Operación E : les Farc, le paysan et le bébé

Par Cineblogywood @Cineblogywood


En salles : Colombie, décembre 2007. Le monde entier attend la libération de deux otages des FARC, Clara Rojas et son fils Emmanuel, né en captivité. Or quelques années plus tôt, le bébé a été confié de force par la guérilla à un pauvre paysan, José Crisanto. Le film raconte l’incroyable et bouleversante histoire de cet homme et de sa famille, dont la vie va se transformer en tragique périple.
Qu’est-t-il arrivé au fils de Clara Rojas durant sa captivité ? Operación E tente de répondre à cette question. Le film est basé sur des faits réels : l’histoire connue dans le monde entier de Clara Rojas, otage des FARC de 2002 à janvier 2008. Ce qui l’est moins, ce sont les trois années durant lesquelles personne ne savait ce que son fils Emmanuel était devenu. Avec Operación E - du nom de l’opération organisée à l’époque - le réalisateur franco-espagnol, Miguel Courtois Paternina, veut montrer que l’Histoire est "souvent écrite par des anonymes, des victimes, des gens à qui l’on ne donne jamais la parole". Et il met en lumière avec talent et humanité ces éléments manquants.


En essayant de coïncider le plus avec la réalité, le film se place du point de vue de José Crisanto, interprété par l’acteur espagnol Luis Tosar. Crisanto est un paysan pauvre, cultivateur de coca qui vit dans la jungle colombienne avec sa femme Liliana (jouée par Martina Garcia), leurs enfants et leur grand-père. La famille vit dans la misère mais tente de subsister. Tout bascule, le jour ou José Crisanto se voit confier un bébé malade par les FARC (sans vraiment avoir le choix). Ils prennent l’excuse que le beau-père indien de Crisanto est guérisseur. Le père de famille ignore que ce bébé n’est autre que celui de Clara Rojas.
Sans le savoir, Crisanto porte sur ses épaules, une énorme responsabilité dans un  contexte politique critique entre la Colombie et le Venezuela. Il est sous la pleine menace des FARC et tente, tant bien que mal, de protéger sa famille et cet enfant dont il ne connaît rien. Commence alors le calvaire pour la famille de Crisanto qui tente de protéger l’enfant et de survivre dans la misère et l’insécurité.

Loin de l’apitoiement

Operación E est très riche. Le film est beaucoup plus accessible qu’on peut l’imaginer. Pas besoin de connaître toute l’histoire de la captivité de Clara Rojas ou encore la situation politique en Colombie pour aller voir ce film. Le contexte est très bien resitué. Pour ce faire, Miguel Courtois Paternina et son équipe ont effectué un travail complet de documentation et de recoupage des témoignages auprès de journalistes, d’enquêteurs, de personnalités politiques et auprès de Josè Crisanto lui-même.
Tout le tournage s’est effectué en Colombie. Les scènes ont été tournées le plus proche possible des lieux où se sont réellement déroulés les faits. Les scènes de pluies torrentielles renforcent le sentiment d’impuissance de la famille aux prises des éléments. Mais toute la réussite de Operación E réside dans le fait de raconter cette histoire sans pour autant apitoyer le spectateur et chercher absolument à lui faire verser sa petite larme. L’histoire est très émouvante mais le réalisateur réussi à intégrer quelques notes d’humour. Des touches qui permettent de respirer un peu.
Le personnage de Crisanto s’inscrit d’ailleurs dans cette logique. Il est ce héros imparfait et finalement touchant et attachant. Il fait quelques gaffes mais tente de réparer ses erreurs et de ne pas contrarier les FARC pour la survie de sa famille. C’est le dilemme d’un père qui doit faire passer un enfant qu’il ne connaît pas en priorité pour garder les siens.

“Une histoire intimiste et universelle”

Operación E est un film émouvant, d’une grande humanité. Le point de vue adopté est très original. On se rend compte, que les destins de Clara Rojas, son fils Emmanuel, José Crisanto et sa famille sont beaucoup plus liés qu’on aurait pu l’imaginer. C’est toute la force du film de nous faire comprendre et de nous raconter cette histoire presque invraisemblable de la captivité d’Emmanuel. Le  but est atteint : le film nous raconte avec brio l’histoire rocambolesque de cet enfant au destin finalement incroyable.  Dans le making-of, Miguel Courtois Paternina décrit cette histoire comme "une histoire intimiste mais aussi universelle qui peut intéresser le monde entier". C’est exactement l’impression que donne ce film.

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