89 - einstein ou comment se debarasser de l’ether

Publié le 28 novembre 2012 par Jeanjacques

Nous n’avons cessé d’affirmer que le problème essentiel, fondamental, presque unique, qui détermine toute la physique contemporaine est le statut du vide et la question de son contenu. Nous avons également accusé Einstein de l’avoir conduite dans une impasse en déniant à ce vide tout effet mécanique. Cette fonction mécanique est absolument indispensable pour justifier la transmission d’un mouvement à distance et pour expliquer l’origine, le fonctionnement et la nature de la substance qui compose les ondes électromagnétiques. Elle  est tout aussi nécessaire pour comprendre l’origine de la matière,  le principe d’inertie lui-même et enfin la cause de la vitesse constante et limite de la lumière.

Nous voudrions montrer ci-dessous la logique de ces manœuvres subtiles qui n’ont eu qu’un seul objectif : débarrasser la physique de cette question encombrante de la fonction mécanique de l’éther pour y substituer une physique des champs et son espace-temps.

1) On imagine des ondes à la surface de l'eau. Ce phénomène peut donner lieu à deux descriptions différentes.

1) On peut suivre comment l’ondulation du liquide en surface change avec le temps

2) A l'aide de petits corps flottants on peut suivre comment la position de chaque particule d'eau change avec le temps.

Dans cette seconde hypothèse, nous n'avons  aucun motif d'admettre que l'eau est composée de particules mobiles puisque nous nous intéressons aux seuls corps flottants.  Mais nous pourrions quand même la considérer comme milieu.

On peut  considérer que toute la physique relativiste a pour base ce glissement qui permet d’éliminer la composition du milieu au profit de ses manifestations sur des corps, seuls objets susceptibles d’être observés et mesurés. En effet, le contenu de l’espace ne peut jamais être saisi en lui-même hors son action sur des masses.

La métaphore est alors filée :

Quelque chose de semblable se présente dans le champ électromagnétique. Car on peut se représenter le champ comme étant constitué de lignes de force. Si l'on veut considérer ces lignes de force comme quelque chose de matériel dans le sens habituel, on est tenté de considérer les phénomènes dynamiques comme phénomènes de mouvement de ces lignes de force, de sorte que le mouvement de chaque ligne de force pourra être suivi par ses effets sur les corps.
En généralisant, nous pouvons dire : on peut imaginer des objets physiques étendus où la notion de mouvement ne trouve aucune application. Ils ne doivent pas être conçus comme étant constitués de particules en mouvement

Les objets physiques étendus en question, c’est l’espace dont on admet bien l’existence mais auquel on n’attribue plus la possibilité d’un mouvement. On a glissé ainsi très subtilement des propriétés mécaniques de l’eau qui  animait les corps flottants à une absence de mouvement pour « des agents étendus » qui ne peuvent plus être considérés comme des particules mobiles.

Par ce glissement qui relèverait  de la malhonnêteté intellectuelle, le champ est devenu totalement libre pour y installer une physique des champs indépendants de toute influence mécanique d’un milieu.

Dans le langage de Minkowski, ceci s'exprime de la façon suivante : Le principe de la relativité restreinte nous interdit de considérer l'éther comme constitué de particules qu'on peut suivre dans le temps ; mais l'hypothèse de l'éther comme telle ne contredit pas la théorie de la relativité restreinte. Il faut seulement se garder d'attribuer à l'éther un état de mouvement.
Selon la relativité restreinte, l'hypothèse de l'éther apparaît comme une hypothèse vide. Les équations des champs électromagnétiques, ne représentent que les densités des charges et celles des champs. Les champs électromagnétiques sont des réalités ultimes et irréductibles. Il est  superflu de postuler un éther homogène et isotrope dont ces champs seraient  les états.

Les fonctions mécaniques de l’éther éliminées il n’en demeurent pas moins quelques problèmes :
Mais nier l'éther, signifie qu'il faut supposer que l'espace vide ne possède aucune propriété physique. Or, les faits mécaniques ne se trouvent pas d'accord avec cette conception. Mach, pour échapper à la nécessité de supposer une espace  qui est inaccessible à l'observation, introduisit  à la place de l'accélération par rapport à l'espace absolu de Newton, l'accélération  par rapport à la totalité des masses de l'univers. Mais l'inertie relative des masses suppose une action à distance sans milieu intermédiaire. Et comme les physiciens modernes ne peuvent accepter une action pareille, il aboutit conception  à l'éther, qui est destiné à transmettre les effets de l'inertie. Mais cette notion de l'éther de Mach ne détermine pas seulement l'état des masses inertes mais est lui-même déterminé par elles.

Comme on le constate chassez l’éther, et il revient au galop car si seul le mouvement des masses sont retenus, il n’en demeure pas moins qu’elles sont liées par leur attraction relative et qu’elles doivent donc bien transmettre à distance leur état de mouvement.


La pensée de Mach reçoit son plein épanouissement dans l'éther de la théorie de la relativité générale. D'après cette théorie, les propriétés métriques du continuum spatio-temporel sont différentes dans l'entourage de chaque point spatio-temporel et conditionnées par la matière. D’où un espace vide qui n'est physiquement ni homogène ni isotrope  MAIS qui nous oblige à représenter son état par dix fonctions, les potentiels de gravitation g µv -Par-là, la notion de l'éther a de nouveau acquis un contenu précis, qui diffère notablement de celui de l'éther de la théorie ondulatoire mécanique de la lumière. L'éther de la théorie de la relativité générale est un milieu privé de toutes les propriétés mécaniques et cinématiques, mais qui détermine les phénomènes mécaniques (et électromagnétiques).

Ainsi, l’éther n’a pas de propriétés mécaniques mais détermine les phénomènes mécaniques. Comment ce paradoxe est-il possible ? Par l’usage  du plus splendide raisonnement circulaire ayant cours en physique : les masses créent et  déterminent les propriétés des champs et les lignes de force de ces champs agissent sur les masses.

L’espace devient alors pour Einstein le simple « lieu » inoffensif qui  a pour seule fonction d’abriter les champs. Et Einstein pouvait terminer son exposé au collège de France : 
En résumant, nous pouvons dire : d'après la théorie de la relativité générale, l'espace est doué de propriétés physiques ; dans ce sens, par conséquent un éther existe. Selon la théorie de la relativité générale, un espace sans éther est inconcevable, car non seulement la propagation de la lumière y serait impossible, mais il n'y aurait même aucune possibilité d'existence pour les règles et les horloges et par conséquent aussi pour les distances spatio-temporelles dans le sens de la physique. Cet éther ne doit cependant pas être conçu comme étant doué de la propriété qui caractérise les milieux pondérables, c'est à dire comme constitué de parties pouvant être suivies dans le temps : la notion de mouvement ne doit pas lui être appliquée."

Ainsi,  pouvons-nous constater que la boucle est bouclée, que la métaphore des petits corps flottants dans l’eau a été filée jusqu’au bout et qu’Einstein est parvenu à dénier à  l’espace sa fonction mécanique tout en gardant « pour le fun » ce vieil et indéracinable éther.