Je crois que c’était la semaine dernière.
J’étais dans les transports et je laissais divaguer les effluves de mon cerveau (toi même tu sais que les transports, ça me fait vachement réfléchir).
Je ne sais plus comment j’en suis venue à penser cela, mais le terme fragmentée m’est venue à l’esprit. Oui fragmentée, pour parler de moi actuellement.
Vois-tu, j’ai longtemps pensé que pour être « quelqu’un » (entendez par là, un être humain qui aurait confiance en lui), il fallait être un tout. Par exemple, si je me sentais enjouée et que j’avais la sensation de me sentir bien, je pensais que j’avais enfin trouvé ma voie et qu’il me fallait rester dans ce positionnement positif. Pareil, lorsque je me mettais en mode énervé, j’ai souvent senti que ce genre de posture pouvait impressionner des gens (pas dans le bon sens du terme, mais plus dans le sens où ces personnes finissaient par craindre mes réactions). Et là, bim, je me disais que c’était ça « ma vérité » et qu’enfin j’avais trouvé la voie pour me sentir confiante en moi.
Alors tu penses bien, que mes états de plénitude étaient aussi changeants que mes émotions et lorsque je m’apercevais que je revenais à mes vieux démons, j’étais terriblement déçue et je me disais : merde encore loupé. Je me souviens aussi de lire des magazines, des livres ayant pour thème : l’estime de soi, la recherche de notre « vrai » moi etc.etc. J’avais des questions (pourquoi je n’arrive pas à rester comme ci, comment je fais pour être heureuse tout le temps, pourquoi les autres ont-ils l’air si bien et pas moi ? Qu’est ce qui cloche chez moi, bordel de cul ?). Je cherchais des réponses partout, dans les livres, dans mes interactions, dans les conversations, les conseils d’ami(e)s. J’étais terriblement disciplinée dans cette recherche d’un moi unique. Pour moi c’était tout ou rien, il fallait que je choisisse mon camp, ça devait être radical soit noir, soit blanc. C’est la direction dans laquelle, je suis allée pendant des années. De temps en temps, je repars dans cette voie de l’extrême, mais les résultats sont rarement à la hauteur de mes espérances.
Et là, ces derniers temps, je note que ma petite ligne de démarcation personnelle n’oscille plus systématiquement entre les extrêmes, elle bouge subrepticement et s’installe dans un entre-deux. Il lui arrive parfois de se remettre dans une position radicale, mais ce sera avec moins de force, moins de despotisme, elle ne cherche plus absolument à se figer chez l’un ou l’autre. Elle ira là où bon lui semble.
C’est là que je me sens fragmentée. Pas dans un sens où tout fout le camp, mais plutôt dans l’idée que je me sens comme un petit puzzle vivant qui bouge, s’agrandit, se débarrasse de pièces, en récupère d’autres, en garde certaines longtemps très longtemps, je ne me contrains plus à être « statufiée » dans un moi unique, je saisis maintenant l’intérêt d’être moi avec tous les autres bouts entremêlés et c’est un soulagement.
Ces pensées ne me viennent pas par hasard surtout que cette année, j’ai avancé conjointement sur mon histoire familiale, j’ai glissé à nouveau mes pas dans mes origines paternelles africaines tout en prenant une voie similaire vers mon identité maternelle antillaise. C’est aussi pour cela que j’ai compris que je n’avais pas besoin de laisser de côté mon parcours de sociologue pour pouvoir développer mon écriture, mais que les deux pouvaient cohabiter sans réels encombres. Et puis j’ai accepté le fait qu’à certains moments, je pouvais me sentir comme une perdante, dépitée ou passive et qu’à d’autres, j’étais combative, heureuse et confiante.
Accepter chaque petits fragments, positifs et négatifs, qui me composent.