DÉVELOPPEMENT: La cognition du bébé détermine ses compétences plus tard dans la vie – Psychological Science

Publié le 26 novembre 2012 par Santelog @santelog

Alors que les bébés se développent à un rythme étonnamment rapide, apprennent et acquièrent de nouvelles compétences tous les jours, 3 nouvelles recherches publiées dans l'édition de novembre de Psychological Science, la revue de l'Association for Psychological Science (APS) et d'autres études précédentes, suggèrent que les capacités dont les enfants font preuve au tout début de la vie vont façonner le développement de leurs compétences plus tard dans la vie, à l'enfance mais aussi bien au-delà.


L'apprentissage de la marche : La première étude qui a regardé comment les bébés apprennent à marcher pourrait se résumer –trop facilement- par « des milliers d'étapes et des dizaines de chutes chaque jour ». Cependant ces chercheurs de la New York University sont allés plus loin en enregistrant, par vidéo, de 15 à 60 minutes des vidéos de l'activité spontanée du nourrisson. Leur étude est en effet la première, après un siècle de recherche sur le développement de la marche sur une ligne droite et un chemin uniforme, à se pencher sur la locomotion naturelle de l'enfant durant l'activité spontanée et le jeu. Les auteurs ont codé les vidéos pour évaluer le temps passé par les bébés à marcher et à ramper, le nombre d'étapes dans cet apprentissage mais aussi le nombre d'épisodes de chute lors de la marche ou en rampant. Les chercheurs constatent que les enfants se déplacent énormément, que les jeunes marcheurs se déplacent plus rapidement que les rampeurs mais avec un nombre comparable de chutes dans ces deux exercices, puis de moins en moins au fur et à mesure de l'expérimentation. La motivation des nourrissons pour se mettre à la marche serait la possibilité d'un déplacement plus rapide, et à terme sans tomber, mais cet apprentissage n'est possible que par d'innombrables essais. Car l'expérience locomotrice est immense: De 12 à 19 mois, en moyenne, elle comprend 2.368 étapes identifiées et 17 chutes de l'heure. Après un début plus délicat, la locomotion naturelle s'améliore de façon spectaculaire.


Mais ce qui frappe aussi l'esprit, c'est que les meilleurs marcheurs spontanés ou les plus rapides dans l'apprentissage de départ, vont très vite ensuite, marcher davantage et moins tomber.


 


Les implications de la cognition infantile pour les fonctions exécutives à 11 ans : Ici, les chercheurs de l'Albert Einstein College of Medicine (New York) ont regardé comment les compétences de base de traitement de l'information dans la petite enfance peuvent avoir une incidence sur les compétences exécutives plus tard dans l'enfance (à 11 ans). Les enfants ont été évalués pour la mémoire, la vitesse de traitement et l'attention à l'âge de 7-12 mois et 24-36 mois, puis, à 11 ans, ont été réévalués pour différents types de compétences exécutives dont la mémoire de travail, l'inhibition et le déplacement. Les auteurs ont développé un modèle statistique qui part des capacités à la petite enfance, pour tenter de prédire le fonctionnement exécutif tard dans l'enfance. Et ils constatent que c'est bien le bon schéma : Le modèle montre en effet que la vitesse de traitement et la mémoire dans la petite enfance prédisent de façon significative la mémoire de travail et la capacité locomotrice à 11 ans. Une recherche qui soutient l'idée que les capacités cognitives des bébés fournissent une base prédictive du développement ultérieur des capacités de fonctionnement exécutif et apporte, pour la première fois, la preuve que cette force motrice commence dans l'enfance.


A 2 mois, les bébés sont déjà des « grosses têtes » : Cette étude de la Northwestern University publiée en début d'année prouve l'existence de compétences en « physique intuitive » chez les nouveau-nés, pratiquement dès la naissance. Elle montre sur des bébés de 2 mois, que les enfants sont très rapidement capables de distinguer solides et liquides et d'anticiper la physique des objets. L'étude menée sur des nourrissons âgés de 2 mois, le plus jeune âge auquel on puisse mettre en place des tests, montre que ces nourrissons, placés face à des écrans présentant un grand verre contenant soit un liquide soit un solide, mais avec une représentation identique, qu'ils font la différence, déjà, entre liquide et solide et anticipent ce qui va se passer en fonction, si l'on renverse le verre. «Nous avons des preuves claires que ce type de connaissance physique est disponible très tôt dans le développement de l'enfant », commentait alors l'auteur.


Dès 3 mois, les bébés détectent l'émotion dans la voix : Les bébés peuvent reconnaître une voix triste dès l'âge de 3 mois ce qui suggère une capacité à interpréter la voix humaine et les émotions négatives extrêmement tôt dans la vie, suggérait également une étude du Kings College de l'University College de Londres et du Birkbeck College, publiée dans la revue Current Biology. Les scanners du cerveau de nourrissons de 3 mois confirment ici que certaines parties du cerveau s'activent plus fortement lorsque les bébés entendent des voix tristes. Chez les bébés, le cortex temporal est très sensible aux voix. Les chercheurs remarquent également que l'activité du cerveau est peu différente, qu'il s'agisse de sons neutres et heureux, mais s'active en cas d'émotions tristes. Cela suggère une capacité du cerveau à analyser la voix humaine dès les premiers mois de la vie et tout particulièrement les émotions négatives.


Dès 7 mois, l'enfant décode les points de vue de son entourage : selon cette étude publiée fin 2010 dans la revue Science et sur Nature.com, les bébés, dès l'âge de 7 mois, seraient en mesure de prendre en compte les points de vue des autres personnes. Cette étude révèle, pour la première fois, le développement d'un sens social et de la coopération humaine, extrêmement précoce chez l'enfant. L'étude souligne que les interactions sociales dépendent fondamentalement de la capacité de comprendre les points de vue des autres acteurs sociaux, même si elles sont, parfois, en contradiction, cette compréhension conduisant à la nécessité complexe de conserver à l'esprit simultanément deux représentations contradictoires. Cette découverte a été permise par la mesure d'un comportement simple : Combien de temps et comment des nourrissons regardent-ils une scène dans laquelle intervient un personnage extérieur. La découverte fournit la preuve de la première prise de conscience chez les nourrissons de points de vue extérieurs par l'observation d'un dessin animé dans lequel un personnage Schtroumpf observe une balle qui roule derrière un rectangle placé sur une table grâce à un certain nombre de scènes. L'équipe constate que les enfants regardent plus les scènes finales plus surprenantes pour le personnage du dessin animé. En d'autres termes, les bébés suivent le processus du point de vue du personnage, et pas seulement leur propre point de vue.


A un an, les bébés comprennent déjà nos attentions : Cette troisième étude du Max Planck Institute (Leipzig), publiée dans Psychological Science, montre que les nourrissons savent, au contraire des petits chimpanzés, être attentifs et suivre la direction de la voix d'un adulte. Les auteurs ont mené une expérience dans laquelle les enfants, placés en face d'une barrière en bois, équipée d'une boîte de chaque côté, sont parvenus à se déplacer dans la direction de la voix, soit vers l'une des boîtes, de l'animateur caché derrière la barrière. Même s'ils ne pouvaient pas voir l'adulte, les nourrissons de deux ans sont capables de s'orienter dans la direction vocale vers la boîte…qui contient le jouet. Et la réaction des enfants est identique même si l'adulte est placé plus à proximité de la « mauvaise » boîte. Des résultats qui montrent que les nourrissons peuvent déterminer le centre de l'attention d'une autre personne par le biais de la seule direction de l'information auditive, une compétence utile pour le développement de l'attention.


Alors que ces différentes études mettent en avant l'importance du développement précoce du mouvement, de sa compréhension physique, de sa direction et de son intention et l'implication des fonctions cognitives précoces pour sa réalisation, l'interaction naturelle avec l'enfant, comme parler ou dire bonjour, jouer à cache-cache et apprendre à l'enfant à manipuler des objets en toute sécurité, est essentiel pour favoriser son développement, même plus tard, dans l'enfance.


Sources:


Psychological Science November 2012


doi: 10.1177/0956797612446346 How Do You Learn to Walk? Thousands of Steps and Dozens of Falls per Day


doi: 10.1177/0956797612444902 Implications of Infant Cognition for Executive Functions at Age 11


doi: 10.1177/0956797612450032 One-Year-Old Infants Follow Others' Voice Direction


et WIREs Cognitive Science 2012, 3:19–27. doi: 10.1002/wcs.157 "Physics for Infants: Characterizing the Origins of Knowledge About Objects, Substances, and Number"


Current Biology, 30 June 2011 10.1016/j.cub.2011.06.009 Early Specialization for Voice and Emotion Processing in the Infant Brain


Nature.com « Seven-month-old babies can 'read minds » Science330, 1830-1834 (2010) The Social Sense: Susceptibility to Others' Beliefs in Human Infants and Adults


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