Josef SCHOVANEC – Je suis à l’Est !
Josef Schovanec vit avec le syndrome d’Asperger, il est ce qu’on appelle souvent un « autiste savant ». Josef Schowanec est récemment devenu, un peu malgré lui, « médiatique » - même si cela ne lui facilite pas la vie.
Le témoignage qu’il nous livre est fascinant et se lit avec un véritable plaisir, sans aucune complaisance ni pitié et offre ainsi une belle occasion de découvrir cette spécificité qu’est l’autisme et plus particulièrement l’autisme dit « savant ».
Je souhaite souligner dès maintenant, pour arrêter net un préjugé profondément ancré au cœur des gens (merci les médias !!) que tout autiste n’est pas « savant » (raison pour laquelle je n’aime pas l’expression d’autiste « savant », ça fait penser au singe ... Je préfère, à titre personnel, parler d’Asperger) !
Un autiste est comme tout un chacun, il y en a des plus intelligents et des moins intelligents. Le syndrome d’Asperger, ou « autisme savant est simplement l’une des formes que peut prendre l’autisme, qui semble alors fréquemment (mais pas toujours !!!) plus « léger » (j’ai résumé de façon excessivement simpliste).
Pour en revenir à ce qui nous occupe :
J’ai adoré le témoignage que nous apporte Josef Schovanec (un témoignage qui, contrairement à ce qu’indique la couverture, n’est néanmoins pas « unique », puisque d’autres autistes, Asperger ou non, ont d’ores et déjà partagé leurs impressions).
Je dois dire que j’ai tout simplement a-do-ré l’humour de l’auteur, un humour extrêmement fin qui traverse le roman, j’ai totalement adhéré à son regard sur le monde actuel, je suis d’accord avec lui sur tellement de réflexions que c’en est effrayant.
Josef Schovanec trouve les mots justes, ceux qui font mouche et m’ont fait éclater de rire plus d’une fois. Que ce soit quand il parle de son amour pour la langue germanique (que je partage, comme vous le savez, et son analyse m’a vraiment plu ! j'adore quand il se remémore « ce délice d’attendre l’instant où, à l’approche du point final, les verbes accumulés allaient se loger, impeccablement conjugués, au bon endroit … » - oui, les phrases sont looooongues en allemand, et oui, le verbe vient à la fin et est particulièrement difficile à conjuguer !), ou encore quand il parle du changement d’attitude des gens lorsqu’il glisse dans une conversation qu’il a « fait » Science-Po.
Dans ce livre, tout en nous parlant de ses problèmes liés à l’autisme, il n’en parle pas. Etonnant, mais vrai !
C’est ce qui fait que ce livre se lit avec un véritable plaisir, en partageant ses réflexions mais aussi ses rires.
Nous l’accompagnons dans son récit, dans lequel il relate son vécu, ses déboires avec les psychiatres/psychologues et autres psy-, nous le savons angoissés devant le moindre rendez-vous, craintif devant l’idée de prendre un taxi – et pourtant, pourtant ce n’est que l’histoire de sa vie, il ne généralise pas, ne tente même pas de s’autoanalyse. Il constate. Il relate. Il livre son point de vue.
C’est un plaisir de lecture, puisque l’auteur est perspicace, vif et plein d’humour. Il sait rire de lui-même et des « attentes » de la société, il voit ses propres faiblesses, il se souvient des gaffes qu’il a pu faire, mais en tire toujours quelque chose de positif.
Josef Schovanec nous démontre, sans le vouloir, que l’autisme n’est ni un handicap, ni un avantage. C’est simplement … différent.
Même si l’autiste aura toujours du mal à s’intégrer dans la société actuelle.
Mais n’est-il pas exact que si l’autiste (savant ou non) a du mal à s’adapter au monde « réel » c’est simplement parce que les non-autistes (les « neurotypiques ») sont plus nombreux et imposent donc leur façon de vive ? Je ne le sais pas, mais la question est intéressante.
Josef Schovanec est un personnage que vous avez peut-être, comme moi, découvert à la télévision. Il parle de façon précise et intelligente même si son débit reste monotone. Il est le premier à le reconnaître et à le souligner. Il a des difficultés à dire un simple « bonjour » - mais maîtrise au moins une dizaine de langues (et d’autres encore, mais si ce n’est parfait, on ne compte pas). En l’écoutant, ou en le lisant, son esprit fin ne peut que faire sourire.
Josef Schovanec est pour moi quelqu’un qui démontre bien le fait que l’Asperger n’est pas handicapé, qu’il a juste une façon de fonctionner et de penser distincte, une perception différente.
D’ailleurs, aucun Asperger ne se ressemble à l’autre ! Sauf qu’ils ont tous un esprit particulièrement vif, et à ma connaissance et d’après mon expérience ils ont tous un humour mordant.
Le témoignage de l’auteur m’a fasciné, parce qu’il ne généralise pas. Il nous livre sa vie, partage ses idées, ses perceptions. Il n’impose rien !
Son expérience personnelle en devient d’autant plus prenante !
J’ai par ailleurs apprécié que Josef Schovanec tente de parler de ce qu’il faudrait changer pour aider les autistes, « savants » ou non. Là encore, il s’agit de simples idées, mais logiques et intelligentes. Il faudrait notamment moins de théories, de discussions sur les classifications, de réflexions sur une cure (dont personne ne veut), et bien plus d’aide concrète !
Josef Schovanec propose, entre autres, plus d’AVSi et une formation plus adaptée de ces personnes qui accompagnent les enfants autistes (ou autres) dans l’école … et bien, il sera ravi d’apprendre que depuis l’édition de son livre il n’y a plus d’AVSi ….. Voilà un véritable métier qu’il s’agissait de développer et non pas de condamner !
Il y a toutefois quelque chose qui m’a manqué dans ce livre :
Des explications permettant d’aider les personnes non autistes à comprendre et donc aider un enfant autiste ou même un adulte autiste, une tentative d’explication de ses problèmes, de ses perceptions, une proposition d’astuces.
Ainsi j’aurais adoré savoir comment l’auteur a surmonté le problème de la surcharge sensorielle, quelles étaient ses astuces personnelles ? Comment sortir d’une crise autistique, comment faisait-il ? Comment se débarasser, alors qu’on est encore jeune, des stéréotypies (comme le « flapping », le célèbre battement des mains) ? Comment surmonter une angoisse en particulier ?
Oui, chaque autiste développe ses propres stratégies, tout parent d’autiste cherche, de façon individualisée, d’aider son enfant, certains y parviennent d’autre non, certains ont la patience, d’autres non. Mais des idées sont TOUJOURS le bienvenu.
Cela pourrait être le sujet d’un deuxième livre ……
Bref, ce livre est absolument fascinant.
Si vous êtes sensibles au sujet de l’autisme (savant ou non), LISEZ-LE.
Si vous êtes curieux de découvrir un regard vif - et totalement libéré des impératifs de la société - sur le monde, lisez-le !
Si vous êtes de près ou de loin concerné, c’est à lire ! Même si cela n’aidera pas le parent d’un enfant qui vit avec l’autisme (savant ou non).
POUR LES CURIEUX :
Si vous êtes curieux de lire plus, voici d’autres livres à lire :
L’inévitable « Je suis né un jour bleu » de Daniel TAMMET (autiste Asperger), qui nous permet d’entrer dans la tête d’un autiste « savant » dès son enfance ; voici mon commentaire : http://edenlalu.centerblog.net/59-daniel-tammet-je-suis-ne-un-jour-bleu
Pour ceux qui souhaitent expliquer l’Asperger à des enfants, avec des mots simples et des images parlants, ne négligez pas « All cats have Asperger syndrome », un livre-photo de Kathy Hoopmann (malheureusement jamais traduit en français, mais extrêmement facile à comprendre même avec un anglais de base) : mon commentaire : http://edenlalu.centerblog.net/267-kathy-hoopmann-all-cats-have-asperger-syndrome
Ou encore « Moi, l’enfant autiste » coécrit par Judy Barron (la mère) et Sean Barron (l’enfant autiste devenu adulte). Je ne l’ai pas commenté sur mon blog, mais il est assez intéressant puisque, justement, il y a les deux regards – l’enfant, qui, de son point de vue a une enfance quasi normale et qui ne comprend pas, et celui de la mère, désespérée.
Et bien d’autres.
Puis, pour aller encore plus loin, rejoignez les groupes sur Facebook ! Il y a d’excellentes pages, tenues souvent par des Asperger, qui permettent de poser ses questions, d’interagir, de partager son expérience, et surtout de RIRE ensemble ! Vous y trouverez par exemple une page relativement récente mais très active, la page « Asperger Syndrome Awareness » (anglopohne) ou encore la page (également anglopohne) « Asperger Awareness Community » qui propose de débattre et échanger au sujet de deux thématiques par jour.
Et bien bien plus encore.
Puis il y a une multitude de blogs, si vous le désirez je pourrais vous en proposer à titre individuel (il suffit de me contacter par la page « contact »).
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