Bien sűr, le constat est audacieux et, disons-le, trčs Ťjournalistiqueť. Mais on ne peut pas s’empęcher de noter que Connie Hedegaard, commissaire européen chargée des affaires climatiques (notre illustration) et Jean-Marc Ayrault, Premier ministre français, ont beaucoup en commun. A commencer par un caractčre psychorigide et un art consommé de nier la réalité. A Bruxelles, Mme Hedegaard a longuement tenté d’imposer ses vues en matičre de taxation des émissions de CO2 (ETS, Emission Trading Scheme) ŕ toutes les compagnies desservant l’Union européenne. Et elle l’a fait sans le moindre bon sens, c’est-ŕ-dire en niant le caractčre totalement mondial du transport aérien. Le dossier des émissions ne pouvait ętre traité que par l’Organisation de l’aviation civile internationale, ŕ Montréal, et non pas ŕ Bruxelles. Elle vient enfin de le comprendre, ŕ la suite d’amicales pressions. Grâce lui en soit rendue.
La volte-face, tardive mais bien réelle, révčle une coupable lenteur dans l’analyse et la compréhension des dossiers. Mais une compréhension qui a quand męme permis d’éviter le pire. Mme Hedegaard montre ainsi que, malgré les apparences, elle est bien meilleure que Jean-Marc Ayrault qui, lui, s’enfonce de plus en plus dans le terrain boueux de Notre-Dame-des-Landes. Cela sans recul, sans bon sens, sans un minimum de culture générale en matičre d’aviation civile. Le traitement de ce dossier est pitoyable.
On finit par l’oublier : l’affrontement entre tracteurs et véhicules de gendarmerie, plus politisé qu’il n’y paraît ŕ premičre vue, qui met aussi en scčne des extrémistes de tous bords pas toujours recommandables, et n’a plus le moindre rapport avec le monde de l‘aviation. Si ce n’est que les discours des opposants sont parsemés de criantes contre-vérités relatives ŕ l’avenir sombre qui serait celui de l’aviation commerciale, ou encore ŕ la saturation prochaine de Nantes-Atlantique. Qui plus est, il semble entendu que ce dernier fermera en 2017, dčs l’ouverture de ŤNDDLť, en oubliant que l’usine nantaise d’Airbus ne peut se passer de piste. D’oů la nécessité de revenir de toute urgence aux fondamentaux. Pour l’instant, on est loin du compte.
Mme Hedegaard, elle, aprčs un savant demi-tour, a quitté le devant de la scčne. Et, aussitôt le dossier des émissions envoyé ŕ Montréal, soulagée, satisfaite, la Chine a confirmé sa décision de passer une commande supplémentaire de soixante A320 au prix catalogue unitaire de 95 milions de dollars environ. La menace chinoise était donc sérieuse : pas d’Airbus supplémentaire en cas de taxation Ťrégionaleť des émissions. La contestation, basée sur le bon sens le plus élémentaire, était, on l’a oublié, partagée et appuyée par vingt-cinq autres Etats. Et il serait de trčs mauvais goűt de se risquer sur le terrain glissant du Ťbusiness contre CO2ť, sans fondement.
Les soixante A320 sont destinés ŕ China Eastern. Les Ťgrandsť médias, toujours pręts ŕ se tromper de cible, ont repris l’information avec un tout autre angle d’attaque. A savoir qu’Airbus, dans le cadre de la négociation, accepte de reprendre ŕ la compagnie chinoise dix-huit petits biréacteurs régionaux Bombardier et Embraer.
Cet aspect du dossier n’a pourtant rien de spectaculaire, il est tout simplement banal. Il serait autrement plus utile de s’interroger sur l’évolution du marché aéronautique chinois : China Eastern et d’autres continueront-elles ŕ acheter des A320 le jour oů le Comac C919 national sera en pleine production ? Ou le patriotisme économique sera-t-il de mise ? Mme Hedegaard, qui a maintenant du temps libre, pourrait peut-ętre se pencher sur la question.
Pierre Sparaco-AeroMorning