Un rebondissement récent de la lutte pour la direction de l’UMP me rappelle un épisode des tout débuts de ma carrière. En mai 1968, alors que la grève générale menaçait, je m’étais risqué à me rendre chez mes parents pourle week-end. Le lundi matin, rejoignant en auto-stop mon usine, j’arrivai au beau milieu d’une assemblée des cadres. On discutait pour déterminer si nous nous joindrions à la grève décidée par les ouvriers ou si nous nous tiendrions à l’écart de celle-ci. Après moult palabres, on résolut de passer au vote.
Survint alors un événement cocasse. On proposa, avant de se prononcer sur la question de la grève, de voter sur le point de savoir si, à l’issue de ce scrutin, la minorité se rangerait à l’avis de la majorité. Les cadres auraient alors été ou tous en grève, ou tous non-grévistes. J’étais alors trop nouveau-venu dans cette docte assemblée pour m’élever contre l’absurdité de cette question qui consistait à douter du principe même du vote et de la pré-éminence de la majorité et donc menacer l’esprit même de la démocratie.
Mais il y avait tout aussi grave : on butait ainsi sur le dilemme de la poule et de l’œuf : lequel des deux est le premier ? En effet, avant ce vote préalable, la règle de l’effacement de la minorité n’était ainsi pas considérée comme établie. Quelle attitude devraient adopter à son issue ceux qui se trouveraient constituer cette minorité ? La proposition actuelle, ou peut-être déjà révolue, de procéder au sein de l’UMP à un référendum sur l’opportunité de recommencer l’élection de son président constitue une bizarrerie du même genre.
Sans prétendre deviner le résultat d’un tel référendum, on peut formuler les hypothèses suivantes :
- La quasi-totalité des partisans de Jean-François Copé s’opposeront à un nouveau vote.
- De même, la quasi-totalité des tenants de François Fillon seront favorables à un deuxième scrutin.
- Mais en outre, un nombre non négligeable des militants UMP considéreront qu’il est important de sortir au plus vite de ce blocage et se prononceront pour un nouveau vote.
Il est donc plus que probable qu’une nette majorité se déclarera pour un deuxième scrutin. Un tel référendum, au résultat prévisible, ne ferait que retarder la résolution du conflit. Il importe donc que ce parti travaille le plus vite possible à la définition des modalités de ce nouveau vote.
Et au lieu de se consoler médiocrement en se gaussant des pitoyables manœuvres du PS en 2008, les responsables UMP feraient mieux de prendre exemple sur la primaire organisée en 2011 par ce même PS, sur deux tours, avec à chaque fois plus de deux millions et demi de votants, presque dix fois plus que ce discutable vote UMP.