Droit de vote des étrangers, mariage et adoption par les couples homosexuels, débat sur le cannabis : les 6 premiers mois de François Hollande ont été marqué par une forte médiatisation des questions sociétales.
Après avoir botté en touche sur le droit de vote des étrangers, François Hollande donne le tournis sur la question du mariage homosexuel. Evocation d’une liberté de conscience accordée aux maires le mardi, marche arrière le mercredi : cette valse brouillonne traduit la fébrilité du camp socialiste. Les questions sociétales, marqueur fort du candidat socialiste pendant la campagne, vont-elle signer la perte du Président et disloquer son clan ? Les sondages disponibles montrent en effet une crispation sur ces deux sujets :
Sur le droit de vote, on constate un reflux de la part des français : en décembre 2011, 55% de nos compatriotes se prononçaient en faveur du droit de vote des étrangers pour les élections locales. Le chiffre tombe à 39% à la rentrée 2012 selon l’IFOP. Le clivage est marqué selon les CSP. Ainsi, 44% des CSP+ sont pour. Le chiffre est de 36% pour les CSP-, et 22% au sein des ouvriers.
Sur la question des droits des homosexuels, les chiffres traduisent une forte volatilité : selon BVA, jusqu’en en 2011, la courbe d’adhésion ne cesse de progresser, de 48% à 2000, elle atteint 63% en 2011. L’année 2012 marque un coup d’arrêt : la courbe s’inverse pour la première fois cette année avec « un recul de 5 points des Français y étant favorables et une progression de 8 points de ceux y étant opposés. ». Concernant l’adoption, la baisse des soutiens est également constatée, invalidant en partie l’idée d’un prisme générationnel. Les français sont aujourd’hui clivés sur le sujet (50% y sont favorables contre 47% opposés). Les chiffres d’IFOP soulignent également sur ce dernier sujet – et non sur la question du mariage- une inflexion. Entre juin 2011 et novembre 2012, la part de français favorable à l’adoption est passée de 58% à 52%, avec un plancher de 48% en octobre. Comment expliquer cette fébrilité sur ces deux questions sociétales, hier érigées en symbole du quinquennat, aujourd’hui épine dans le pied d’un Président en mal de soutiens ?
LE GRAND MALENTENDU
La question des filtres partisans explique en partie cette tendance : l’aversion croissante des électeurs UMP envers Hollande a renforcé l’opposition du camp de droite. Mais au delà, il semble que certains électeurs, indifférents envers des lois jusqu’ à présent virtuelles, aient basculé dans l’opposition. Un retour dans les études réalisées pendant la campagne électorale de 2012 est à cet égard éloquent : en avril, plus d’ un tiers des français jugeaient que « le candidat Hollande n’était pas lui-même convaincu que le droit de vote aux élections locales pouvait être mis en place ». Les chiffres sont similaires concernant le mariage pour tous selon Ipsos, (Présidoscopie, Vague7). L’accélération du calendrier sur les deux lois a crispé certains électeurs persuadés qu’Hollande ne tiendrait pas sa promesse. Une posture d’autant plus marquée alors que les sujets sociétaux cristallisent le sentiment de dépossession.
LA PEUR D’UNE VOIR LA FRANCE SE FAIRE SANS EUX
En effet, la crispation sur les sujets de société est un effet collatéral du sentiment de dépossession largement évoqué par Délits d’Opinion. La peur d’être mis sur le bas côté de la sphère économique cohabite avec un attachement croissant aux valeurs. Une inquiétude face au déracinement culturel qui conduit les français et plus particulièrement les csp – à tenter de reprendre la main : 67% des catégories les moins favorisées souhaitent un référendum sur le droit de vote des étrangers (+5point par rapport à la moyenne), 59% le revendiquent également concernant le mariage pour tous, contre 51% pour la moyenne des français. Une demande qui traduit aussi la fin du postulat selon lequel le réformisme sociétal serait forcément source de progrès.
LE FIN DU MYTHE PROGRESSISTE
Car, ici réside probablement le plus grand malentendu du Président Hollande. Avec ces engagements, il voulait inscrire ses pas dans la grande tradition de gauche et tenir sa réforme qui puisse rivaliser avec l’abolition de la peine de mort ou le PACS. Bref, nourrir la grande victoire idéologique de la seconde moitié du XXème siècle qui a érigé la supériorité du « réformisme de gauche » contre le « conservatisme de droite ».
Or, les partis politiques, semblent aujourd’hui incapables d’incarner le progrès sociétal. Si ces valeurs sont incontestablement plus associées à la gauche, (étude wellcom, 2012) qu’à la droite, la capacité réelle des partis à apporter ce progrès est mise en cause. Selon Ipsos, (aout 2012, sur un échantillon de 800 femmes), les politiques sont les derniers acteurs crédibles sur cet item. Le pacte d’un progressisme qui serait rendu possible par les autorités publiques est rompu, ou bien limité à des catégories spécifiques.
DES PROMESSES CIBLEES SANS PORTÉE UNIVERSELLE
Car, qu’il s’agisse de la question homosexuelle ou bien encore le droit de vote des étrangers, François Hollande a répondu à une demande corporatiste. Ainsi, une étude IFOP pour le CEVIPOF réalisée en 2011 explique : » moins abstentionnistes, moins hésitants et plus constants dans leurs choix que le reste des Français, les électeurs affirmant une part d’homosexualité expriment clairement un penchant pour la gauche et leur distance à l’égard de la droite parlementaire, « . La loi sur le mariage pour tous est une réponse de François Hollande à ces soutiens. Mais, ces réformes peinent à mobiliser en dehors de ces sphères d’intérêts.
Auprès de l’ensemble des français, si la part de très favorables au mariage pour tous est d’environ 30% selon les instituts, ce chiffre prend en compte le degré d’adhésion aux mesures, pas le degré d’engagement envers une loi qui n’affecte directement qu’une minorité de citoyens. La tendance est sensiblement la même pour le droit de vote des étrangers. L’individualisation en cours ne permet plus une mobilisation de la société toute entière envers des réformes dont le bénéfice perçu n’est pas universel.
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Hollande voulait rassurer son camp. Il voulait démontrer que la politique de gauche et celle de droite n’étaient pas identiques, malgré la TVA sociale, malgré la rigueur, malgré le traité européen. Pour pallier cette gémellité, les questions de société ont été appelées à la rescousse.
Bien loin de la concorde espérée, les derniers chiffres font craindre une nouvelle brèche. Selon le sondage publié par l’IFOP en novembre 2012, 36% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon, 31% des électeurs de Hollande, 54% des électeurs de Bayrou sont contre l’adoption d’enfants par des couples homosexuels.
Avec un socle de 40% de soutiens, et alors que sympathisants de gauche grondent face aux sacrifices économiques, François Hollande peut-il risquer une nouvelle fissure ?
Cet article a été publié sur le site de l’express : http://www.lexpress.fr/actualite/politique/les-questions-de-societe-sont-une-epine-dans-le-pied-de-francois-hollande_1191057.html