Le populisme du ministre Arnaud Montebourg peine à masquer les insuffisances face au redressement productif.
Par Noël Labelle.
Publié en collaboration avec l'Institut économique Molinari.
Le ministre français du redressement productif, Arnaud Montebourg, est souvent décrit comme la personnalité imprévisible du gouvernement. Ses sorties médiatiques, son goût pour la mise en scène et l’intérêt qu’il porte à sa propre personne lui octroient un relief évident.
Pourtant, l’homme n’est pas si imprévisible. Ses interventions seraient même étonnement simples à comprendre. Arnaud Montebourg, ambitieux quinquagénaire, travaille à ce qu’il pense être son destin : l’accession à l’Élysée dans les quinze prochaines années. Pour cela, il se doit de défendre une grande cause. Après avoir longtemps vilipendé les pays à la fiscalité compétitive, il s’est trouvé un nouveau cheval de bataille : la démondialisation. Lors des primaires socialistes de 2011, son discours très conservateur avait fait vibrer la fibre protectionniste de 17% de militants socialistes. Suffisant pour le convaincre qu’il tenait le bon thème.
C’est dans cette optique qu’il convient d’appréhender son étrange croisade contre le groupe ArcelorMittal. À Florange, triste petite ville à la frontière luxembourgeoise, située dans la vallée de la Fensch, réputée pour sa tradition minière et sidérurgique, l’ancien avocat veut se donner l’image d’un fier-à-bras en lutte contre un puissant représentant des forces globales occultes. On croirait presque à une mauvaise adaptation de Docteur Justice, cette bande-dessinée naïve des années 1970 narrant dans Pif Gadget les aventures d’un intrépide médecin humaniste et judoka.
Comme dans la BD, les ennemis de Montebourg sont caricaturaux et l’approximation du récit de ses exploits n’a pour but que de renforcer son aura de héros autoproclamé. Au mépris de toute vraisemblance. Lakshmi Mittal est ainsi dépeint en France comme un financier indien sans scrupules. Un personnage n’ayant ni parole, ni morale, menaçant le bon fonctionnement d’un modèle social exemplaire et bien réglementé. La réalité est évidemment tout autre.
Lakshmi Mittal n’est pas un financier, mais un industriel, obnubilé par l’idée de laisser son nom dans l’histoire. « Je veux être le Ford de l’acier », n’a-t-il pas peur de clamer. Fier de ses racines indiennes, il est cependant résident britannique depuis de nombreuses années et se revendique volontiers citoyen du monde. Son parcours lui donne raison. Lakshmi Mittal a construit son empire tout autour de la planète. De l’Indonésie, où il développe avec son père une petite usine d’acier dès 1976, au Kazakhstan, en passant par Trinidad et Tobago, le Mexique, la Roumanie ou l’Ukraine. Lakshmi Mittal n’a jamais possédé d’aciérie en Inde.
En 2006, c’est à la tête du leader mondial de l’acier, Mittal Steel, société de droit néerlandais, dont les bureaux sont à Londres, que Lakshmi Mittal lance son OPA sur Arcelor, société luxembourgeoise et numéro deux mondial du secteur. À l’époque déjà, le gouvernement français, alors à droite, s’inquiète de l’arrivée de cet étranger. Le ministre de l’Économie d’alors, Thierry Breton, lui reproche de ne pas respecter la « grammaire des affaires », oubliant un peu vite que la France n’a aucun droit sur Arcelor. Contrairement à l’État luxembourgeois qui en détient près de 6%. Mittal promet d’ailleurs à Jean-Claude Juncker, inamovible premier ministre du Grand-Duché, que le siège social restera en plein cœur de Luxembourg. Promesse tenue.
Ses autres engagements ont difficilement résisté à la crise et à son ambition personnelle, mais doit-on s’en étonner ? La première dimension sociale d’un industriel se révèle dans sa capacité à préserver son activité. Pour cela, certaines décisions s’imposent. Souvent au mépris des intérêts politiciens.
Le sort de l’usine ArcelorMittal de Florange illustre parfaitement cette idée. Rentable dans son intégralité, le site lorrain a pourtant vu s’arrêter sa phase dite « liquide » (les deux hauts-fourneaux), il y a maintenant dix-huit mois. Sacrifiés pour réduire les surcapacités du marché de l’acier en Europe. Cette décision avait déjà été prise par la direction d’Arcelor en 2004. Pour garder un pied dans le marché européen de l’automobile, ArcelorMittal entend tout de même conserver la phase aval du site. Il veut aussi éviter de nourrir la concurrence sur un marché où le groupe est leader. Cette situation relève d’une stratégie évidente de la part du management. Mais ce qui est normal dans le monde des affaires est inacceptable aux yeux d’Arnaud Montebourg. Surtout que 629 salariés sont menacés.
En attaquant de front Lakshmi Mittal, Arnaud Montebourg se trompe encore une fois de combat. Ses déclarations populistes, aux accents xénophobes, ne sauveront pas les 629 emplois de Florange. Pire, elles pourraient faire perdre leur poste aux 20.000 personnes salariées par le groupe luxembourgeois en France. Le véritable redressement productif ne consiste pas à user de la force de l’État pour obliger un entrepreneur privé à conserver des employés inutiles, mais à créer l’environnement favorable pour que les personnes licenciées retrouvent au plus vite un poste ailleurs. Mais ça, ça demande une vision dépassant amplement une simple ambition personnelle.
Arnaud Montebourg se rêve en Lancelot, il n’arrive même pas à être Don Quichotte.
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