Trop, c'est trop ! Dans la tragicomédie sans précédent qui nous est donnée à voir depuis près de deux semaines, il est bon de se remémorer plusieurs notions d’histoire politique qui semblent passer très au-dessus du bouillonnement de testostérone devant lequel bien de nos concitoyens restent pantois. Je ne m'étais pas specialement réjouie des avatars du PS lors de la désignation de son Premier Secrétaire. En tant que citoyenne de base, je suis aujourd'hui une nouvelle fois attérée.
J’essaie à cette occasion de me remémorer mes vieilles notions de sciences politiques, qui datent d’avant 1968, mais qui restent d’une brûlante actualité. Je rappelle ainsi deux éléments : la position du fondateur de la Vème République, Charles de Gaulle, vis-à-vis des partis politiques d’une part, et les tendances lourdes de la Droite en France, selon mon vénéré professeur d’histoire politique René Rémond d'autre part.
Le texte de la Constitution de 1958 est le premier texte constitutionnel à reconnaître explicitement le rôle des partis. Mais, pour De Gaulle, ce rôle est clairement défini (et limité) : le parti politique doit pouvoir jouer pleinement un rôle électoral (faire connaître les idées, les défendre par le biais des élections, disposer de représentants élus qui porteront - au sein de groupes parlementaires - les idées de la formation partisane...). En revanche, il ne doit jouer aucun rôle au niveau gouvernemental. Cela signifie que le gouvernement - qui dirige la politique du pays - ne doit pas dépendre d'une ou plusieurs formations partisanes, qui seraient à l'origine de la nomination de son chef, discuteraient sa composition, négocieraient leur soutien... En somme, ce que de Gaulle refuse, c'est ce qu'il appelle, sous l'appellation "régime des partis", la mainmise des organisations partisanes sur le gouvernement.
Les partis politiques sont des formations destinées à conquérir le pouvoir (même si certains l’ont un peu oublié aujourd’hui …) dont le Général de Gaulle ne remet pas en cause l'existence. Ils participent naturellement au jeu politique dans les démocraties : "En démocratie, rien n'est plus naturel que l'existence des partis. Ils expriment nos oppositions réciproques", dit-il lors d'une conférence de presse (conférence du 24 avril 1947 qui suit le lancement du RPF).
Voilà pour le rôle indispensable des partis.
D’autre part, et selon l’ouvrage de référence de René Rémond (1918 - 2007) « Les Droites en France » (édité pour la première fois en 1954 et régulièrement remis à jour jusqu’en 2005), il existe en France trois Droites, issues des conflits idéologiques de la Révolution :
- La Droite légitimiste (ou contre-révolutionnaire), héritière de l’ultracisme, réactionnaire et contestant les principes de 1789 ;
- La Droite orléaniste (libérale et aujourd’hui européenne), qui reconnaît les principes de la Révolution et assume le régime parlementaire ;
- La Droite bonapartiste, césarienne et souvent souverainiste, qui met en avant la personne de l’homme providentiel, recherche en permanence le soutien des masses populaires en recourant volontiers au plébiscite, se méfie des partis politiques ;
Chacun aura aisément reconnu les formations politiques qui ressortent aujourd'hui de ces grandes tendances (FN, RUMP et UDI, UMP).
La lutte qu’il nous est donnée de voir aujourd’hui au sein de l’UMP n’est donc pas uniquement une affaire de personnalités mais bien une lutte de "courants", de sensibilités, un cllivage profond essentiellement entre la partie orléaniste "modérée" et la partie bonapartiste (tentée aujourd’hui vers une approche plus "musclée" jugée seule capable de combattre la Gauche), en l’absence d’un homme providentiel susceptible à lui seul de garder ensemble ces deux grandes tendances.
Les résultats du dernier scrutin interne donnent une répartition à 50-50. Et c’est là que le bât blesse, au-delà de la querelle des chefs. Qui apparaît donc légitime aujourd’hui pour mener le combat démocratique et jouer correctement le rôle d’une opposition crédible et constructive ? Là est la limite daucune aucuneaucune aucune tendance ne prend significativement le pas sur l’autre – ou de si peu !
Tout ça apporte de l'eau au moulin de ceux qui considèrent que la politique n'est pas une affaire sérieuse, alors qu'elle nous concerne tous. C'est pas bon, pas bon du tout !!!