Le 7 avril prochain se tiendra le référendum sur la fusion des collectivités territoriales en Alsace. On nous demande de répondre à la question « « Approuvez-vous le projet de création d’une Collectivité Territoriale d’Alsace, par fusion du Conseil régional d’Alsace, du Conseil général du Bas-Rhin et du Conseil général du Haut-Rhin répondant aux principes d’organisation énoncés ci-dessous ? » (pour les principes : voir ici .)
Ma réponse à cette consultation sera NON. Les lignes suivantes vont expliquer pourquoi.
Sur le principe, j’approuve cette volonté de réduire le mille-feuille administratif français. Il faut créer les synergies permettant d'optimiser les coûts de fonctionnement de nos différentes collectivités territoriales et en finir avec la gabegie causée par leurs compétences doublons.
En ce sens, j'étais en définitive favorable au projet de fusion des collectivités et à la création du conseiller territorial voulu en son temps par Nicolas SARKOZY. Ce projet est désormais enterré. Je souhaite que l'on ouvre à nouveau le débat sur ce type de regroupement institutionnel. Une réflexion concernant toutes nos régions métropolitaines et en prenant le temps de penser une collectivité efficace et la moins dispendieuse possible.
Au demeurant, lorsque j’étais membre de République Solidaire, je soutenais la proposition de Dominique DE VILLEPIN de procéder à une réforme drastique de notre paysage institutionnel par la réduction du nombre de nos régions métropolitaines (de 22 à 8).
Cependant, en ce qui concerne le projet de Conseil d'Alsace, ou quel que soit le nom qu'on lui donne, je ne saurais y souscrire.
La raison principale de mon refus tient à ce que j’estime qu'il est nécessaire de maintenir l'égalité de traitement institutionnel sur nos territoires. En l’occurrence, nous serions à ce jour l’unique région à mettre en oeuvre une réforme de ce type.
Les propos tenus par l'actuel locataire de l'Elysée lors des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat ne me semblent pas aller dans le sens d'une fusion de nos collectivités territoriales. Par ailleurs, un acte III de la décentralisation ne va pas tarder à être mis en débat. Ses grandes lignes ne sont pas fixées. Prenons davantage le temps de la réflexion et voyons quelles sont les orientations et propositions qui vont être retenues.
Aujourd'hui, je pense que le fait de doter l'Alsace de ses propres institutions contribuerait d’une certaine manière à mettre en place un statut d'exception pour notre région au sein de la République. Ceci, je m'y oppose. Je ne parle pas de mettre en cause le droit local existant. Évidemment, il ne s'agit pas de revenir sur les acquis hérités par l'histoire de notre région, mais je ne pense pas que nous devons nous engager dans une voie distincte du reste de la France en terme institutionnel. Les autonomistes ont été les premiers à mettre en place leur campagne pour le oui au Conseil d’Alsace et ne s'y trompent pas. Nous marquerons durablement notre différence, nous dirons à la France, « nous voulons nos propres institutions, faites ce que vous voulez de votre côté ». Ce message n'est pas le bon. Mais peut-être voulons nous renforcer l’idée que la frontière française s’arrête en Moselle.
Qu'on ne s'y méprenne pas, je ne remets pas en cause le principe de décentralisation. Mais j'estime que c'est sur le plan des politiques à mener localement, sur les marges de manoeuvre par rapport à une règle du jeu commune qu'elle doit se décliner. Je refuse une décentralisation permettant l’apparition de multiples institutions régionales, chacune édictant ses propres règles. Nos institutions se doivent d'être cohérentes et homogènes sur le territoire métropolitain. Il n’est pas souhaitable que le citoyen s'y perde suivant qu'il s'installe dans une région ou une autre. J’y vois une bonne manière de favoriser l’abstentionnisme lors des consultations électorales.
Cet aspect de la question me suffit déjà pour répondre par la négative au référendum.
Maintenant, le projet en lui-même. Il m'apparaît comme complexe et flou sur de nombreux points. La philosophie générale qui le guide n'est donc pas à rejeter, mais un certain nombre d'éléments me conduisent également à y répondre par la négative.
Je me base sur les conclusions du rapport établi pour le Congrès d’Alsace et qui a servi de base pour le travail de nos élus. (Lien plus haut)
Ce projet résulte de multiples compromis. L'objectif est avant tout de mettre en place ce Conseil unique, ce faisant, au détriment d'un fonctionnement clair et efficace. La règle ayant fait office de ligne directrice semble être “Ne froissons personne !”. Il en résulte un projet mal ficelé et ne répondant que peu aux exigences d'efficacité et de lisibilité revendiquées.
Le regroupement proposé me semble des plus artificiels car il instaure au final deux chambres. Chacune pourvue de surcroît de son propre siège. On verra donc un exécutif basé à Colmar et une assemblée parlementaire fixée à Strasbourg. On part de trois pour finir à deux sous prétexte de faire un ? Ce n'est pas très cohérent.
Par ailleurs, est-ce la préfiguration d'un nouveau combat pour le siège strasbourgeois d'une institution ? Inacceptable. Strasbourg est capitale de la région, elle se doit d’accueillir en intégralité le siège de la nouvelle instance. Ne faisons pas de Colmar une Bruxelles Bis. Cette ville mérite mieux au demeurant que de servir de prétexte au fait que les haut-rhinois auraient eux aussi eu leur part du gâteau. Le rapport fait mention d'une volonté de « porter ensemble le statut de capitale européenne de Strasbourg ». Alors oui, soyons exemplaires, donnons UN seul siège à Strasbourg pour la nouvelle assemblée régionale si elle voit le jour.
Je note que si on supprime les deux conseils généraux, on installe deux conférences départementales et on multiplie par ailleurs les groupes territoriaux informels. L'argument de la proximité est certes valable, notamment pour les groupes territoriaux, mais je doute que cela participe à la clarification du mille-feuille administratif auprès du citoyen.
L'argument économique me paraît faible même s'il est réel. Les informations données à ce jour me donnent surtout l'impression que nous allons économiser au plus quelques gouttes d'eau dans un océan budgétaire.
On nous parle d'une réduction de l'ordre de 10 à 20 % sur les postes de dépenses en communications et sur celui des dépenses liées au parc automobile des trois collectivités. Pour le reste, on nous indique que les synergies permises participeront de l'effort de réduction des dépenses. Parfait, que voici un objectif louable ! Je me pose quelques questions cependant : quelle est la part de ces postes sur l'ensemble du budget des collectivités actuelles ? Quel pourcentage de dépenses cela représentera-t-il pour la nouvelle collectivité ? La démonstration faite n'est pas très convaincante, on nous livre de grands axes, mais pas de budget comparatif global pour se faire une réelle idée. Dans ce domaine, je me méfie de l'opacité.
On diminue -légèrement- le nombre d'élus. Je vois là une avancée positive. Là encore je ne peux cependant m’empêcher de m’interroger. Du fait de la fusion des trois assemblées, les élus tels qu'ils existent actuellement (conseillers généraux, conseillers régionaux) ne seront-ils pas dotés de davantage de compétences et de responsabilités ? Ne pourraient-ils pas, avec raison dans ces conditions, revendiquer une hausse de leurs indemnités ? On risque au final de ne pas réduire grand-chose sur ce poste.
Autre point, le rapport réalisé pour le Congrès d'Alsace exprime une volonté d' « être à la hauteur de l'exigence démocratique » et « d'être exemplaire dans la conduite du projet ». Soit. Il est donc bien regrettable de se contenter d’une démarche de validation du projet auprès du citoyen. Une réforme sur laquelle il n'aura malheureusement pas eu la possibilité de s'exprimer en amont et d'apporter d'éventuelles suggestions voire améliorations. Une démarche d'ouverture envers nos concitoyens aurait été souhaitable. Il n'en a rien été. On prône plus de démocratie, mais elle n’a été mise en œuvre dans le processus d’élaboration du projet qui va être soumis à notre vote.
Paramètre supplémentaire, je suis hostile au principe du scrutin à la proportionnelle. Je pense que seul le scrutin uninominal direct sur un territoire donné responsabilise l'élu face à l'électeur. Le scrutin à la proportionnelle lui favorise le lien de l'élu avec la tête de liste et/ou un parti au détriment du citoyen. Certes nous avons dans ce projet une mode de désignation mixte conservant une part de scrutin uninominal, il découle cependant d'une volonté de couper la poire en deux et de froisser le moins possible certains de nos élus. Je souhaite que seul le mode d’élection actuel des conseillers généraux soit maintenu pour la création de la nouvelle collectivité. Je ne vais donc pas donner mon assentiment à un projet qui comporte, même à part réduite, un mode électoral dont je me méfie, le reste ne plaidant déjà pas en sa faveur pour ce qui me concerne.
Je ne vais pas énumérer davantage mes points de désaccord avec ce projet, les deux principaux me suffisent amplement : non à une forme de statut d'exception et non à l'éclatement du siège de nos institutions.