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Gens du bel air

Par Richard Le Menn

4pagesalmanachXVIIIerobedegaladetaila300lm.gif Photographies : Pages d'un almanach du XVIIIe siècle.

Dans la première édition du Dictionnaire de L'Académie française (1694) on trouve dans la définition du mot air : « AIR. s. m. […] Manière, façon. S'il y va de cet air-là. cela est du bel air. […] Air, signifie aussi, Une certaine manière que l'on a dans les exercices du corps, dans la façon d'agir. Le bel air. le grand air. le bon air. les gens du bel air, du grand air. l'air de la danse. il a l'air de la Cour. l'air du monde. il a l'air de qualité. il a encore l'air provincial. l'air du collège. En ce sens on dit, Se donner des airs, prendre des airs, de certains airs, pour dire, Affecter de certaines manières. Il ne se dit qu'en mauvaise part. Air, Se dit aussi de la mine, de la contenance. Je vois bien à votre air que vous avez bien l'air de &c. En ce sens, Avoir l'air grand, C'est avoir la mine haute. Et Avoir le grand air. C'est vivre à la manière des grands. »
Dans Les entretiens d'Ariste et d'Eugène de Dominique Bouhours (Paris, Cavalier, 1741), on lit : « Air est tout-à-fait du bel usage. Il a l'air d'un homme de qualité ; il a l'air noble , il a bon air, il a méchant air ; cela a méchant air, il s'habille, il danse de bon air ; il y a dans tous ses ouvrages un

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air de politesse qui le distingue des autres ; de l'air dont il s'y prend, il réussira. Vous oubliez le bel air, dit Ariste : je connais des gens qui l'ont incessamment à la bouche, & qui prétendent parler à la mode, en disant II a le bel air : il chante, il danse, il s'habille du bel air ; il fait tout du bel air, il a l'esprit tout-à-fait du bel air, il le porte du bel air. Ces gens-là sont bien ridicules avec leur bel air, repartit Eugène : cette façon de parler est décriée parmi ceux qui parlent bien, ils ne s'en fervent qu'en riant, pour se moquer des gens du bel air. »
Dans le Dictionnaire comique, satirique, burlesque, libre et proverbial (Amsterdam, Michel Charles Le Cene, 1718),  Philibert-Joseph Le Roux écrit :
« Le Bel air. C'est un mot à la mode parmi certaines personnes à Paris, comme précieuses, Abbés, petits Maîtres & autres personnes ridicules qui mettent leur unique application à estropier le beau langage ; une preuve de cela est qu'on n'a qu'à examiner combien de mots ridicules sont en usage pour juger que ce ne peut-être l'Académie
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Française qui est composée de tout ce qu'il y a de plus beaux Esprits de France qui les ait inventés, soyez à Paris dans une compagnie de Dames, d'Abbés musqués ou de petits maîtres à plumets, vous n'entendez continuellement & à tout propos que ces mots ; assurément c'est parler, rire, marcher, danser, se mettre à chanter, se coiffer du bel air. Mr. ou Madame une telle ne sont pas du bel air, & ceci ou cela n'est pas du bel air. Passe si on se servait de ces mots là avec modération : mais on en outre tellement l'usage, qu'on en néglige de parler selon la pureté de la langue, & on en méprise les mots propres. Baron, coq. Trompé ; écouter une Comédie, cela n'est pas du bel air. Pour dire cela n'est pas à la mode, cela n'est pas de qualité.

Capistron Comed.
Cherchant les Courtisans & le gens du Bel air.
Air voltigeant. C'est une manière de parler dont se servent ordinairement les coquettes ou précieuses, ou ces ridicules personnes qui cherchent à se distinguer autant par des façons de parler que par des habillements bizarres Elle dit autant qu'un air distingué, des manières de Cour, & est de qualité, ou plutôt ce qu'on appelle à Paris, les airs, penchés, sots & affectés. [...]
Airs Musqués. Mot à la mode à Paris, pour exprimer la ridicule affectation des manières & gestes d'une personne : signifie airs affectés, contraints, ridicules.
Gros airs. Airs sots & affectés d'une personne qui veut imiter les personnes de qualité. Le Sage ah. vraiment j'aime assez ces gros airs.
Airs penchés. Ce sont de ridicules contorsions du corps, des manières sottes. Ces airs penchés sont ordinaires aux petits maîtres. Ces airs sont par exemple faire le gros, tenir une main dans la veste & l'autre dans la ceinture de la culotte ; avoir le chapeau nonchalamment mis sur le coin de l'oeil. J'en donnerai un détail plus étendu dans mon Paris Ridicule que je donnerai au Public. »
Voir aussi les articles sur l'air boudeur, l'air de cour et l'air emprunté.

© Article et photographies LM


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