Pour les fossoyeurs de l'âge du pétrole, la perspective d'une technologie permettant de recycler le plastique en pétrole est indéniablement une mauvaise nouvelle.
Par Stéphane Montabert, depuis Renens, Suisse.
C'est comme s'ils se hâtaient au chevet du malade non pour lui souhaiter un prompt rétablissement, mais plutôt pour assister au spectacle de son dernier souffle...
Pour les fossoyeurs de l'âge du pétrole, la perspective d'une technologie permettant de recycler le plastique en pétrole est indéniablement une mauvaise nouvelle. Or, cette technologie existe. Elle est novatrice, certes, mais pas si récente - elle existe depuis six ans.
Comment ? Vous n'en aviez jamais entendu parler ? Comme c'est bizarre...
Réussissant par on ne sait quel miracle à franchir l'épais brouillard médiatique, une dépêche de l'AFP intitulée l'alchimiste américain qui refait de l'or noir avec du plastique (un titre avec tout ce qu'il faut de fantaisie romantique dedans) révèle à l'occasion du salon lyonnais de l'environnement Pollutec ces nouveautés dont on ne parle habituellement jamais :
La technique d'Agilyx, [née aux États-Unis,] permet de traiter n'importe quel plastique, même le plus vieux ou le plus sale pour lequel un recycleur ferait la fine bouche.
D'abord broyé, le dit plastique est ensuite placé dans une grande cartouche, chauffé pour être transformé en gaz, puis refroidi avec de l'eau, le pétrole étant ensuite séparé en remontant à la surface.
Au final, plus de 75% du poids de départ est transformé en pétrole brut de synthèse, prêt à être raffiné comme n'importe quel or noir saoudien ou russe. Le reste se partage en gaz et dans un déchet final (moins de 10%).
Agilyx est une petite société de 60 employés promise à une croissance rapide. Plusieurs usines sont en chantier aux États-Unis. Elle n'est pas seule sur ce créneau en plein essor, s'y trouvent aussi le britannique Cymar ou l'américain Vadxx Energy. Il y a clairement un marché à prendre.
Les décharges de plastique deviennent des champs de pétrole en devenir. Jon Angin, le vice-président de la société, explique : "Ce qui nous intéresse, nous, ce ne sont pas les plastiques qui sont recyclés aujourd'hui, ce sont les plastiques dont personne d'autre ne veut et qui finissent généralement à la décharge." On parle donc bien de déchets non valorisés.
Le rendement est impressionnant : dix tonnes de plastique rendent environ cinquante barils de pétrole. La consommation d'énergie est de dix barils ; l'opération de recyclage permet donc un rendement net de quarante barils en équivalent pétrole. La production mondiale de déchets plastique étant estimée à 280 millions de tonnes en 2011, il y a donc un potentiel de 70 millions de barils de pétrole recyclés annuels selon la méthode développée par Agilyx, sans compter le volume de déchets existant...
Et le plastique issu de ce nouveau pétrole pourrait encore être recyclé !
Mieux, le pétrole recyclé de cette façon est d'excellente tenue, de nombreuses impuretés ayant été retirées lors de la première transformation en matière plastique. "C'est un brut de bonne qualité qu'on pourrait qualifier de léger, souvent recherché par les raffineries", explique François Badoual, directeur de Total Energy Ventures, un des actionnaires de la jeune société.
Nous ne sommes pas dans l'univers évanescent des dotcom et des cours boursiers bâtis sur du vent, mais dans le domaine industriel. C'est du concret. Au cours actuel du brut, l'entreprise est déjà rentable.
Entre le pétrole recyclé de plastique, le pétrole issu de biomasse, le pétrole issu de sables bitumeux et bien d'autres techniques qui restent à découvrir, la thèse de l'épuisement des ressources apparaît de plus en plus sous un jour fallacieux, car incapable d'intégrer l'inventivité de l'esprit humain.
Et c'est plutôt une bonne nouvelle - mis à part pour ceux qui espèrent en secret la pénurie de pétrole et chérissent l'idée du crépuscule de notre mode de vie. Ceux-là ne manqueront pas de trouver tous les défauts du monde même au recyclage du plastique !
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