Discours de M. Jean-Luc Romero
Président d’Elus Locaux Contre le Sida
« Les politiques veulent-ils vraiment en finir avec le sida ? »
26 novembre 2012 – Palais du Luxembourg
XVIIe Etats généraux d’Elus Locaux Contre le Sida
Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Les politiques veulent-ils vraiment en finir avec le sida ?
C’est le thème des 17e Etats généraux cette année, thème que certains, peut-être, pourraient avoir perçus comme quelque peu racoleur, un peu comme une mauvaise « Une » de magazine.
Rassurez-vous, à ELCS, nous ne tombons pas dans le sensationnalisme. Par contre, oui et nous le proclamons, les études le prouvent, la fin du sida, c’est enfin possible !
C’est possible grâce notamment à l'avènement du traitement comme outil de prévention, révolution toute aussi importante que l’arrivée des ARV. Mais cela peut aussi être enfin envisageable grâce à une politique de lutte contre le VIH/sida humaine, digne, solidaire, innovante et pragmatique. Une politique que j'appelle de mes vœux, une politique que nous appelons, j’en suis sûr, toutes et tous de nos vœux.
Ce thème des Etats généraux, il est à rapprocher de la campagne d'ELCS intitulée : « L'inaction tue » dont vous avez l’affiche ici même comme dans la lettre d'information d'ELCS que vous avez dû recevoir. Vous l'avez tous bien compris, cette campagne se sert des codes visuels d'un paquet de cigarettes, le « bla bla bla» étant la cigarette qui provoque plaisir mais aussi accoutumance ! Cette campagne volontairement assez grinçante n'en reste pas moins constructive : elle renvoie à un site que je vous encourage à aller consulter où nous vous listons certaines actions simples que l'élu local peut décliner dans sa collectivité, aussi bien en termes de prévention que de soutien aux personnes touchées.
Discours de M. Jean-Luc Romero
Président d’Elus Locaux Contre le Sida
« Les politiques veulent-ils vraiment en finir avec le sida ? »
26 novembre 2012 – Palais du Luxembourg
XIIe Etats généraux d’Elus Locaux Contre le Sida
Seule la version prononcée fait foi
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Les politiques veulent-ils vraiment en finir avec le sida ?
C’est le thème des 17eEtats généraux cette année, thème que certains, peut-être, pourraient avoir perçus comme quelque peu racoleur, un peu comme une mauvaise « Une » de magazine.
Rassurez-vous, à ELCS, nous ne tombons pas dans le sensationnalisme. Par contre, oui et nous le proclamons, les études le prouvent, la fin du sida, c’est enfin possible !
C’est possible grâce notamment à l'avènement du traitement comme outil de prévention, révolution toute aussi importante que l’arrivée des ARV. Mais cela peut aussi être enfin envisageable grâce à une politique de lutte contre le VIH/sida humaine, digne, solidaire, innovante et pragmatique. Une politique que j'appelle de mes vœux, une politique que nous appelons, j’en suis sûr, toutes et tous de nos vœux.
Ce thème des Etats généraux, il est à rapprocher de la campagne d'ELCS intitulée : « L'inaction tue » dont vous avez l’affiche ici même comme dans la lettre d'information d'ELCS que vous avez dû recevoir. Vous l'avez tous bien compris, cette campagne se sert des codes visuels d'un paquet de cigarettes, le « bla bla bla» étant la cigarette qui provoque plaisir mais aussi accoutumance ! Cette campagne volontairement assez grinçante n'en reste pas moins constructive : elle renvoie à un site que je vous encourage à aller consulter où nous vous listons certaines actions simples que l'élu local peut décliner dans sa collectivité, aussi bien en termes de prévention que de soutien aux personnes touchées.
Mais revenons au cœur de la question : les politiques veulent ils vraiment en finir avec le sida ?
Comme tous les acteurs impliqués, je veux une politique financière ambitieuse et à long terme
Quand on parle fin du sida, on parle forcément d'accès universel à la prévention, au dépistage et aux traitements et donc on parle du nerf de toute guerre : l’argent !
Je ne vais pas revenir sur ce qui a déjà été dit sur les innovations en termes de financement, sur la taxe sur les transactions financières. Les intervenants ont présenté avec brio cette taxe, son intérêt et ses limites. Je voudrais simplement évoquer avec vous le moment où cela a été annoncé, je ne veux pas parler technique mais ressenti.
J'étais à Washington fin juillet pour la conférence internationale sur le VIH/sida, conférence rassemblant plus de 20 000 acteurs de la lutte venant de partout dans le monde et bien sûr de France. Je reconnais ici beaucoup de militants qui y étaient aussi ! Cette conférence dure une semaine et pendant ces 7 jours, on est happé par un flux continu de rencontres, un bouillonnement permanent d'idées, de peines, de colères, d'espoir. Moi qui ait eu la chance de participer à beaucoup de ces conférences, je peux vous dire que c'est toujours aussi fort à vivre !
C’est dans le cadre d’un message vidéo que François Hollande a annoncé l’instauration de la taxe sur les transactions financières ; c’était le moment des bonnes nouvelles, Hilary Clinton annonçant de son côté le déblocage de 150 millions d’euros supplémentaires de la part des USA. C’est symbolique de la part du président Hollande de mettre en place cette taxe dans un temps où la finance exerce un pouvoir hégémonique sur les décisions politiques. En entendant ce discours, j’ai immédiatement pensé aux années Chirac au cours desquelles, soyons honnêtes, l’ancien président a ainsi toujours porté le VIH/sida avec détermination au niveau international, n’hésitant pas à taper du poing sur la table pour imposer ce thème à l’ordre du jour des conférences. Force est de constater que les dernières années ont été marquées par un recul de la France sur son influence et son engagement dans ce combat pour la vie. Pourtant, nous le savons, bien, il faut des figures internationales de premier plan pour porter cette cause : Chirac et Lula l’ont soutenu, porté, défendu. Alors, pour porter la cause du VIH/sida au niveau international, faudrait-il être un président corrézien? Il est trop tôt pour le dire mais j’ai bon espoir !
Je veux une vision humaine et pragmatique de la lutte contre le VIH/sida.
Pour combattre efficacement le VIH/sida, il faut une vision humaine et pragmatique de la santé, une vision où un idéologisme réactionnaire, partisan et réducteur n’a pas sa place, une vision où c’est la personne qui passe avant les grandes déclarations politiciennes, une vision où les lois et règlements ne viendraient pas en contradiction avec le respect du droit à la santé.
Je pense notamment à l'accès aux soins des personnes migrantes avec les remises en cause régulière de l'AME, je pense à l'accès à la prévention des personnes prostituées pour lesquelles la pénalisation n’est pas la solution, je pense aux homosexuels qui doivent avoir les mêmes droits que les hétérosexuels, je pense à l'accès aux soins des personnes en ALD. Pour cette dernière catégorie, bien sûr que le 100% a un coût pour l'assurance maladie mais peut-on penser, de façon sensée et raisonnable, qu'une personne a choisi d'être malade ? Dans la bouche de feu Desproges on aurait souri à cette saillie grinçante mais dans la bouche de politique, je vous le demande ?
Prenons un autre exemple : celui de la politique de réduction des risques. Je ne vais pas rappeler ici ses résultats, la preuve de son efficacité est sans nul doute qu'elle a été développée tant par la droite que la gauche, chose assez rare qui prouve bien son intérêt et que l’on peut dépasser les clivages dans l’intérêt général ! Faisons un focus sur ce fameux débat sur les salles de consommation à moindre risque. Qu'est-ce que c'est au fond cette structure ? Une structure où les usagers de drogues consomment une substance illicite dans un cadre médicalisé où ils ont accès à l’information et où les contaminations au VIH et au VHC sont évitées. Est une incitation à l’usage de stupéfiants ? Non assurément pas.
Ces mêmes personnes qui affirment que les salles de consommation sont des centres de deal. Pour ces personnes, ce serait moins embêtant que les usagers prennent une seringue dans un distributeur et s'injectent en plein rue. Raisonnement quelque peu étonnant !
Quand un ancien premier ministre affirme que « la mise en place de ces centres de consommation de drogues n’est ni utile ni souhaitable en France » fait-il preuve de pragmatisme objectif ou plutôt ne refuse-t-il pas de voir la réalité en face ?
Heureusement, grâce à un lobbying fort des associations, plaidoyer auquel ELCS a aussi pris sa place via notamment l'appel à l'expérimentation de salles de consommation, Marisol Touraine a affirmé que les expérimentations allaient débuter. Vous en conviendrez, il est quand même assez incroyable que les réponses locales adaptées à un contexte et une situation de fait aient été empêchées jusqu’à ce jour par l'Etat !
Je voudrais vous poser une question, une question que je me pose sincèrement, sans aucune provocation gratuite, cette question c’est celle-ci : qui est le plus coupable des deux : celui qui s’injecte une drogue ou bien celui qui refuse l’approfondissement de la politique de santé que constitue la réduction des risques causant ainsi contamination et overdose ? Je vous laisse y réfléchir ...
Globalement, après les années « Apaire » marquées par un retour en arrière sans précédents sur la RDR et le tout répressif érigé en règle d’or, politique qui a d’ailleurs lamentablement échouée, je suis persuadé que la nouvelle présidente de la MILDT, qui nous a fait le plaisir d’intervenir lors de ces Etats généraux, saura rétablir l’équilibre nécessaire entre lutte contre le trafic, la prévention, l’aide aux personnes… Peut-être même que ce sera la présidente qui pourra enfin évaluer la loi de 70 et envisager de réelles évolutions à cette loi que l’on sait dépassée? Je le dis sincèrement : j’ai confiance dans sa nouvelle approche !
Je veux une politique de lutte contre le sida innovante
Innovante cela ne veut pas dire faire n’importe quoi, cela signifie ne pas être frileux par rapport à des innovations qui pourraient être très impactantes. Nous le savons bien maintenant, ce n’est plus discutable ni d’ailleurs discuté. Le traitement a bien évidement un impact positif sur le plan individuel mais aussi un impact sur le plan collectif dans le cadre du contrôle de l’épidémie. C’est pour cela que la politique de prévention combinée doit être soutenue très fortement et portée par les pouvoirs publics.
Cette politique de prévention combinée s’accompagne forcément d’une politique de dépistage ambitieuse, plus systématisée et plus adaptée aux populations dites vulnérables. C’est pour cela que j’appelle les pouvoirs publics à soutenirdes structures comme le 190 ou le Checkpoint.
Ambitieux et innovant quant à la prévention combinée, les pouvoirs publics doivent aussi l’être quand on parle des prisons, monde clos par définition mais monde où, en théorie, les prisonniers entrent avec des droits, notamment leur droit à la santé. Ce droit à la santé, ce n’est évidemment pas qu’une obligation morale, c’est une obligation fixée par loi. Sachons ne pas l’oublier.
C’est dans ce cadre que, depuis de nombreuses années est demandée la mise en place d’un vraie politique de RDR en prison. Aujourd’hui qu’est ce que l‘on constate : que la prévalence du VIH en prison est très inquiétante puisqu’elle est estimée à 2 %. Pour l’hépatite C, c’est pire puisque la prévalence est de 4, 8 %. Que l’offre de RDR est bien trop faible par rapport au milieu libre : un accès très inégal aux traitements de substitution, un accès à l’eau de javel non systématique, des programmes d’échange de seringues inexistant. Que l’on n’avance pas sur ces questions, ou en tout cas, pas assez vite.
Je veux une politique de lutte contre le sida où le mot dignité est au cœur des problématiques.
Ce mot dignité, j’aime à le rajouter à notre devise républicaine : liberté, égalité, fraternité. Ce mot dignité, on le sort dans nombre d’interventions publiques, tel un rempart ou un guide à toute action, mais sans vraiment définir ce terme. Tâche ardue mais nécessaire que d’essayer de le faire. Le mot dignité renvoie pour moi à un espace sociétal où la personne touchée par le VIH/sida pourrait dire sa séropositivité sans s’exposer à la stigmatisation et aux discriminations et sans être broyée dans un processus inexorable de précarisation et de rejet.
Le 28 novembre, Sida info service dévoilera les chiffres de sa nouvelle enquête sur les discriminations. Nul doute que ces chiffres vont nous renvoyer une vision de la réalité où les personnes touchées sont discriminées dans leur vie privée, sociale et professionnelle. Cette enquête servira sûrement de plaidoyer, devra nous interroger, nous en tant qu’acteurs de la lutte contre le VIH/sida et surtout les pouvoirs publics.
Comment par exemple parler de dignité quand les proches d’une personne séropositive décédée ne peuvent lui rendre un dernier hommage ? Car oui, ne l’oublions pas ; aujourd’hui, en France, en 2012, on interdit les soinsde conservation pour les personnes décédées séropositives ! 30 ans après le début de l’épidémie, on en est encore là ! En tant que personne séropositive, on serait passé de malade du cancer gay à porteur de la peste, quel progrès !
Avant de conclure, pour une fois, parlons foot ! Vous n’êtes pas sans savoir que le Qatar organisera la Coupe du Monde de football en 2022. Un grand événement auquel j’aurais bien voulu participer mais c’est impossible. En effet, le Qatar punit l’homosexualité de 5 ans de prison et de 90 coups de fouet. Le Qatar exige également un test de séropositivité pour toute personne souhaitant résider plus d’un mois sur son territoire… Je vous avoue que j’aurais bien aimé trouver un soutien auprès de Sepp Blatter, président de la FIFA mais celui-ci a déclaré en parlant des homosexuels. « Je pense qu’ils devraient s’abstenir de toute activité sexuelle ». De même, le silence des autorités françaises depuis deux ans ne nous aide pas beaucoup à régler ce problème … Je le dis d’un ton léger mais vous l’aurez compris : à un moment il faudra que les autorités du football et les ministres concernés se saisissent de cette affaire: on ne peut pas parler tolérance, solidarité, dépassement de soi, donc les valeurs du sport tout en acceptant silencieusement ces discriminations liées à l’orientation sexuelle ou à l’état e santé ! Quelques fois l’argent ne peut pas tout acheter …
Je vais conclure mon intervention. On le sait tous, quand on connaît mal quelque chose, on en a peur.
Aujourd’hui, le malade fait plus peur que la maladie : est-ce normal ? Non.
Est-ce un état de fait que l’on doit accepter ? Non, non et non !
C’est bel et bien par l’information et l’éducation que l’on pourra restaurer la notion de dignité !
Alors que je vais célébrer, ce 1er décembre, un étonnant anniversaire, les 25 ans de mon 1er traitement contre le sida - l'AZT - j’appelle de mes vœux une politique qui promeut le respect et la dignité des personnes, une politique innovante, une politique pragmatique qui envisage les enjeux à moyen terme, une politique solidaire où c’est l’humain qui prime. L’humain seul !
Je vous remercie.