Nous nous retrouvons une nouvelle fois à la Gaîté Lyrique. Cet automne, H5 et le graphisme frenchy (que vous avez déjà eu l’occasion de découvrir sur ce blog) sont à l’honneur à Paris, tant dans cet espace consacré à la culture numérique qu’aux, plus classiques, Arts Décoratifs. A la façon d’une exposition Ricard, on décortique avec H5 la communication d’une marque et la façon dont celle-ci parvient à s’imposer dans la société, la culture et l’imaginaire populaire… à cette petite différence près que même si la marque nous semble familière… elle nous est totalement inconnue
Le collectif pousse encore plus loin en nous invitant pas seulement à étudier les supports de cette communication (affiches, goodies…) mais à pénétrer directement au sein de l’élaboration de la stratégie de la marque. Au travers de différentes installations et événements, H5 nous interroge toujours dans une ambiance ludique sympathique sur la place des marques dans notre société.
Revenons donc avec eux sur Hello TM, l’entreprise de chemin de fer devenue marque nébuleuse et puissante.
Une success-story à l’américaine : la mythologie Hello
L’ascension d’une entreprise
Un développement fulgurant
A Chicago, en 1812, Harvey Halloway, fonde Halloway Inc, transformé en Hello à sa mort en 1824, afin de « développer un moyen de transport idéal ». L’entreprise connaît un développement rapide gra^ce notamment à la réalisation en 1827 la première ligne de chemin de fer sur le territoire américain, la ligne Ohio-Baltimore. En 1830, Hello ouvre une usine de près de 1000 m² pour répondre à une demande toujours croissante.
Ce ô combien noble projet pousse Hello à se diversifier dans des activités connexes : constructions de routes et de voies de communication, de ponts et de tunnel, réseau de télécommunication, infrastructures énergétiques… Hello devient un conglomérat en développant des activités qui n’ont plus rien à voir avec le transport, comme la recherche médicale, les médias (édition, TV, journaux)…
Le moteur de cette croissance est l’innovation et le progrès technologique et scientifique
De la construction du canal de Panama à la première traversée de l’Atlantique en solitaire et sans escale, au premiers pas de l’homme sur la Lune, ou encore à la découverte du vaccin contre la Polio, on retrouve ainsi Hello, assez logiquement, derrière toutes les dates clés qui ont marqué la science et le progrès technologique rapide de ces deux derniers siècles « Hello est intervenu dans toutes les grandes avancées de l’humanité : recherche médicale, transport énergie ». Hello a ainsi financé dès 1851 la première exposition universelle à Londres, qui présente au grand public les dernières innovations de l’industrie. A l’exposition universelle de 1893 à Chicago, au travers de son pavillon du Nouveau-Monde, l’entreprise s’offre une vitrine de choix.
Une entreprise globalisée, présente partout dans le monde
Chicago, alors capitale de l’industrie américaine, ne suffit bientôt plus à Hello qui s’implante dans toutes les grandes villes américaines, avant de s’exporter. L’entreprise ouvre dès 1845 des bureaux en Europe, à Paris, Londres et Rotterdam, premiers jalons des ambitions internationales de la marque. En 1890, poursuivant sa progression rapide, Hello Inc a su s’implanter sur « plus de cinq continents » (sic!). En deux siècles, la petite fabrique des débuts du 2 Highland Corner est devenue une multinationale, cotée en bourse, comme en atteste les cours (toujours en hausse) qui s’affiche sur le site ou la page facebook de l’entreprise. Dans la salle de réunion reconstituée à la Gaîté, on peut ainsi appréhender la structure complexe de l’entreprise avec de nombreux vices présidents aux titres ronflants (pour ne pas dire ineptes), chacun avec des fonctions et territoires spécifiques : « Vice President Japan, China and Emergents and emerging markets marketing », « Vice President, general counsel and Corporate Affairs ».
Les Halloway: des modèles pour les Américains
Une entreprise familiale
L’histoire de l’entreprise est également celle de la famille Halloway « chaque enfant apporte sa pierre à l’édifice Hello ».
La famille s’identifie ainsi clairement à l’entreprise et à son iconographie. Dans son autobiographie sortie en 1984, Jane Halloway déclare sobrement « dans ma famille, on m’a toujours dit : vole de tes propres aile. C’est ce que j’ai fait » . Il est vrai que les parcours personnels et les individualités ont amené des évolutions positives pour l’entreprise à l’instar de l’action de Jane Halloway, l’ex hippy ayant développé dès 1985 le pôle énergie renouvelable d’Hello. Avec son Mall of Fame, l’entreprise rend hommage à la famille Hello, au sens large du terme, soit à tous les hommes ayant contribué au succès de l’entreprise.
Un reflet de la société américaine
Le population américaine peut facilement s’identifier à cette famille. Le fondateur est issu de l’immigration irlandaise, c’est un « self build man » qui s’est construit à force de persévérance. Comme de nombreuses familles américaines, la famille Halloway a souffert des guerres et y a même perdu un fils, William Halloway, mort lors de la première guerre mondiale. Au moment des conflits sur les droits civils puis sur la guerre du Vietnam, les Halloway reflètent une nouvelle fois la société américaine et ses oppositions : un conflit oppose le patriarche Michael Halloway à sa fille Jane, qui s’acoquine avec les Black Panthers et participe à la marche sur le Pentagone et aux mouvements anti guerre.
Une saga familiale
L’entreprise n’hésite pas à mettre en avant cette histoire familiale parfois tourmentée, si bien que les Halloway s’apparentent au Kennedy au panthéon des personnalités américaines. A la mort de Michaël Halloway en 1984, des funérailles nationales sont organisées. La famille Halloway semble quasiment faire office de famille royale, modèle de l’American way of life.
Ces personnages stéréotypés font partie d’une espèce de mythologie familiale, permettant de donner un visage humain à l’entreprise tentaculaire et assurant une certaine proximité.
Un acteur de la société
Hello n’est pas un simple acteur économique, mais influence directement la société.
Hello a fait les Etats Unis : un parangon du modèle américain
Les deux siècles d’histoire d’Hello recoupent celle des Etats-Unis : l’entreprise semble même si ce n’est construit les Etats-Unis contribué à son développement et à son modèle.
« Le mythe de la Frontière »
La création de voie de communication a en effet été un des enjeux majeurs auxquels ont été confronté les premiers américains. Hello en participant à la conquête de l’Ouest avec la construction de voies de chemin de fer y a participé.Mais allons plus loin : le canal de Panama, l’aéronautique ou encore la conquête de l’espace jouent également sur ce même ressort de la psychologie américaine.
« La destinée manifeste »
L’idéal universaliste d’Hello va de pair avec le messianisme américain. Les Etats-Unis ayant des institutions et des valeurs supérieurs se doivent de les répandre dans le monde. La mondialisation de l’entreprise Hello va dans ce sens, de même, sa participation et son soutien aux deux conflits mondiaux.
Hello et la politique
Ce lien profond entre Hello et le développement des Etats-Unis justifie d’une certaine façon la participation de l’entreprise à la vie politique, d’autant plus qu’Hello porte un certain nombre de valeurs humanistes. A l’origine, l’ « ingénieur » Harvey Halloway est mu par un principe humaniste idéaliste. Voulant créer un « monde nouveau » et bercé par les idées des Lumières, il pense que l’innovation technologique permettra à l’homme de se libérer de tout asservissement et engendrera le progrès social.
Outre son soutien aux grandes innovations technologiques et à la recherche médicale, Hello s’engage ainsi dans certains combats sociaux et civiques : la lutte contre l’esclavage, la défense de l’environnement, les droits civils des femmes avec une marche organisée à San Francisco, les droits civils des afro-américains sous l’action de Jane Halloway… Dans ces conditions, il semble ainsi assez naturel qu’Hello ait entretenu des relations étroites avec l’univers politique. Hello prend position dans les différents conflits : en faveur de l’abolition de l’esclavage pendant la guerre de Sécession, en stoppant sa participation à la guerre du Vietnam en 1968 lorsque la population commence à manifester sa lassitude, lors des deux conflits mondiaux… La famille Halloway cultive sa proximité avec les politiques (Richard Halloway a présenté à son ami président, Ulysse S. Grant, le sculpteur Bartholdi et son projet de statue de la Liberté) et soutient même certain candidats à la présidence tel Kennedy ou récemment Obama. A l’occasion des élections américaines, Hello a ainsi organisé à la Gaîté une grande soirée.
Cette proximité est manifeste lorsqu’on regarde le logo d’Hello, un aigle comme l’emblème de la présidence américaine ou certains de ses glogans à l’instar du détournement de la devise nationale « in god we trust » en « in brand we trust ». Hello n’hésite en effet pas à s’associer, voir à se substituer aux pouvoir publics. Hello a ainsi financé la première exposition universelle à Londres puis a largement contribué au choix de Chicago pour celle de 1893, à l’occasion de laquelle Hello construit le « Pavillon du Nouveau Monde », soit le pavillon des Etats-Unis… Au moment des Jeux Olympiques de Los Angeles, Hello finance les travaux d’infrastructures, créant et éclairant le village olympique; on notera ainsi que la mascotte de ces Jeux est un aigle. Hello a même eu le projet de se constituer sa propre ville idéale, dont les plans d’urbanisme reposeraient l’anatomie de l’aigle.
Mécénat, fondations et arts : le patrimoine Hello
Les affiches Hello renvoient aux grands mouvements graphiques
Au sein d’Hello TM Museum, le groupe marque la volonté de conserver le patrimoine de l’entreprise et de se constituer une histoire. Hello TM Print conserve les affiches, support de la communication Hello, issues de la collaboration de l’entreprise avec les plus grands graphistes et artistes du siècle. Hello montre ici qu’elle a su ancré sa communication visuelle dans les mouvements esthétiques et culturels de chaque époque. Ainsi à l’occasion de cette exposition, Hello a organisé un concours de graphistes, autour du logo de la marque et son évolution.
Le Pavillon du Nouveau-Monde
La section Hello TM Chicago rassemble les croquis et dessins préparatoires réalisés par son architecte officiel Steven Lee Valley pour la construction du Pavillon du Nouveau Monde ainsi que ceux de la statue Hello TM Liberty qui avait été commandé à cette occasion à un élève de Bartholdi.
Le prochain projet de la marque est pharaonique, Hello TM Foundation est un musée qui accueillera les oeuvres d’art mais aussi documents recueillies en deux siècle d’histoire par la famille Halloway. Le bâtiment à Chicago rendra hommage aux mouvements architecturaux du XXème siècle, en reprenant des éléments des différents grands musées d’art contemporain de tous pays.
Le projet de musée Hello Foundation
- Dessin préparatoire du livret de Salomé
Hello a en effet été un précurseur en matière de mécénat d’entreprise, finançant artistes mais aussi évènements culturels, représentations théâtrales (Salomé d’Oscar Wilde à la Gaîté Lyrique en 1898), tournois sportifs…
Les amitiés et parcours de certains des membres de la famille Halloway ont largement contribué au rapprochement de l’entreprise avec le monde de l’art. William Halloway se lie au début du XXème siècle avec de nombreux artistes installés à Paris, comme Picasso. Francis Halloway, alors installé en Allemagne, se lie d’amitié avec Walter Gropius et réussit à obtenir pour ce dernier, un soutien financier d’Hello pour le mouvement Bauhaus, ainsi qu’une commande architecturale, les bureaux de Hello à Weimar. En somme, Hello a non seulement contribué mais surtout initié la fondation d’un des courants artistiques majeurs du XXème siècle. Encore aujourd’hui, la marque poursuit ce mécénat et conserve des liens très forts avec les artistes et mouvements culturels de son époque : Hello a ainsi commandé auprès du musicien Alex Gopher la bande sonore de l’exposition et un single. Autour de l’exposition, Hello organise ainsi un festival de musique, des concerts mais aussi un tournoi de plumefoot.
Hello n’est pas seulement un acteur de l’économie mondiale mais assure une présence effective et active dans la société. Participant aux dynamiques sociales, culturelles et politique, Hello métamorphose la société… mais ne serait-ce pas à son image ?
Communication visuelle, branding, image de marque: Hello ou la construction d’une marque
Hello en deux siècles a su se positionner dans l’esprit de la population à différents niveaux: politique, social, culturel, médiatique, technologique…
L’image de l’entreprise au travers de sa communication visuelle : un adorable logo
Ce positionnement dans la société et les esprits passe en premier lieu par le logo, sujet déjà abordé par H5 dans leur court-métrage oscarisé Logorama. Pour logo, Hello a choisi l’aigle associé à l’origine à la rapidité de transport. L’image de l’animal a été abondamment surexploité en communication et ce, quelques soit le pays : sur google images, vous retrouverez une multitudes de logos reprenant l’aigle tant pour promouvoir des produits très divers (marque de vêtement, studio de création graphique compagnie aérienne, société d’informatique, équipes sportives, marque de moto, armée…). L’animal est associé dans le Brand book à la puissance « un logo qui traduit la force, le rayonnement et l’universalisme de la marque ».
- Un aigle inquiétant accueille le visiteur
L’animal n’est néanmoins pas toujours associé à des valeurs très positives ; B. Franklin le qualifiait par exemple d’oiseau de mauvaise moralité alors que l’iconographie nazie en a fait un symbole de domination. Le choix d’un logo tout en arrondi très simple, les couleurs bleus et jaunes qui rappellent le soleil et le ciel, la typographie toute en arrondie, le mot « Hello » simple à prononcer (et gentil au demeurant) ancrent l’identité visuelle de la marque dans un esthétique enfantine qui tempère (voire annihile) tout amalgame avec les connotations négatives associées au rapace.
- Retrouverez-vous les aigles camouflés dans ces affiches?
Cet aigle, emblème de la marque, qui a même sa propre fondation Hello (pour la sauvegarde de l’espèce), est une constante de la communication Hello, alors que le logo, ou le nom de l’entreprise, ont changé, s’adaptant aux goûts de l’époque.
On retrouve l’animal sous différentes formes (de la statutaire à l’illustration ou la vidéo) dans les affiches et dans les œuvres des artistes auprès desquels Hello est mécène. Financés par les fondations, ils reprennent les valeurs et les codes de la marque, mettant au « goût du jour » l’iconographie de la marque. En somme, ils agissent un petit peu comme dans les cahiers de coloriage (Hello Books) vendus par Hello ou le mur Hello TM Wall, où le visiteur est invité à exercer sa créativité dans un cadre prédéterminé par la marque, avec des motifs et couleurs forcément « corporates« … Aussi d’une action de mécénat à but « philanthropique », on en vient à une puissante entreprise de communication autour de l’identité de la marque, instillée progressivement et massivement dans l’esthétique populaire.
L’invasion Hello, un univers unique et total
Cette communication par les arts s’intègre directement dans la stratégie de communication globale du groupe, multisupports, invasive et totale, n’épargnant aucun espace. Muni de slogans rassembleurs et de son logo, enseigne à la façon d’une armée romaine en marche, Hello élabore une stratégie d’invasion massive dont l’exposition ne semble être qu’un élément mineur.
Hello envahit complètement la Gaîté Lyrique et déborde du cadre de l’exposition : des drapeaux ornent la façade historique de l’ancien théâtre, une statue monumentale trône dans le hall, certains murs sont recouverts d’affiches et de slogans, une nouvelle boutique Hello est installée au deuxième étage alors que la boutique classique de la Gaîté commercialise uniquement des objets Hello.
A la Gaîté, Hello crée un univers unique et totale, complètement mis en scène par la communication du groupe, à l’instar de la salle de réunion reconstituée, toute blanche (jusqu’aux bouteilles d’eau), complètement uniforme, impersonnel au possible (à l’exception des cartes de visite) presque surnaturelle.
Au travers des différentes installations, Hello propose ici une expérience multiple et immersive : du jeu vidéo qui permet d’incarner le logo aux sonorités entêtantes d’Alex Gopher, en passant par le gribouillage sur le Wall Hello ou le parfum, de l’illustration ou l’oeuvre plastique à la vidéo 3D, on est bien loin de l’exposition classique. Au delà du cadre traditionnel, Hello multiplie les événements autour de l’exposition avec des interventions graphiques sauvages dans Paris ou encore un festival de musique, un tournoi de plumefoot…
Hello prolonge cette invasion de l’espace physique… sur le web. La marque a ainsi son site web et ses ages sur les réseaux sociaux, distillant des slogans et informations sur la marque ; cette communication interactive permet d’assure une proximité des clients avec la marque. Cet « espace numérique privilégié, où les clients et utilisateurs des produits de l’univers Hello™ peuvent s’exprimer et dialoguer » n’en est pas moins sous étroit contrôle comme le précise la Charte d’engagement de la page :
« Tous les commentaires et contenus postés par les « fans » sur cette page doivent nécessairement être en accord avec la vision et les opinions du groupe Hello™, celle de ses employés et des sociétés du groupe. Hello™ se réserve le droit de reformuler de manière positive tout commentaire qui irait à l’encontre de l’image de la marque »
Pour accéder au site internet Hello, il est en outre nécessaire de se connecter avec son compte facebook puisque l’affichage du site web est nominatif et géolocalise le visiteur. L’invasion n’est donc pas seulement visuelle mais psychologique puisque la marque parvient à s’introduire dans le cercle privé et dans la vie quotidienne du consommateur, mais aussi à lui imposer un discours en adéquation avec celui de la marque. Le dictionnaire Hello en ligne est un bon exemple de ce contrôle étroit de la marque. Intitulé « du bon usage des bons mots » (tout un programme!), celui-ci donne ici une définition toute personnelle de mots (souvent issus de la communication) ainsi qu’un certain nombre de bonnes utilisations des mots dans des phrases ; une « cible » devient ainsi « l’unique dans la multitude, le cœur à toucher, le vous-êtes-ici sur notre grand plan ». La communication par l’objet, le single, les comptes sur les réseaux sociaux, tout ceci contribue à ancrer la marque dans le quotidien, pleinement intégrée à nos modes de vie et présente à tout instant de la journée; on comprend dès lors mieux une des orientations du Brand Book « un interlocuteur unique pour toute la gestion de votre quotidien ». Hello propose ainsi même un dictionnaire qui met
Cette diversification des supports et moyens de communication -cross media pour les intimes- permettent d’obtenir différents points d’ancrage afin de toucher tous les milieux et tous les âges. L’exposition est un bon exemple : des arts graphiques aux arts plastiques, de la musique au jeux vidéos, des affiches à la boutique ou au web, du jouet au flacon de parfum, du mécénat d’art à l’organisation d’événements sportifs, tout ce que touche Hello devient un support de communication.
Le contenu de cette communication
Cette communication ne repose absolument pas sur la mise en avant du produit ou du service. Hello Inc. (pour Incorporated, dénomination juridique anglaise d’une entreprise) est devenu Hello TM, TradeMark (marque déposée). La communication se fait désormais sur cette image de marque, c’est ce qu’on appelle le branding.
Le site internet de la marque en est un bon exemple. Il n’est ici pas question de produit ou de service, si l’on excepte la boutique en ligne de goodies; on y retrouve le cours en bourse de l’action Hello, la météo (il fait beau partout dans le monde grâce à Hello !), une succession de slogan, un sondage… On en vient même à se demander si le seul produit que nous vendrait Hello, ce ne serait pas justement les goodies, dont une partie vise directement les enfants, à la façon d’un Hello Kitty. Ludovic Houplain d’H5 assume la comparaison non sans ironie :
« Hello Kitty n’est qu’un logo, une icône licenciée, elle n’est pas issue d’un dessin animé,d’une bande-dessinée, c’est une héroïne acidulée sans histoire, sans philosophie. »
Or c’est exactement sur son histoire (familiale, entreprenariale), ses inventions (qui ont marqué l’Histoire), et les valeurs de l’entreprise qui fondent e la communication Hello.
Le brand book révèle la stratégie de communication d’Hello : sous la forme d’un Power Point le document dévoile la stratégie de communication de la marque en analysant les codes identitaires de la marque, leur signification, en mettant en avant les différents slogans et ce qu’ils sous-tendent des valeurs de la marque. La marque ne souhaite pas promouvoir directement ses produits, mais entreprend d’associer durablement dans l’esprit des gens l’image de la marque à des valeurs susceptibles de rassembler l’ensemble de la société.
Le choix de cette esthétique enfantine s’explique aisément à la lecture du Brand Book en permettant de lier la marque aux valeurs rassurantes associés au monde de l’enfance comme la pureté, l’innocence, la simplicité, le bonheur ou encore l’utopie, autant de mots que l’on voit défiler sur les pages du Brand book. A l’instar des jouets Hello, le logo peut également viser directement les enfants, consommateurs de demain, à convaincre dès leur plus jeune âge.
Le choix d’un nom anglophone s’intègre également dans cette stratégie de communication globale en permettant d’assurer l’universalisme de la marque en ayant un nom simple, prononçable et compréhensible par tous
Même dans son action de mécène, Hello semble respecter à la lettre les orientations du Brand Book. L’ordre nouveau, voulu par Hello, s’incarne à la perfection dans le Bauhaus. Dans le manifeste du mouvement, « Voulons, concevons et créons ensemble la nouvelle construction de l’avenir, qui embrassera tout en une seule forme : architecture, art plastique et peinture » ; on est pas loin des slogans volontaristes et globalisants d’Hello.
Au travers de l’exposition, Hello apparaît comme une construction inquiétante : la très jolie vidéo 3D qui met en scène l’ADN de la marque et le regard de l’aigle qui enveloppe (surveille?) le visiteur résonnent comme un avertissement.
Rassurons nous, Hello est une construction sortie tout droit de l’imagination des membres du collectif H5… De l’imagination ? pas seulement. H5 se place ici comme un observateur privilégié de notre époque, d’une société où les rapports humains sont définis par la consommation et où toute forme de dialogue devient communication. Dis moi ce que tu achètes, je te dirai qui tu es!
Au delà du simple exercice de style avec le graphisme (forcément impeccable) de la communication visuelle Hello et des références nombreuses à l’Histoire et à l’histoire de l’art, H5 construit au travers de l’exposition une culture de marque avec ses propres valeurs, son histoire et ses personnages emblématiques.
Après Logorama qui décrivait un monde saturé de logo, H5, interrogeant petits et grands (on doit saluer la double lecture de l’exposition et les nombreux ateliers destinés aux petits), invite le visiteur à prendre une distance « nécessaire » avec les messages publicitaires dont tout individu (à moins de vivre dans une grotte) est en permanence entouré sans forcément clairement les identifier. H5 encourage à prendre conscience de la place trop importante des marques, seules vecteurs d’utopie, ce terrain déserté depuis longtemps par les politiques, et met en question le rôle d’individu dans la société de consommation.
Poursuivons l’exposition au travers d’une réflexion sur les concepts sociologiques et techniques de communication utilisés par les marques dans leur stratégie de branding.