La musique en dit bien plus sur les états d’âme que les mots. En ce sens, elle constitue peut-être l’aboutissement suprême de l’art.
Ce qui barre si souvent aux femmes la route de la créativité, c’est sans doute leur dépendance affective, leur souci de ménager l’autre, pour ne pas se l’aliéner, leur culture de la douceur, de la complaisance, de l’effacement des conflits, déterminée sans doute à la fois par des facteurs innés et par des pressions d’ordre culturel.
Car pour donner la pleine mesure de sa créativité, il faut une indépendance d’esprit chevillée au caractère.
Beaucoup de femmes intelligentes et créatives de nature sont portées par la pression sociale parfois extrêmement lourde qui s’exerce sur elles à brider leur tendance naturelle à l’indépendance d’esprit et au « penser par soi-même ».
Elles en répriment non seulement l’expression mais aussi le fond même, motivées qu’elles sont par la peur de mettre en péril le lien avec les autres et leur image de « femme parfaite » (douce, effacée et maternante), reflet d’une idéalisation entretenue par l’ensemble du corps social.
Ce qu’il faut savoir – et garder à l’esprit – c’est que la créativité est RUPTURE, et rien, précisément, ne fait plus peur aux femmes que cette notion.
Chaque être humain est un monde à lui tout seul.
Il n’y a pas d’inné. Ni d’acquis. Il n’y a que leur enchevêtrement.
Toute démarche visant l’éradication de cette plaie qu’est la misogynie ne doit-elle pas s’interroger, au préalable, sur le fait que, chez l’homme, la construction même de la virilité repose sur l’opposition à la femme, en vertu du bon vieux principe « on se pose en s’opposant » ? Que la virilité s’élabore dans des groupes d’enfants puis d’adolescents fortement soudés et caractérisés par un fort grégarisme (un grégarisme de « meute »), qui pratiquent une mise à l’écart condescendante de l’autre sexe et qui souvent, aux fins de se rassurer, exaltent la masculinité dans ce qu’elle a de plus outrancier, parfois même de plus brutal (violences, défis, rodomontades, vulgarité, provocation, comportements cyniques de « petits durs », mépris affiché des « filles » et des univers de la féminité et de l’enfance…).
C’est ainsi. L’être humain actuel voit tout en termes de compétition. Or, les hommes détestent entrer en compétition avec des femmes, sans doute parce que la compétition implique des rapports oppositionnels et conflictuels propres à compromettre les éventuels jeux de séduction, les approches sexuelles et les relations amoureuses.
Ne pas prendre au sérieux les femmes, voire les traiter comme des « objets » est pour eux une façon de se protéger, de minimiser la peur viscérale qui les saisit face aux (énormes) enjeux qu’implique toute rencontre avec l’autre sexe. Cela leur permet d’alléger la tension, l’appréhension qui les étreint : peur de l’autre, peur de « ne pas y arriver », doute profond quant à leur pouvoir de séduction et leurs capacités « viriles », crainte de se voir dominés, affaiblis par l’ampleur de l’attirance sexuelle que toute femme en âge de procréer leur inspire…
C’est dire si l’idée contemporaine d’égalité des sexes, de « parité » et son obligatoire corollaire, la mixité partout, ravive ces peurs.
Surtout au terme de millénaires d’exclusion des femmes de la vie publique (au nom de la construction et du maintien de la virilité).
Le refus du changement trahit la peur de l’instabilité et de l’inconnu, de même que l’attachement aux habitudes. Car ces dernières ont l’insigne avantage d’encadrer, de baliser la vie.
Le conservatisme est donc la caractéristique des esprits craintifs, de ceux qui craignent par-dessus tout de se faire déborder, déstabiliser par l’imprévu, par la nouveauté, auxquels ils préfèrent l’inertie de ce qu’ils considèrent comme « normal ».
Sans compter, bien sûr, tout ceux qui s’accrochent à un - ou à des - privilège(s)…
Non, les îles ne sont pas de « petits paradis » ! Les paradis sur terre, cela n’existe pas.
S’il leur arrive d’être un «éden », les tropiques ne le sont que pour des touristes abrutis d’hédonisme, d’égoïsme, de naïveté, de « vie moderne stessante » et de clichés débiles, en provenance des pays riches. Ou alors pour les oligarchies locales elles aussi extraordinairement aisées et pleines de morgue et de cynisme à l’endroit du reste de leur peuple.
L’intellectuel est bien souvent quelqu’un d’assis entre deux chaises.
Issu des classes bourgeoises bien éduquées, bien policées, il vit, en général, soigneusement coupé des masses et des pauvres, la vie sécurisée, voire encoconnée d’un bourgeois, et tire (explicitement ou non) une fierté de son savoir. En la culture, il voit (avec raison) une forme de « libération », mais dans le même temps, angélique (naïf ?), il ignore tout ce qui la relie au pouvoir et donc aux classes dominantes et dirigeantes.
Simultanément, sa réflexion, voire sa lucidité le prédisposent et l’amènent à un recul certain par rapport au milieu (bourgeois, privilégié) dans lequel il évolue. Donc, il dénonce et il critique, au nom de ses valeurs, le fonctionnement du « système », tout en rêvant d’un « monde meilleur », assez souvent de nature utopique.
C’est cette « double contrainte » qui fait de lui, si fréquemment, un « révolutionnaire de salon » un peu ridicule, lui qui, en outre, plus qu’un être d’action, est un être de parole, un brasseur d’idées.
La « grande littérature », celle qui trône dans les manuels scolaires, est aussi intimidante que les objets mis en vitrine au Musée du Louvre ou les monuments tels que le Sphinx d’Egypte ou la Muraille de Chine.
Quelque part, son aspect roide, compassé, solennel, figé dans le définitif fait d’elle quelque chose de mort, en tout cas, de parfaitement inaccessible.
On l’a mise en vitrine dans de beaux manuels de littérature, de « classiques », hors la vie. Sur une sorte de piédestal. Et là, elle vous toise, du haut des fameux « quarante siècles » qui « nous contemplent ». Comment voulez-vous qu’un aspirant écrivain ou un quelconque jeune auteur ne se sente pas, en quelque sorte, écrasé par sa masse ?
P. Laranco