La France politique a-t-elle pourri de la tête à ce point là ?
La France est en crise, mais la France politique est malade, incroyablement malade.
291 semaines depuis le 6 mai 2007.
Et nous n'en sommes toujours pas sortis.
UMP dumpée
Il y a d'abord l'affligeant spectacle de l'UMP. Un show incroyable, détestable, et terrifiant. On se souvient des railleries Sarkozystes, bruyantes et répétées, à l'encontre du Congres socialiste de Reims en 2008. Quatre ans plus tard, l'UMP crève tous les plafonds du ridicule. Deux rivaux incapables de s'accorder, un ancien mentor qui croyait avoir encore un peu d'autorité en coulisses, une scission du groupe à l'Assemblée... Il y aura sans doute un nouveau vote.
Sarkozy, par deux fois, a échoué à imposer une sortie de crise. L'homme qui se disait protecteur de la France se révèle incapable de nettoyer son écurie.
Avec 6 mois de retard, l'ancien parti présidentiel s'est disloqué avec une violence et une soudaineté inattendue, comme un arbre vérolé de l'intérieur qui s'affaisse brutalement au premier choc.
Vieilles méthodes
Mercredi puis jeudi, le Senat prétendument de gauche depuis plus d'un an a refusé les volets de financement du budget de l'Etat puis de la Sécurité sociale. Vingt sénateurs communistes qui se sont abstenus sur le premier, et ont même voté contre le second.
On voit bien que l'accusation d'absolutisme faite à la gauche depuis qu'elle a remporté les derniers scrutins nationaux n'était qu'une figure de style. La gauche a toujours été divisée. Bizarrement, la médiacratie s'est empressée de qualifier ce revers temporaire de couac. C'est tout simplement faux, juste une bonne formule sans valeur. Ces rejets sont dus à des désaccords réels et sérieux à gauche. Quand on critique ces communistes, leurs supporteurs nous les détaillent avec une gourmandise rageuse. Leur opposition désormais systématique à tous les projets d'ampleur relève pourtant de la bouderie: les socialistes rejettent leurs amendements, donc les communistes préfèrent voter avec l'UMP.
Si les désaccords sont nombreux et légitimes, il faut s'interroger sur l'efficacité politique de ce choix du pire: elle est nulle. On peut même conclure que les sénateurs communistes ont ainsi procédé car ils savaient leur vote était sans conséquence. L'Assemblée a le dernier mot.
Plus efficaces, quelques parlementaires socialistes se sont faits entendre par un ministre de l'Economie pour qu'il améliore sa copie du futur crédit Impôt. Il devrait donc y avoir un durcissement de ses critères d'attribution. Dans le projet initial, ce CIE était calculé sur la masse salariale, pour favoriser les entreprises petites et grandes à forte main d'oeuvre. Dans une tribune et un échange avec quelques blogueurs dûment sélectionnés, le dit Moscovici a justifié son prisme copernicien.
Plus efficaces aussi, le grand ramdam écologiste contre les violences policières à Notre-Dames-Des-Landes a contraint l'ancien maire de Nantes devenu premier ministre à nommer une commission de dialogue pour calmer le jeu. Après tout, ce projet d'aéroport - dont on peut souligner avec le même énervement tant son inutilité et que l'instrumentalisation qui en est fait - date de 1967. On n'est pas à 6 mois près.
Etiquettes contre analyses
Il y a aussi cette incroyable confusion des critiques. Le bashing est général et généralisé, sans patience ni recul. On crie d'abord, on s'insurge, on soupçonne. Un exemple ? Quand Sarkozy était au pouvoir, nous critiquions, notamment, la perte de compétitivité de l'économie. Rappelez vous nos salves sur l'ampleur des fermetures d'usine, ou le déficit commercial historique. Remplacez Sarkozy par Hollande, et les critiques demeurent identiques. Le moindre crédit d'impôt sur les sociétés est caricaturé en cadeau, raillé comme des milliards pillés à nouveau gâchés, la preuve que nos nouveaux gouvernants sont d'immondes socio-traîtres rebaptisés socio-libéraux.
Prenez Florange. Ayrault nous sauve l'apparence - il est trop tôt pour juger - et surtout des emplois. Mittal, sur ce point là, a capitulé. Syndicalistes et supporteurs en appelaient à la nationalisation comme le sauvetage ultime. Nous reprochions à Sarkozy de promettre tout et n'importe quoi. On reproche à Ayrault et Montebourg de ne pas promettre suffisamment et ni n'importe comment... Ce dernier est vendre sur place les annonces du premier ministre. Quand on est honnête, on appelle cela du courage.
La paresse collective est telle qu'on se réfugie derrière des étiquettes dont pas grand monde ne comprend la signification. La multiplication de ces procès d'intention ou d'idéologie est l'un des symptômes d'une société en voie de dislocation. Cela divertit l'attention. Certains font l'effort de pédagogie et d'analyse, des journalistes travailleurs, ou des blogueurs besogneux. Mais d'autres, plus nombreux, sillonnent les plateaux de télévision, les grandes pages des newsmagazines, ou la blogosphère politique à coup d'oukazes et de raccourcis. Ils s'interrogent de savoir si Hollande est plutôt Schroeder, soc-lib ou soc-dem. Si Mosco est resté DSKiste ou si Valls n'est pas sarkozyste.
L'étiquetage l'emporte sur l'analyse.
Vraies souffrances
Les gens souffrent de précarité alimentaire, sanitaire, professionnelle et sociale.
La ministre Duflot a promis des réquisitions de logements au plus fort de l'hiver. Sa collègue aux Droits des Femmes a organisé une belle journée sur les violences faites aux femmes, vendredi. Manuel Valls a (insuffisamment) assoupli les conditions de régularisation des clandestins. Marisol Touraine s'inquiète des ravages du Sida. A l'ONU, la France a soutenu et voté la reconnaissance de la Palestine.
Le chômage, en France comme dans la zone euro, crève tous les plafonds. Certains y voient toujours une raison supplémentaire pour refuser l'austérité. C'est vrai. Même les plus ultra-libéraux des éditocrates habituels commencent à stresser sur l'effet récessif des politiques de rigueur.
Mais en France, de quelle austérité parle-t-on ?