Je l'ai annoncé régulièrement dans ces colonnes : à un moment ou un autre, l’État n'hésitera pas pour rembourser la dette française à aller chercher l'argent directement dans les poches des Français, sans leur demander leur avis. L'idée, déjà lancée en mai 2009 alors que la crise était bien piquante, est revenue dans l'air des deux côtés du spectre politique.
Il ne faut perdre de vue que les premiers bénéficiaires de la dette (et de loin), ce sont les personnes qui vivent au crochet de l’État. Bien sûr, en dernier ressort, il y a les chômeurs, les retraités et les fonctionnaires. Mais avant ceux-là, toujours avant, on trouve bien évidemment les politiciens pour qui une carrière dans le privé serait tout bonnement impensable tant la soupe est bonne dans le giron de l’État.
Et avec la récente dégradation de la note de la dette souveraine française, les fonds vont, mécaniquement, se faire plus difficiles à collecter, surtout que cette dette est détenue à plus de 62% par des étrangers. Si ces derniers devaient restreindre leur appétit pour les gourmandises françaises, les politiciens, leurs émoluments joufflus et la kyrielle d'avantages attachée à leurs fonctions d'apparat viendraient à subir une remise en question sensible. On comprend que cela les rende nerveux.
Et on ne sera donc pas étonné de trouver les mêmes préoccupations tant à "droite" qu'à "gauche" (notez les guillemets : en matière de bien-être financier, le clivage disparaît et ces loustics s'entendent bizarrement comme des larrons en foire).
Et pour le Président, cela se traduit de la façon suivante :
"Moi
président, j'ai l'idée que l'épargne des Français, qui est à un niveau très élevé - 17% de nos revenus sont épargnés - puisse être mobilisée pour l'industrie, pour le logement et aussi pour la dette. De manière que, plus on empruntera auprès des Français, moins on empruntera auprès des marchés."
Autrement dit, comme les Français mettent des sous de côté, autant leur demander de mettre ces sous dans les paniers percés emprunts de l'administration et de l’État. Comme un état ne peut pas faire faillite (jamais, impossible !) et que la France est éternelle, c'est -- forcément -- un bon placement. Et puis, en temps de crise, mieux vaut emprunter à sa population qu'aux méchants marchés qui risqueraient de changer d'avis à la première occasion, hein. Et puis, les investisseurs peuvent aller voir ailleurs, alors que pour les Français, on peut les obliger à rester, éventuellement.
À droite, on trouve exactement le même raisonnement. NKM nous propose ainsi quelques précieuses gouttes de pensée subtile.
"La décision de Moody’s d’abaisser d’un cran la notation française aura probablement peu d’impact, et je le souhaite ardemment."
On peut le souhaiter, serrer bien fort ses petits poings pendant la course tout en fermant les yeux, mais se prendre la réalité face la première : si la première dégradation était clairement enregistrée dans les cours, et si la seconde ne fera pas violemment bouger le CAC, les mouvements pour réattribuer les fonds vers ceux qui ont conservé le triple-A, et les effets de bords sur le fonds européen de sauvegarde, eux, seront inévitables. Ce qui va se traduire mécaniquement par une hausse des taux, et donc, un renchérissement de notre dette, ce qui là encore provoque des conséquences en terme de coût sur les finances publiques.
Bref : la décision de Moody's aura sûrement pas mal d'impact.
"Les Français ne détiennent qu’un tiers de la dette française, soit l’un des plus faibles taux de l’OCDE. Au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, c’est plutôt les deux-tiers, et au Japon, plus de 90% !"
Et on se demande bien pourquoi ! Peut-être les Français soupçonnent-ils que l'honneur de nos gouvernants n'est pas le même que celui des gouvernants japonais ? Peut-être se doutent-ils que si un petit pépin survient, ils vont se retrouver en slip pendant que nos fiers dirigeants seront partis avec la caisse ? Il y a une autre explication possible : peut-être que les Français, perclus d'impôts, constamment cognés par l’État qu'ils soient dans leur voiture, chez eux ou au travail, n'ont aucune envie d'ajouter des moyens supplémentaires, issus directement de leurs poches, à celui qui s'apparente de plus en plus à une marâtre violente...
Ceci dit, moyennant les bonnes campagnes de propagande et avec une bonne couche de moraline bien gluante, on devrait arriver à détourner encore quelques dizaines de milliards des poches des gogos pour continuer à faire tourner la machine à sucrerie. Après tout, même si certains feignent de ne plus croire au Père Noël, cela fait 40 ans qu'ils votent pour toujours plus d’État, hein !
"Notre épargne nationale très abondante est investie massivement en assurance vie. "
Là encore, c'est parfaitement normal puisque c'est le seul placement qui n'était pas scandaleusement sodomisé par le fisc. Rassurez-vous : ceci va changer très probablement, même si pour le moment, le clown qui sert de ministre de l’Économie a prétendu ne rien vouloir toucher de sa fiscalité. En matière de respect des engagements, le track-record des politiciens, et des socialistes actuellement, laisse même envisager, devant les déclarations lénifiantes de Moscovici, qu'une refonte massive des impôts sur ce véhicule financier est déjà dans les cartons, prête à bondir quand les gens auront l'esprit occupé par une broutille médiatique quelconque.
"profitons de l’accalmie des marchés pour amorcer cette transition, sans attendre d’y être contraint par des taux élevés."
Sans langue de bois, cela veut dire "Vite, allons piocher dans le bas de laine des Français avant que les investisseurs pas captifs soient partis, eux." Pragmatiquement, NKM a raison. Ce n'est pas lorsque le vent dans les voiles sera au plus fort qu'il faudra songer à aller chercher l'argent où il se trouve sans déclencher des hurlements. Et effectivement, si l'Etat doit mener un casse gigantesque, la période actuelle est probablement la meilleure. À tout hasard, prenez des options solides sur une hausse de la vaseline.
"renationaliser la dette, c’est donner l’opportunité à chaque Français d’aquérir directement des bons du Trésor"
Et c'est vrai : quel bonheur d'échanger son travail contre un papier sans valeur ! On dirait, on dirait, on dirait une escroquerie, tiens. Parce qu'il ne faut pas perdre de vue deux choses :
A/ L'argent emprunté n'est plus dans la poche du créditeur. Il est dans celui du débiteur, furtivement, avant d'aller bien vite dans la poche de la myriade de bénéficiaires des largesses étatiques, ceux-là même qui ont, précisément, creusé la dette en premier lieu. Demander à l'Etat de rembourser, c'est demander à ces gens-là d'arrêter de biberonner ces largesses. On voit tout de suite la gageure : cela fait 40 ans que personne n'a osé le faire. La probabilité que le remboursement intervienne est donc strictement nulle. Ceux qui prêtent ne font, en réalité, qu'un pari sur le bon versement d'éventuels dividendes ajustés au micromètre pour être amoureusement sabotés par l'inflation...
B/ Pendant ce temps, les banques centrales européenne, américaine, anglaise, suisse et japonaises rivalisent d'inventivité pour sabrer leurs monnaies en imprimant aussi discrètement que possible des montants toujours plus conséquents de papiers rigolos. La course qu'elles se livrent entre elles ne peut pas améliorer la situation. On comprend là encore que l'heureux détenteur de créances étatiques libellées dans une monnaie qui s'effondre verra ses dividendes ridiculisés lorsqu'il faudra, pour ces états, passer à la caisse. À côté, les emprunts russes du début du XXème siècles semblent plus solides.
Et l'incertitude qui touche l'assurance-vie touche aussi le livret A dont la collecte bat des records : il ne faut pas perdre de vue que c'est toujours l’État qui se porte garant de ces fonds, et avec la belle brochette d'aigrefins aux commandes, on comprend vite que si le pire a pour le moment été évité, c'est plus par pure chance que par réelle compétence.
Je l'ai dit en introduction de ce billet, je le redis ici : dès que l'état en sentira le besoin, les belles idées de NKM et de Hollande seront appliquées, de force, et il nationalisera la dette, sans demander leur avis aux Français. Grâce à l'enfumage monétaire qui se profile, il est même probable qu'il arrive à persuader les Français qu'ils auront gagné quelque chose dans l'opération, à l'exception évidente de ceux qui seront investi en or...
À bon entendeur.
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