méditation, ainsi que le vieux maitre Huang me l’a enseigné. Par la régulation de la respiration. Par la marche qui oxygène toutes les cellules. Rien ne vaut un bon bol d’air. Laisser son esprit errer dans le rien ! C’est avant tout une attitude de vie au quotidien. Je suis devenue moinesse. La concentration s’acquiert au fil des jours, des mois, des années, par une ascèse rigoureuse. »
(extrait de « Entretien avec Fabienne Verdier » de Charles JULIET)
Prise dans les filets de mon passé, je suis restée emmaillotée et piégée par lui. Tous les moyens me semblent précieux pour apprendre à me déconditionner, doucement, il est vrai, mais tout de même dans l’action. Me libérer de cette frilosité dont nous parle si bien Holly golightly dans les commentaires de son billet sur la médiocrité de la littérature au jour d'aujourd'hui …si, si dans le 17ième commentaire, ce passage de Kant si pertinent, fouettant, me rappelant ma fainéantise et mes peurs enfantines et inadmissibles. J’aime croire que mes dégustations de thé au zhong sont comme une première pratique de la concentration, une action avant l’action. Mon bol d’air à moi.


Deux Oolongs dégustés ces derniers jours au zhong : du Yu Zhé de Chine et du Grand Oolong top Fancy de Formose.


Le Yu Zhé a des feuilles en petits agglomérats verts, poudrés à l’odeur sucré de caramel avec une touche de fruits rouges. Une fois infusé (et aéré par la baguette et le couvercle), le couvercle a une odeur sucré d’écorce et de fruits pas tout à fait mûrs. Le breuvage est ambré avec une odeur herbacée. Le goût est sucré, sec avec une très bonne tenue en bouche, sans amertume, boisé et avec un peu d’amande. Il reste des particules au fond du zhong. Les feuilles mouillées sont très vertes et ressemblent après les 4 ou 5 infusions à des têtards (dixit mon amoureux). En espérant que cette bande de têtards participent un jour à une œuvre picturale (voir les étapes de l’œuvre ci-dessous).


*source Dongwu
Le Grand Oolong Top Fancy a des feuilles flétries aux variations de couleurs importantes : bleu, brun/rouge, vert ou même jaune. Le thé sec a une odeur sucré de fruits rouges avec une note marine. Le breuvage est ambré avec une bonne longueur en bouche, pas sucré et une amertume à la 4ième infusion. Les feuilles mouillées sont brisées, vertes et brunes.


Les prochaines dégustations seront associées à l’exercice des makko-ho. Après, la calligraphie trouvera sa place, j’en suis persuadée, avec si possible un Ki équilibré.