Ce jeudi, Augustin de Romanet s’installe dans le fauteuil de PDG d’Aéroports de Paris. Il succčde ŕ Pierre Graff, atteint par la limite d’âge,qui a mené ŕ bien, sans heurts, la délicate transition qui a conduit ADP ŕ un statut d’entreprise semi privatisée, soucieuse de rendement et de satisfaction de ses actionnaires.
A n’en pas douter,nombreux sont les dirigeants de grandes entreprises qui aimeraient ętre ŕ la place d’Augustin de Romanet, désormais heureux titulaire de ce qui ressemble fort au job idéal. Roissy-CDG, flanqué du solide satellite qu’est Orly, figure en effet en bonne place parmi les plus grandes plates-formes aéronautiques du monde. Et, comme tous les grands aéroports, en simplifiant ŕ peine les choses, on peut dire que c’est une affaire en or qui roule toute seule. Cela ŕ l’image d’un grand paradoxe du transport aérien moderne. Lequel n’existerait évidemment pas sans pistes et aérogares.
Quels que soient les thčses fragiles consacrées ŕ la Ťconcurrenceť entre aéroports, limitée ŕ une petite partie du trafic long-courrier, il s’agit bien d’un monde de monopoles de fait. Il répond ŕ une demande solide, qui plus est peu sensible aux problčmes de conjoncture, tout au plus secoué de temps ŕ autre par des intempéries, des cendres volcaniques et autres caprices de la nature. Mais chacun sait que le trafic progresse imperturbablement de 5% par an avec, tout au plus, quelques brefs passages ŕ vide (c’est actuellement le cas : ŕ peine +1,3% pour les 9 premiers mois de 2012, indiquent les statistiques d’ADP). En 2011, ADP a enregistré 88 millions de passagers et traité 2,5 millions de tonnes de fret.
Dans ces conditions, il suffit de disposer de pistes en nombre suffisant,de leur adjoindre les installations adéquates, pour obtenir une Ťcash machineť qui encaisse des redevances de tous ordres. Par exemple 11,5 euros par passager au départ, un euro par tonne de fret ou de courrier. Peu importe que certaines compagnies Ťclientesť se portent mal, les tarifs sont les męmes pour toutes et immuables, avec une fâcheuse tendance ŕ augmenter un peu plus vite que l’inflation, les ajustements successifs étant de l’ordre de 3%.
Dans ces conditions, ADP évolue dans un environnement idéal : 348 millions d’euros de bénéfice net l’année derničre, pour 2,5 milliards de chiffre d’affaires, peut-ętre autant en 2012.Cela avec la tranquille assurance de disposer ŕ CDG de deux doublets de pistes, de quoi offrir des créneaux de décollage et atterrissage en suffisance pour de nombreuses années. Et, les finances étant saines et prospčres, les nouvelles aérogares sortent de terre avec une régularité de métronome. Męme Orly, pourtant plafonné artificiellement ŕ 250.000 mouvements par an, va bientôt bénéficier d’une cure de jouvence, 700 millions d’euros investis d’ici ŕ 2018. Les perspectives de progression du trafic sont bonnes, les redevances augmentent et les activités annexes prospčrent : pourcentage perçu sur les recettes des commerces de luxe, opérations immobiličres, diversification dans ingénierie ou encore, il y a peu, entrée dans le capital des aéroports turcs.
Augustin de Romanet aura tôt fait de constater que son Ťjob idéalť est autrement plus agréable que la direction générale de la Caisse des Dépôts et Consignations et moins agité que la vie quotidienne dans les Cabinets ministériels. Et peut-ętre, en secret, aura-t-il ce matin une pensée émue pour son collčgue de Vinci chargé de diriger Notre-Dame-des-Landes. Tous les aéroports n’évoluent pas ŕ la surface d’un long fleuve tranquille, tous ne sont pas indispensables ŕ la bonne tenue du transport aérien. ADP vogue bien au-dessus de ces contingences.
Pierre Sparaco - AeroMorning