Il est temps que les autorités politiques européennes demandent une consultation aux élites islandaises pour apprendre comment se sortir du trou dans lequel elles ont collé le vieux continent.
Par Charles Gave.
Publié en collaboration avec l'Institut des libertés.
Aujourd’hui, et grâce à cette machine à détruire l’Europe qu’est l’euro, nous avons cinq pays européens qui n’ont plus accès aux marchés financiers, des dettes étatiques qui continuent à exploser trois ans après le début de la crise, un taux de chômage dans l’Europe du sud qui frôle les 25%, un taux de chômage des jeunes de 25 ans qui dépasse les 50%, des PNB en chute libre, l’émergence d’un parti ouvertement raciste en Grèce, des tendances à la sécession de certaines provinces en Espagne (Catalogne, Pays Basque) ou en Italie…
Devant ce désastre inimaginable, qui ne cesse de s’aggraver et qu’ils ne peuvent plus nier, les réactions de nos hommes politiques européens ne bougent pas d’un iota.
- Démanteler l’euro et retourner aux monnaies nationales serait un désastre encore plus grand, vous disent ceux qui ont créé l’euro contre toute logique économique. Ils se sont trompés sur tout depuis vingt ans. Pourquoi donc les croire sur ce coup là ? De mon côté, j’en doute très fortement. Après tout, je n’ai pas d’exemple dans l’histoire d’un monstre technocratique mis à mort sans que cela ne se traduise par une envolée de la croissance économique et des marchés financiers, le capital pouvant circuler à nouveau en fonction de la rentabilité marginale de ce même capital, mais soit… À mon humble avis, il vaut mieux la fin de l’horreur qu’une horreur sans fin (proverbe allemand).
- La solution de laisser faire le marché pour retourner à l’équilibre ne marche pas comme chacun le sait. La seule chose qui fonctionne, c’est un marché « dirigé et encadré » par des gens compétents et altruistes, c’est-à-dire eux, et pour cela, il est bien normal qu’ils disposent de privilèges et de pouvoirs exorbitants et surtout qu’ils ne soient pas soumis aux foucades d’un électorat qui ne comprend rien à rien.
Et c’est là qu’il faut introduire l’Islande.
Pendant que la Grèce faisait faillite dans le sud, à peu près au même moment, l’Islande plongeait dans le nord. Et je ne sais pas si le lecteur a remarqué, mais personne, absolument personne, ne parle de l’Islande, et pour cause : elle va très bien ! Et elle va très bien parce que le pays a fait face à ses problèmes de façon démocratique et en ayant recours aux marchés plutôt qu’à des technocrates…
Qu’ont fait les Islandais pour s’en sortir ? C’est tout simple, ils ont fait ce qu’avaient fait avant eux la Suède en 1992, la Corée en 1998 et bien d’autres avant et après eux…
Revenons sur l’année 2008-2009 en Islande. Une croissance bancaire débridée a amené le pays à la faillite. Les banques islandaises ayant emprunté de façon déraisonnable aux banques de certains autres pays (Allemagne, Grande-Bretagne) pour financer une expansion totalement folle se retrouvent dans une situation désespérée lorsque les banques étrangères exigent le remboursement des prêts.
Les autorités élues prennent le conseil du FMI et commencent à mettre au point un programme d’ajustement qui forcerait les Islandais à reconnaitre ces dettes et donc les maintiendrait en esclavage pour 15 ans, selon la formule habituelle du FMI qui refuse toujours de reconnaitre la responsabilité du préteur dans une faillite financière. La seule solution pour le FMI en effet est toujours de faire baisser le niveau de vie des populations locales en augmentant les impôts et en privilégiant le créancier extérieur par rapport au créancier intérieur, ce qui rend le remboursement de la dette impossible.
Ce plan, bien entendu ne marche jamais, comme on le voit partout en Europe aujourd’hui, mais le fait qu’un plan ne marche pas n’a jamais empêché des fonctionnaires de le proposer à nouveau puisque le fait qu’il échoue leur garantit un emploi pour de nombreuses années ensuite. Après tout, vivre dans un hôtel de luxe à Athènes depuis trois ans est plutôt plus agréable que de se morfondre dans une banlieue de Washington.
Et là, quelque chose se passe en Islande après que le Président de la République ait accepté de passer sous les fourches caudines du FMI : la population se révolte, une immense manifestation a lieu qui exige un referendum. Le Président cède, le referendum a lieu et la population refuse massivement de devenir esclaves pour sauver des banquiers allemands ou anglais qui ont commis imprudence sur imprudence.
Du coup, les mesures suivantes sont prises :
- Le Parlement est dissous et de nouvelles élections ont lieu.
- Les banques sont nationalisées et les comptes des déposants locaux garantis à 100%, en monnaie locale.
- Les prêts internationaux et les déposants en dehors de l’Islande ne bénéficient d’aucune protection.
- Un contrôle sur les mouvements de capitaux est institué.
- Une reforme constitutionnelle est engagée pour que plus jamais dans le futur le système financier ne puisse prendre le contrôle du système politique. C’est là sans doute le point le plus important : les citoyens du pays ont parfaitement identifié que l’origine de la crise se trouvait dans la prise de contrôle du politique par la banque, comme au Japon en 1992 et ils ont aussi très bien compris que le système politique préférait les mettre en esclavage plutôt que de faire de la peine à leurs maitres. On aimerait que la même chose se passe en Europe, mais quand Papandreou a proposé un referendum pour la Grèce, il a été promptement débarqué pour être remplacé par un Kissling de service. Au moins en Europe, on sait pour qui le système politique roule…
Du fait de ce refus fort démocratique de payer pour les erreurs des autres, l’Islande fut mise à l’index de la communauté financière internationale, qui n’est ni une communauté ni financière ni internationale puisque l’on parle d’abord d’un cartel, de banque et non de finance, représentant des sociétés européennes et américaines et non une entité internationale. Les prêts en faveur de l’Islande s’arrêtèrent donc net.
Comme l’Islande était en déficit extérieur, la monnaie islandaise s’écroula, tandis que l’inflation passait à 18%, le chômage de 4% a 9%, le PNB baissant fortement, les taux longs passant à 14%… Et tout le monde de ricaner dans les instances internationales, en se félicitant « in petto » de la bonne leçon qui était en train d’être donnée à ces pêcheurs incultes, leçon qui allait être bien utile pour amener les autres pays réfractaires à de bons sentiments…
Où en sommes-nous trois ans après ? La balance commerciale est passée d’un déficit à un fort excédent (l’Islande n’a donc plus besoin de prêts de la communauté financière internationale, au contraire de la Grèce ou de l’Espagne), l’inflation est aux alentours de 4%, le chômage est retombé à moins de 5%, les taux d’intérêts longs sont à 7% et le PNB est sur une pente moyenne de croissance de 2,5% par an… Dans sa grande bonté, l’Islande a même décidé qu’elle allait repayer tout ou partie des dettes aux banques allemandes et anglaises et, d’après le FMI, le contrôle des changes devrait être supprimé d’ici 2015. Voilà qui a dû avoir du mal à passer pour ces ignoramus économiques. Bref, un succès total ! Comme à chaque fois quand l’on demande son avis au peuple plutôt qu’au FMI…
Et la leçon est simple. Quand un pays a un problème de surendettement, la seule solution est de recréer les conditions de la croissance, en laissant le taux de change trouver son niveau d’équilibre, en mettant en faillite les banques tout en les nationalisant et en garantissant les dépôts locaux, en laissant les marchés du crédit trouver leur équilibre sans intervenir et en ne se sentant aucune responsabilité envers des préteurs étrangers qui auraient soutenu la bulle du crédit au-delà de toute raison… Une fois le bilan nettoyé, les réformes de structure peuvent alors commencer et l’on peut s’attacher à renvoyer les banquiers des instances politiques et monétaires qu’ils ont accaparées pour qu’ils retournent dans leurs agences de quartier d’où ils n’auraient jamais dû sortir. Et tout cela doit se faire de façon démocratique, en demandant son avis au peuple par référendum ou au travers de nouvelles élections, à chaque étape.
Mais ce qui m’étonne le plus, c’est le silence radio total de la presse sur ce qui s’est passé en Islande et l’absence de comparaison entre l’Islande et la Grèce. Si les peuples savaient qu’il existe une solution à leurs malheurs, peut-être exigeraient-ils que des actions soient prises en ce sens ? Est-ce pour cela que l’on n’entend jamais parler de l’Islande ?
Et la Presse a-t-elle reçu des ordres ? Mais de qui ?
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Cliquer sur le lien pour le graphique : Iceland TW & Trade Balance.