Dans le domaine du PFM (gestion de finances personnelles), il existe maintenant tellement de solutions offrant plus ou moins les mêmes fonctions et exploitant à peu près les mêmes données (fournies par Yodlee, aux États-Unis) qu'il devient difficile pour l'une ou l'autre de se distinguer. Afin de lutter contre l'uniformité, la différence commence maintenant à se faire sur la visualisation de l'information.
Une illustration particulièrement éclatante de cette tendance émergente est offerte par la nouvelle application mobile de MoneyDesktop, un fournisseur d'outils de PFM destinés aux banques, distingué au dernier FinovateSpring. S'écartant résolument des traditionnels camemberts et "barres" de suivi, MoneyMobile propose par exemple une représentation des budgets à base d'un nouveau concept baptisé "BubbleBudgets" à la fois riche, graphique et intuitif (supposément).
Les "bulles" catégorielles qui la compose exposent plusieurs dimensions d'information : leur couleur indique leur état (le rouge signalant un dépassement), leur taille mesure leur valeur relative (dans l'ensemble du budget et par rapport aux autres catégories) et diverses informations plus précises sont également accessibles (par exemple le progrès, par le "contour").
Le souci esthétique et la volonté de "faire différent" ne sont pas les seules ambitions qui ont présidé à cette idée. En effet, le responsable du marketing de MoneyDesktop avance une autre justification qui rappellera les discours sur la ludification : sans aller jusqu'à faire un jeu du PFM, l'ajout d'une touche d'amusement dans l'interface, telle que l'ajustement du budget en faisant pivoter les bulles (dans les "BubbleBudgets"), permet de renforcer l'engagement utilisateur.
Je dois avouer ne pas être totalement convaincu par cet argument car je doute que le "plaisir" ressenti à la première utilisation ne fasse effet très longtemps. En revanche, l'adoption de représentations graphiques élaborées permettant de mieux exposer l'information, de rendre plus rapidement visible ce qui requiert l'attention, de combiner différents axes sous une forme simple... a certainement beaucoup plus d'importance et peut s'avérer critique pour faciliter la prise en main de concepts non triviaux (et la gestion de budget est perçue comme complexe par une majorité de consommateurs).
Les applications (mobiles) de PFM ne sont pas les seules touchées par cette nouvelle mode, qui doit aussi certainement à l'exigence d'afficher une information riche dans l'espace limité d'un écran de smartphone. Elle se retrouve également, entre autres, dans le domaine de l'information boursière, où les enjeux sont finalement assez proches. La nouvelle version de la solution de Fidelity Investments en constitue un cas éloquent, avec son damier coloré en fonction des tendances haussières ou baissières des valeurs surveillées.
Celle-ci a un autre avantage à faire valoir, déjà mentionné dans le billet que je lui avais consacré mais qui prend ici un relief différent : la possibilité offerte à l'utilisateur de personnaliser son écran d'accueil permet d'éviter un rejet total de l'application par ceux qui ne sont pas sensibles à cette représentation. Car, hélas, quelle que soit la qualité d'un format graphique, il ne conviendra pas à tous !
Dernier exemple de cette série (moins réussi, à mon avis), la nouvelle application pour iPad de Fortuneo inclut une vue originale des marchés boursiers. "Treemap" affiche les tendances sur tous les titres (toujours avec les échelles de rouges et de verts), regroupés par secteur et sous forme de dalles dont la taille est proportionnelle à la capitalisation de la société qu'elles représentent.
Malheureusement, là où les "BubbleBudgets" permettent de voir d'un coup d'oeil les postes budgétaires les plus importants et les plus sensibles et là où Fidelity rend immédiate la perception d'une tendance générale sur un ensemble de titres, je ne suis pas convaincu que "Treemap" apporte une valeur utile aux clients de la banque, à vouloir intégrer trop d'information, sans parvenir à en hiérarchiser la perception de manière simple.
Dans les AppStores où des centaines de milliers d'applications souvent semblables se disputent l'attention des consommateurs, la forme devient nécessairement un critère de différenciation. En parallèle, l'utilisation de représentations graphiques "intelligentes" pour faciliter l'accès à l'information est un moyen puissant de capter l'intérêt des utilisateurs pour des concepts qui peuvent les intimider. La combinaison de ces deux facteurs explique aisément la tendance qui émerge actuellement...
En revanche, il faut se garder des excès. Des graphiques magnifiques qui ne rendent pas un service visible et durable aux utilisateurs peuvent s'avérer contre-productifs. Il est impératif pour réussir de connaître la cible d'utilisateurs de l'application, ainsi que leurs "frustrations", afin de leur proposer les modèles qui seront les plus à même de satisfaire leurs attentes. Ensuite, l'imagination et la créativité n'ont pas de limites : dalles, bulles, patatoïdes... tout est possible !