Art Toys, attention au virus !

Des jouets pour adultes ? Non, il ne s’agit pas de sex-toys mais bien d’une armée de figurines colorées et flashy que les geeks ont commencé à collectionner maladivement ! Un très grave virus les poussant à remplir leurs étagères des ces étranges petits êtres au sourire machiavélique ou angélique, mais toujours venus d’outer space ! Le phénomène ressemble à un raz-de-marée. Certes, ce n’est pas récent mais la déferlante ne fait que s’intensifier. Le toy n’est pas qu’un gadget pour hipster et il n’est pas non plus qu’un support marketing… On touche à l’art, au graphisme, à l’univers des jeux vidéo. Qu’il soit en édition ultra-limitée, limitée, en plastique, en résine, en bois, ou autre, un Art Toy dans son emballage rend le collectionneur fébrile, impatient, au bord de l’évanouissement ! Les Arts Toys ne laissent pas indifférents. Mais que nous veulent-ils ? D’où viennent-ils ?

Comment est né ce phénomène ?

A la base, derrière le mot « toys » il y a bien sûr les « meccha » des années’80. Du genre Goldorak ou Sankukai. Mais il s’agissait-là de vrais jouets pour enfants ! Plastique, vinyl, peluche, toutes les matières, tous les coloris, à l’image des dessins animés d’il y a 30 ans… On pense aussi aux playmobil et à nos maisons en Lego…

Mais comment en est-on passé aux art toys, au vinyl toys, voire aux designers toys ? Pourquoi des artistes ont-ils initié ce mouvement de détournement des codes traditionnels du jouet pour en faire des objets de désir pour « adulescents » compulsifs ? Le jouet, la figurine enfantine, a rencontré sur sa route le design, les graffs, les comics, le street art… Et surtout la production, pour faire arty, a suivi un mode au ralenti. Artisanal. Le jouet pour adulte est sorti en édition limitée pour rendre la collection des toys plus fiévreuse, plus addictive.

Hong Kong, cité des Art Toys.

C’est à Hong Kong que sont réellement nés les art toys. L’année-même où Sa Majesté, reine d’Angleterre, rend l’île aux Chinois du Sud : 1997. De jeunes artistes, et surtout un certain Michael Lau, déconstruisent l’image de la figurine-jouet et créent des toys artistiques de manière vraiment bricolée… L’inspiration viendra du côté du hip hop avec le groupe LMF, hip hop lui-même fort attaché aux sombres comics mettant en scène des gangsters des années’40. Lau lâche alors ses petites armées d’art toys décalés qu’on s’arrache en boutique : les Gardeners, puis ses Lazymuthafucka & Lam Dog, ou bien encore ses Crazy Children. Toy2R, créé par Raymond Choy, suivra le mouvement qui n’ira qu’en s’intensifiant ! A Hong Kong on ouvre des galeries dédiées aux art toys; on organise des expos ; on remet des Toy Awards !

Bien sûr, au pays de Godzilla, on est passionné par ce mouvement. Les japonais cultivent déjà l’art du cute, mais c’est réservé aux jeunes filles. Les garçons jouent eux avec les meccha. Certes, les ados aiment déjà les gashapon, figurines et autres garage-kits… Mais c’est encore par la musique et les comics que les art toys feront leur invasion. La très kitsch pop japonaise et la culture manga mettent à la mode les petites figurines au début de l’année 2000. MediCom, énorme éditeur de figurines-jouets, se lance dans l’aventure et rassemble ses troupes ! Les Kubrick et les Be@rbrick, sortent avec des corps très Lego.

Après l’Asie, l’occident est envahi !

Bizarrement, c’est la France qui lance la vague en occident. Peut-être parce que nos voisins sont dingues du cute japonais ? Tout décolle en 2003 avec des artistes comme Rolito (qui avait bossé pour la Sony PSP), Mist, Superdeux, Skwak, Bunka, le collectif Semper Fi (dont fait aussi partie l’artiste Run). Une petite compagnie se spécialise dans le genre : Artoyz. Qu’ils soient en vinyle, ABS et autre résines, les Français produisent des art toys qui font le tour du monde. Un an plus tard, ce sont les States qui emboîtent le pas. Parmi les milliers de designers, citons Kidrobot qui lance les Dunny créés par Paul Budnitz & Tristan Eaton ; Frank Kozik, graphiste d’affiches très design de concerts, envoie ses Mongers et Labbits ; le graffeur new-yorkais Futura 2000 et l’ancien collaborateur de Takashi Murakami jusqu’en 2001, Dalek (www.dalekart.com)

Un virus uniquement pour les geeks ?

Si on se base sur la boîte française Artoyz (www.artoyz.com), il semble que le phénomène dépasse le cercle étroit des geeks. Dans le journal Le Monde, on peut lire : « Artoyz a remporté son pari de fédérer une communauté d’artistes et de passionnés autour des designer toys. Les réseaux sociaux nous ont bien aidés, en accélérant le buzz autour de nous. Avec 3 à 4 000 visiteurs uniques par jour, le trafic du site est assez conséquent pour un marché de niche : les gens sont curieux de voir ce que nous proposons, et de nombreux créatifs, dont certains issus d’agences prestigieuses, viennent y chercher l’inspiration ». De plus, l’univers des art toys ne s’arrête pas aux figurines proprement dites. Peluches, dérives geekesques comme des clés USB, des tonnes de livres, magazines et sites continuent à propager le virus qui devient de plus en plus virulent !