Selon la définition trouvée sur une encyclopédie en ligne qu'il ne faut pas citer (du moins dans des textes sérieux à prétention académique, ce que n'est pas ce blog, heureusement) mais que tout le monde consulte et que les prix Goncourt utilisent, "On nomme aporie (en grec aporia, absence de passage, difficulté, embarras) une difficulté à résoudre un problème. Le sens actuel d'aporie est plus fort et concerne tout problème insoluble et inévitable. Pour prendre une image en relation avec l'étymologie du mot, on peut dire aussi que l'aporie est une impasse dans un raisonnement procédant d'une incompatibilité logique." Ne sommes nous pas dans une aporie européenne ?
Oh ! je ne parle pas de la crise financière, mais tout simplement de l'incertitude stratégique européenne, face à un problème insoluble et inévitable.
Le problème insoluble ? ce n'est pas seulement la déflation stratégique européenne que je ne cesse de décrire. C'est aussi une incompréhension du monde, à cause d'un logiciel inadapté.
Le logiciel, c'est de fonctionner encore avec le mythe d'un Occident alors que celui-ci n'est plus, et que l'occidentalisation du monde a vécu. Aujourd’hui, les modèles de l’Occident n'attirent plus, qu'il s'agisse du modèle politique (la démocratie), du modèle économique (la théorie néo-classique d'auto-régulation des marchés), ou du modèle culturel (puisque nous assistons à une banalisation de la culture dite occidentale, et que vos enfants trouvent aussi intéressants les mangas japonais, les films de Bollywood et les gadgets chinois).
Le diagnostic faussé, c'est de ne pas considérer le monde et de se raccrocher à de vieilles lunes. En effet :
- l'Europe est relativisée démographiquement, politiquement, militairement et désormais économiquement
- la Russie n'est plus une menace (effondrement démographique, économie de rente favorisant la corruption).
- l'Amérique retourne sur son île, au prétexte d'un pivot, c'est-à-dire d'un basculement.
- le Moyen-orient vit sur d'autres modèles
- l'Orient prend sa revanche
Le problème est insoluble, car l'Europe croit encore en une solution occidentale sans apercevoir la déprise des sentiments américaine. Elle n'est plus ni un problème, ni une solution aux yeux de Washington, et au contraire, elle ne cesse d'agacer, de façon croissante, comme on considère une vieille dame devenant peu à peu gâteuse, et capricieuse. Que l'Amérique vieillisse également ne change rien à l'affaire. Le rift est là, et c'est un problème plus important que le déclin réel ou supposé de l'Amérique. Celui-ci est une excuse à notre propre déclin, qui ne voyons pas que la "puissance par la norme" n'est pas une puissance.
Cette myopie est curieuse. Elle est due au filtres oculaires que nous utilisons sans cesse : ceux du pro- et de l'anti-américanisme. Là n'est pas la question. Ce dont il est question c'est non la fin de l'histoire, mais la fin de l'Occident.
Problème insoluble et inévitable. Qui fait l'aporie européenne.
O. Kempf